La cour d'appel de Paris a confirmé la mise en examen de cinq élus de droite, lundi 18 décembre. L’ex sénateur de l’Yonne Henri de Raincourt fait partie des mis en examen.
Les mises en examen de cinq élus de droite, anciens ou actuels sénateurs de l'UMP (devenue depuis LR), ont été confirmées lundi 18 décembre par la cour d'appel de Paris. Parmi eux, l'ancien sénateur de l'Yonne Henri de Raincourt, ex-président du groupe UMP au Sénat.La chambre de l'instruction a tranché en effet un débat juridique sensible : les parlementaires font-ils partie des personnes "dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service publique", seules susceptibles d'être poursuivies pour ce grave délit, passible de 10 ans de prison et un million d'euros d'amende ?
La question est soulevée dans le cadre de l'enquête, lancée en 2012, sur des compléments de revenus versés à des sénateurs de l'UMP (devenue LR) grâce à un système présumé de détournements des enveloppes d'assistants parlementaires.
L'enquête avait abouti jusqu'au printemps à neuf mises en examen, dont sept actuels ou ex-sénateurs. D'autres auditions devaient suivre chez le juge, mais le 14 juin, tout s'est arrêté sur une décision de la chambre de l'instruction.
Rarissime, cette suspension d'enquête découle du recours de cinq sénateurs, dont un actuel, qui réclament la nullité de leur mise en examen pour "détournement de fonds publics" ou recel de ce délit.
Une audience le 6 novembre dernier
A l'audience du 6 novembre, les cinq sénateurs ont défendu une interprétation stricte du Code pénal, excluant les parlementaires de la liste des personnes visées par ce grave délit. Comme l'avait fait avant eux la défense de Fillon au début de l'affaire sur les emplois controversés de son épouse à l'Assemblée. "Maintenir ces mises en examen nécessiterait que la cour d'appel se livre à des contorsions inacceptables dans un état de droit", a déclaré à l'AFP l'avocat des sénateurs, Antoine Beauquier.
Pour le parquet général, cette lecture n'est pas tenable. Dans ses réquisitions écrites, il cite la convention des Nations Unies contre la corruption, qui réprime les détournements réalisés par les parlementaires, d'après une autre source proche du dossier.
La défense des sénateurs invoque aussi la séparation des pouvoirs et l'impossibilité pour la justice de "s'immiscer dans la gestion des groupes parlementaires". Un argument un temps invoqué par François Fillon puis repris par la présidente du Front national Marine Le Pen, ex-députée européenne, dans l'affaire des assistants d'eurodéputés. Le parquet répond qu'"aucun texte n'interdit à l'autorité judiciaire d'enquêter".
L'avocat général a donc demandé à la cour d'ordonner la reprise de l'enquête.
Les "ristournes" en question
Le cœur du dossier porte sur l'enveloppe de 7.600 euros mensuels accordée aux sénateurs pour rémunérer leurs assistants, en plus de leurs 5.300 euros d'indemnités et des 6.000 euros de frais de mandat.
Quand les sénateurs n'épuisaient pas leur crédit "collaborateurs", ils pouvaient en donner une partie au groupe UMP. Or jusqu'en 2014, une pratique voulait que certains élus en récupèrent un tiers, soit directement par le groupe soit par le truchement d'une association politique.
Dans les couloirs du Palais du Luxembourg, ces rétrocessions, par chèques ou espèces, avaient pris le nom de "ristournes". Illégales ? Les mis en cause affirment qu'un règlement du Sénat de 1989 les autorisait. Le montant de ces possibles "caisses noires" s'élèverait à 5 millions d'euros sur douze ans, selon Mediapart, tandis qu'"Envoyé Spécial" (France 2) évoque 8 millions d'euros au profit de 117 sénateurs sur la même période.
Et au-delà des sénateurs ?
Peu médiatisée, l'affaire est devenue cruciale pour d'autres enquêtes, en premier lieu celle qui vaut à l'ex-candidat à la présidentielle François Fillon d'être mis en examen pour ce délit.
"Il est évident que tous les partis politiques de France vont regarder de près la décision", glisse une source proche du dossier.