"J'ai raté Noël dans des conditions déplorables" : Sébastien a passé cinq jours bloqué dans son camion en Angleterre

Sébastien a fait partie des 4 500 chauffeurs bloqués à Douvres, en Angleterre, après la fermeture des frontières suite à la propagation de la nouvelle variante du Coronavirus identifiée dans le sud du pays. Il raconte des "journées d'horreur".

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Le dimanche 20 décembre, le gouvernement français annonce la fermeture des frontières avec le Royaume-Uni. Les trafics en provenance de la Grande Bretagne sont inderdits pour éviter la propagation d'une nouvelle variante du Covid-19, identifiée dans le sud du pays. 4 500 chauffeurs se retrouvent bloqués à Douvres. Sébastien, originaire de Saint-Loup-de-Varennes et salarié au Creusot, raconte ce qu'il a vécu comme "une prise d'otages".

"Ils me disaient Sébastien, tu vas passer Noël en Angleterre... Je pensais que c'était pour rigoler"

Vendredi 18 décembre, Sébastien monte dans son camion et part de Chalon-sur-Saône, direction l'Angleterre. Il est loin de se douter de ce qu'il va vivre les cinq prochains jours. 

Samedi 19 décembre, Sébastien embarque à Calais et arrive à Douvres. Ce n'est que le dimanche 20 que le chauffeur prend la route pour se rendre chez son client, dans le nord de l'Angleterre. Le soir-même, il reçoit des messages de ses amis. "Ils me disaient : Sébastien tu vas passer Noël en Angleterre. Je pensais que c'était pour rigoler." Mais ce même jour, la France suit ses voisins européens et annonce la fermeture des frontières avec le Royaume-Uni, alors qu'une variante du Covid-19, beaucoup plus contagieuse, se propage dans le sud du pays. "J'ai reçu d'autres coups de téléphone qui me disaient que ça ne sentait pas bon, qu'ils bloquaient tout... Mon épouse a entendu que les frontières allaient être bloquées à minuit.

Sébastien téléphone à son exploitante. Elle pense que les transports de marchandises ne seront pas impactés. "Et en fait si. Ils parlaient de tests Covid... Mais on ne comprenait rien, personne n'avait d'infos. On était dans le flou.

Bloqué, sans douche et sans nourriture

Lundi 21 décembre, Sébastien livre son client à New Castle. Toujours sans information claire, il prend la route en sens inverse et fait sa coupure près de Londres. "Toutes les aires de repos étaient saturées. J'ai trouvé une petite place près de la rocade de Londres. J'ai pu prendre une petite douche et acheter à manger... au cas où. Mais il n'y avait quasiment plus rien à la station. Tout était dévalisé."

Une fois sa pause terminée, le chauffeur creusotin se dirige vers Douvres. "La police britannique nous a demandés de faire demi-tour. On s'est parqués où on pouvait. Mais il y avait trop de camions et pas assez de places. Un petit magasin était d'accord pour que je stationne devant jusqu'au lendemain matin, avant qu'il rouvre."

Le mardi 22 décembre, Sébastien se retrouve au bord de la route "à faire la queue avec les autres camions". Ce n'est que dans l'après-midi que la police britannique vient à la rencontre des chauffeurs immobilisés "avec un papier, où on nous sommait d'aller à l'aéroport. Et là on comprend qu'on va devoir faire un test pour rentrer en France." "Il y avait des milliers de camions devant moi. On s'est retrouvés parqués au milieu de l'aéroport." Sébastien attend de nouveaux éléments pour comprendre ce qui se passe mais à Douvres, il n'a pas d'internet. "J'étais coupé du monde. Je ne pouvais même pas regarder de vidéos des médias français pour savoir ce qu'il se passait. J'en ai eu tellement marre à ce moment." 

Au milieu de ce parking géant de camions, "pas de douche et rien à manger" confie le chauffeur. "Ça a duré comme ça jusqu'au mercredi matin." Ce mercredi 23 décembre, les autorités britanniques apportent des sanitaires, "vous savez, les mêmes qu'on voit sur les chantiers", et de la nourriture. "Enfin, deux tranches de pain de mie avec une saucisse. Sans fromage, sans sauce." Les repas ont été servis sans masques ni gants selon Sébastien. "Quand on a vu ça, on a commencé à se révolter. Les médias ont expliqué que sur place les protocoles sanitaires n'étaient pas respectés et comme par harsard, le lendemain tout le monde avait des masques.

Le manque d'hygiène, Sébastien l'a aussi très mal vécu. "Une journée sans se laver, ça passe. Mais là ça commençait de faire beaucoup. Heureusement, j'avais dans mon camion une jerrican d'eau. J'ai fait ma toilette comme j'ai pu." Les premières informations sur les fameux tests arrivent enfin. "Mais il n'y avait aucune phrase en Français. On s'est sentis seuls, anéantis." Sébastien fait la rencontre de trois autres chauffeurs français, avec qui il sympathise.  

De faux résultats de tests ?

Ce n'est que dans la nuit du jeudi 24 au vendredi 25 que les tests sont arrivés"L'armée britannique nous les a donnés vers 2h30 du matin. Les tests étaient emballés et il y avait un manuel. En anglais encore. Heureusement que l'un d'entre nous parlait anglais. On a compris qu'il fallait qu'on se teste nous-même..." 

Dans cette boite, Sébastien raconte qu'il y a trois tests Covid. "Il n'y avait personne pour contrôler la validité du test. Trois tests dans une boîte, ça voulait dire qu'on pouvait frauder..." Comprenez que si un test se déclare positif, rien n'empêche les chauffeurs de demander à un de leurs collègues dont le test est négatif, d'en effectuer un deuxième et lui échanger. "La logique des choses, ça aurait été que l'armée fasse le test. Il y a sûrement eu des fraudes dans les tests." Le test de Sébastien revient négatif

Au bout d'une vingtaine de minutes, les policiers récupèrent la pièce d'identité, l'heure et le résultat du test ainsi que la plaque d'immatriculation du véhicule. Sébastien et ses collègues sont autorisés à rentrer au bercail. Le vendredi 25 décembre, Sébastien embarque sur le ferry à 16h. A 17h30, il quitte Dunkerque et entreprend de rentrer -enfin- chez lui. "Mais j'étais trop fatigué. On n'a rien dormi pendant deux jours et deux nuits. Il y avait du vent qui faisait trembler nos cabines et il y a eu des débordements. Des chauffeurs donnaient des coups de klaxon toutes les demi-heures."

Sébastien s'arrête à Troyes. Ce samedi 26 décembre, il rate son réveil. "J'arriverai donc aux alentours de midi chez moi." Au téléphone, le chauffeur est épuisé et encore très ému. Il espère pouvoir se reposer ces prochains jours. "C'était hyper dur. Je roule depuis que j'ai 20 ans [Sébastien a 43 ans aujourd'hui]j'ai l'habitude de faire de la grande route. Ca arrive de rater des jours feriés... Mais là j'ai raté Noël, les retrouvailles avec la famille. Et j'ai raté ça dans des conditions vraiment déplorables.

A son retour, Sébastien fêtera Noël avec son frère et ses neveux. "Noël réduit... mais ce sera noël quand même.

L'Angleterre ? Thank you, next

Le chauffeur confie que pour l'instant, il ne veut plus entendre parler de l'Angleterre. "C'est clair et net que pour l'instant je ne veux plus y aller. Je referai des circuits longs, mais en France. Je sais que si je suis bloqué, mon employeur ou même mon épouse peuvent trouver des solutions."

Il a aussi besoin que la colère redescende. "Je me rends compte que le gouvernement n'a servi à rien. Il nous a abandonnés. J'ai contacté Matignon quand j'étais bloqué. J'ai pu parler avec un des secrétaires du Premier ministre qui m'a dit qu'il me recontacterait. Mais toujours aucun appel. On se fout royalement de nous. D'ailleurs ce n'est pas que les transporteurs. C'est plein de professions."

Faire le vide, ça ne va pas être évident. Sébastien est passionné de camions depuis qu'il est tout jeune. "J'ai même décoré mon camion. Je devais renouveler la déco entre Noël et le jour de l'an. Mais je vais attendre. Là, j'arrive à saturation. J'ai quand même passé Noël tout seul dans ma cabine.

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