Coup de tonnerre dans la course aux élections municipales à Paris ce vendredi 14 février : le candidat LREM Benjamin Griveaux retire sa candidature suite à la diffusion d'une vidéo intime lui étant attribuée. Des personnalités politiques de Saône-et-Loire, où il a débuté sa carrière, réagissent.
Les réactions des personnalités politiques de Saône-et-LoireJérôme Durain, sénateur PS de Saône-et-Loire :
"Je trouve que c'est totalement extérieur au champ de la vie publique, que c'est totalement privé. Ça ne sert rien ni personne. Ça ne sert pas l'enjeu municipal à Paris, la démocratie, la vie en République. Je trouve que c'est désolant, navrant. Ça abime beaucoup de choses. On va avoir une espèce d'amalgame entre une affaire privée et l'engagement public et l'engagement public."
"Ceux qui ont propagé ce type de contenus ne s'honorent pas eux-mêmes et ne rendent pas service à la démocratie", ajoute l'élu.
Françoise Verjux-Pelletier, élue au conseil départemental de Saône-et-Loire :
"Il convient de se rappeler que les campagnes de caniveau ne sont pas nouvelles. Mais avec la puissance de diffusion des réseaux sociaux, les dégâts sont vite considérables. Au delà du cas de Benjamin Griveaux, il faut que chacun prenne conscience des dangers que recèlent ces réseaux. Je pense tout particulièrement à nos jeunes, trop souvent mal informés des dangers et qui peuvent se retrouver involontairement exposés aux yeux de tous. Des drames surviennent alors."
Retrait de sa candidature
"Suite à des "attaques ignobles" (...) j'ai décidé de retirer ma candidature à l'élection municipale parisienne. Cette décision me coûte mais mes priorités sont très claires. C'est d'abord ma famille, vous l'aurez compris", a dit le candidat de La République en Marche dans une déclaration enregistrée en début de matinée au siège de l'AFP, en présence également de BFM Paris.
Un site avait diffusé mercredi soir 12 février, une vidéo intime et des messages connotés adressés à une femme, affirmant qu'ils émanaient de l'ancien porte-parole du gouvernement.
Ils ont été relayés peu à peu jeudi sur les réseaux sociaux.
"En annonçant ma candidature à la mairie de Paris, je connaissais la dureté du combat politique", a commencé M. Griveaux dans une brève déclaration solennelle, enregistrée au milieu de membres très émus de son équipe de campagne.
"Depuis plus d'un an, ma famille et moi avons subi des propos diffamatoires, des mensonges, des rumeurs, des attaques anonymes, la révélation de conversations privées dérobées ainsi que des menaces de mort", a-t-il poursuivi.
"Ce torrent de boue m'a affecté et surtout a fait mal à ceux que j'aime. Comme si cela n'était pas suffisant, hier, un nouveau stade a été franchi. Un site internet et des réseaux sociaux ont relayé des attaques ignobles mettant en cause ma vie privée. Ma famille ne mérite pas cela. Personne, au fond, ne devrait jamais subir cette violence. En ce qui me concerne, je ne suis pas prêt à nous exposer davantage ma famille et moi quand tous les coups sont désormais permis. Cela va trop loin."
En marge de sa déclaration, M. Griveaux a indiqué à l'AFP s'être entretenu tard jeudi soir avec le président Emmanuel Macron, qui l'a selon lui assuré de son soutien "quelle que soit sa décision", en l'invitant à protéger les siens.
Figure de la macronie, Benjamin Griveaux, 42 ans, qui a renoncé vendredi à sa candidature à la mairie de Paris, est un ambitieux qui a longtemps dû batailler contre une image jugée clivante.
Ce proche du chef de l'Etat s'était rapproché d'une de ses plus grandes ambitions, l'été dernier, lorsqu'il avait été investi par La République en marche à Paris.
Passé politique en Saône-et-Loire
Ce fils d'un notaire et d'une mère avocate avait été élu conseiller municipal de Chalon-sur-Saône, puis conseiller général en 2008, sous la présidence d'Arnaud Montebourg, alors qu'il avait gravité dès 2003 dans les cercles strauss-kahniens, avant de participer à la campagne de DSK à la primaire de 2006.
"Benjamin Griveaux, c'est mon fils spirituel", aime raconter l'ancien ministre François Patriat, ex-PS jadis proche de l'ancien patron du FMI et passé chez LREM. "J'étais au lycée avec sa mère. Je voulais en faire mon successeur à la Région (Bourgogne), mais il s'est fait tuer par les socialistes orthodoxes", déplore cet indéfectible soutien.
Carrière parisienne
A défaut des charmes discrets de la bourgeoisie provinciale, c'est dans le cabinet parisien de la ministre socialiste de la Santé Marisol Touraine que l'ambitieux a poursuivi son ascension à partir de 2012. Et après un passage en 2014 par la direction de la communication et des affaires publiques du groupe d'immobilier commercial Unibail-Rodamco, sa carrière connaît un tournant en 2015, lorsqu'il est contacté par Ismaël Emelien, alors conseiller d'Emmanuel Macron, pour la création du mouvement En Marche !
Car le petit commando qui entoure celui qui est alors ministre de l'Économie de François Hollande se connaît de longue date : Stanislas Guerini, Ismaël Emelien, Cédric O, Benjamin Griveaux... tous d'anciens "DSK boys", dont l'amitié s'est nouée au QG de leur champion, rue de la Planche à Paris. En s'engageant pour Emmanuel Macron, Benjamin Griveaux se rend indispensable dans la campagne, coordonne le porte-parolat du parti et multiplie les passages télévisés ou radio, autant qu'il accroît sa notoriété.
En janvier 2019, il est la cible d'une poignée de manifestants "gilets jaunes" qui défoncent avec un engin de chantier le portail de son ministère, alors qu'il a été nommé un an plus tôt porte-parole du gouvernement. A peine désigné candidat à la mairie de Paris, son image s'était à nouveau détériorée lors de la révélation d'un enregistrement dans lequel il insultait nombre de ses camarades.
La campagne qui s'annonçait comme une voie triomphale vers l'Hôtel de ville de la capitale tourne finalement au chemin de croix: il doit affronter la candidature dissidente de Cédric Villani, bien que celui-ci ait brigué l'investiture LREM et se soit engagé à soutenir le candidat désigné.
Au fur et à mesure de la campagne, les sondages étaient médiocres, le marcheur étant largement devancé par la sortante socialiste. Ce père de trois enfants, fan de l'écrivain Brett Easton Ellis, de séries américaines et du groupe de rock Nirvana, a finalement renoncé un mois avant le premier tour.