L'augmentation des tarifs de l'énergie impacte toutes les institutions, y compris l'Église. Le Diocèse d'Autun ne pouvant plus supporter les coûts de chauffage de certaines églises, la décision a été prise de couper le chauffage.
C'est une décision prise pour l'instant dans le diocèse d'Autun (Saône-et-Loire), mais qui va concerner de nombreux lieux de culte : la dépense énergétique de chauffage et d'éclairage est trop importante pour continuer à célébrer des messes dans les conditions actuelles
Une paroisse dos au mur
La paroisse Saint-François d'Assises en Saône-et-Loire se trouve face à un choix forcé : l'augmentation des factures énergétiques va la contraindre à ne plus chauffer les lieux de culte.
René Canon est le trésorier de la Paroisse St François d’Assises. L'augmentation des coûts de l'énergie ne sera pas compensée entièrement, il livre le détail des coûts : "Les dépenses vont augmenter de 90 000 euros, essentiellement dues à l'augmentation des coûts de l'énergie, qui est multiplié par 4.
On a 30 000 euros de coût de l'énergie à l'heure actuelle, on va passer ça à 120 000 euros. On va couper le chauffage des églises. On a 8 églises à chauffer, ça va nous faire économiser 45 000 euros. Il reste 35 000 euros à trouver. On va économiser sur les coûts d'entretien, les fournitures, sur l'abandon des frais de déplacement des prêtres par exemple. Il reste encore un delta de 10 - 20 000 euros."
Pour réduire la consommation de l'ensemble des 15 églises de la paroisse : suppression de l’éclairage en dehors des offices et surtout plus de chauffage en hiver. Des mesures drastiques pour en éviter d’autres plus radicales.
"Moins de biens pour plus de lien"
La paroisse Saint-François d'Assises, représente le Creusot et une dizaine de villages autour du Creusot. Le Père Godefroy de Suremain en est le curé. Les mesures d'économie qui vont s'appliquer à cette paroisse sont inédites : "C'est une situation assez nouvelle, car on l'avait assez peu anticipée. On se retrouve rapidement dans une situation de crise."
Pour l'instant, c'est bien le poste de dépense lié au chauffage des églises qui va s'appliquer : "C'est une économie de 35 000 à 45 000 euros, on va voir mois après mois. Cela nous permet de réduire le déficit qui s'annonce. Les autres mesures, c'est sur chaque poste de dépense, de faire des économies et sur chaque poste de recettes, essayer d'augmenter les recettes. On suit la situation et on ajustera en fonction de la trésorerie."
Le problème réside dans l'ensemble du patrimoine constitué dans la paroisse "c'est l'héritage de tout un tas de communautés chrétiennes qui se rassemblent, nous héritons des églises, des cures (lieux d'habitation) de salles... Tout cet ensemble, il faut l'adapter aux besoins d'aujourd'hui."
Le prêtre s'interroge sur le nombre d'églises présentes sur sa paroisse : "Est-ce que nous avons les moyens financiers mais aussi humains de pouvoir avoir le même patrimoine qu'il y a 50 ans ? Et comment allons-nous préparer l'avenir pour que dans 15, 20 ans, la communauté chrétienne puisse avoir un patrimoine immobilier qui soit adapté à sa vie de foi ?"
Dans un regret, le curé lance l'idée : "Il faudra peut-être se séparer de biens matériels, moins de biens pour plus de lien."
Des coûts "insupportables" en prévision
Richard Lamoureux est l'économe du Diocèse d’Autun. C'est à Autun que les contrats des paroisses sont regroupés. L'économe diocésain a anticipé la hausse de l'énergie en septembre : "Dès le début d'année, j'avais connaissance de l'échéance de la fin de notre contrat d'énergie à la fin de 2022. On a rapidement pris contact avec notre fournisseur habituel pour qu'il nous fasse des simulations pour un futur contrat, dès le mois de mai, où il nous annonçait déjà une facture multipliée par 3."
L'économe découvre ensuite que les coûts fixés par leur fournisseur d'énergie pour l'année prochaine vont s'envoler : "Dans le contexte de guerre en Ukraine, et en espérant que les choses puissent s'apaiser, on a fait le choix d'attendre. On a resollicité le fournisseur en septembre, et là c'était encore pire, on nous a annoncé un coût de l'énergie multiplié par 6 ou 7 [...] On avait bien en vue que la situation géopolitique n'allait pas évoluer et nous avions l'obligation de renouveler notre contrat."
Deux pistes se sont présentées pour le Diocèse : "répondre à l'immédiateté et revoir nos pratiques sur la durée, parce qu'on peut aussi se trouver dans une situation qui soit plus durable que la seule année 2023."
Des budgets importants, mais aucune aide possible dans l'immédiat
Sur une année classique, sur l'ensemble de l'association diocésaine, "on est sur un budget de l'ordre de 600 000 euros, pour 700 points de livraison d'électricité et de gaz. Sur la simulation, dans les conditions du nouveau contrat, ça devrait être un surcoût qui devrait être compris entre 1,8 et 2 millions d'euros, soit environ 4 fois la facture de base." précise Richard Lamoureux.
Une situation particulière pour le diocèse, qui, compte-tenu de sa taille, "ne peut pas bénéficier de mesures de protection. On a des budgets de fonctionnement et des nombres de salariés qui ne nous permettent pas de rentrer dans les toutes petites structures. Les aides qui existent aujourd'hui vont jusqu'à la fin de l'année. On va regarder de près ce qui sera possible dès le mois de janvier avec les premières factures du nouveau contrat."
Un autre problème se profile aussi à l'horizon : moins de personnes dans des églises qui ne sont plus chauffées, cela pourrait être un sérieux coup de frein aux dons des paroissiens. Pour l'instant, ces derniers n'ont pas failli dans leurs contributions.
Le premier trimestre 2023 sera une épreuve de vérité pour la communauté chrétienne. Certaines paroisses envisagent déjà de réduire le nombre de messes hebdomadaires. Impossible pour l’instant de savoir combien feront ce choix.