Sur le point de finaliser une commande très importante avec l’Ukraine pour la construction à venir de 130 locomotives, Alstom pourrait subir les conséquences économiques de la situation géopolitique. A Belfort et Ornans (Doubs), les syndicats se disent "très inquiets".
Une mauvaise nouvelle et des inquiétudes grandissantes pour les salariés d’Alstom à Belfort. Le conflit en Ukraine pourrait avoir de fâcheuses conséquences économiques pour la multinationale française, sur le point de finaliser un accord avec l’Ukraine. En jeu : une commande de 130 locomotives de fret à hauteur de 880 millions d’euros.
"Il y a de l’inquiétude forcément" explique André Fages, délégué syndical CFE-CGC sur le site de Belfort. "Alstom compte sur ce contrat avec l’Ukraine. Jusqu’à aujourd’hui, la direction s’est montrée plutôt optimiste quant à la finalisation de l’accord mais les événements de la nuit dernière à Kiev changent la donne. Tout le monde a des craintes. Nous sommes dans l’attente" déplore-t-il.
Un contrat pour l'avenir des sites d'Alstom en Franche-Comté ?
Une situation d’autant plus difficile à accepter que tous les feux semblaient au vert pour acter définitivement la commande des 130 locomotives qui doit permettre de pérenniser l’activité sur le site de Belfort pour les six prochaines années. En déplacement en Ukraine début février, Emmanuel Macron s’affichait d'ailleurs tout sourire, serrant vigoureusement la main du responsable des chemins de fer ukrainien. Une image qui laissait entrevoir des signaux positifs d’autant que quelques jours plus tard, le 10 février, les conseillers du président français assuraient aux syndicats belfortains que la finalisation de cette commande était en "très bonne voie".
Mais au matin du 24 février, force est de constater que la situation géopolitique n’est plus du tout la même, avec des conséquences directes pour Alstom qui avait déjà perdu près de 5 points en bourse quelques heures seulement après les premières frappes russes sur les bases militaires ukrainiennes. "L’offensive russe en Ukraine pourrait tout changer" s’alarme Eddy Cardot, délégué CGT Alstom à Belfort, "Si la guerre se poursuit, si le gouvernement ukrainien venait à être renversé, je vois mal comment ce contrat à plusieurs centaines de millions d’euros pourrait être finalisé. On espère tous ne pas en arriver là", poursuit-il.
Quid de l'échéance donnée au 31 mars ?
Le constat est clair : les salariés d’Alstom sont inquiets. Les promesses d’hier ne sont plus les certitudes de demain et le chantier du TGV du futur ne suffira sans doute pas à pérenniser les emplois dans la région. "Avec cette commande, il doit y avoir du travail pour des années, et de l’embauche massive dans la région. Nous comptons vraiment là-dessus" rappelle Eddy Cardot, "Le moindre mal serait que la finalisation du contrat soit simplement repoussée. Il y avait une échéance au 31 mars. Cela va arriver très vite" explique-t-il.
Du côté de la CFE-CGC, on se veut un peu moins alarmiste. Pour l’heure, la direction d’Alstom n’a pas communiqué sur les suites données à ce dossier mais un CSE devrait être organisé prochainement avec les organisations syndicales. "Il faut bien tenir compte d’un point : les Ukrainiens ont besoin de ces locomotives pour leur trafic interne" souligne André Fages, "De plus, il ne faut pas perdre de vue que le financement de ce contrat est en grande partie français avec des prêts remboursables sur 14 ans par les Ukrainiens. Cela ne va pas leur coûter grand chose pour l’instant donc je reste relativement optimiste".
Une commande de 1900 moteurs à Ornans, l'usine du Doubs
A l’usine Alstom d’Ornans dans le Doubs, les regards sont également tournés vers l’Ukraine. La possible commande donnerait là aussi plusieurs mois de travail aux 300 salariés du site, censés fabriquer les moteurs des futurs locomotives. « Il y avait 1900 moteurs dans cette commande dont des gros moteurs. C’est quasiment six mois de travail pour le site, une commande très importante » reconnaît Gérard Thomas élu CFE-CGC.
En attendant de voir comment la situation géopolitique évoluera en Europe de l’Est, les salariés d’Alstom à Belfort sont impuissants. "Nous devons attendre. Tout le monde est dans le même état d’esprit et c’est encore beaucoup trop tôt pour se prononcer" rappellent les syndicats.
De son côté, la direction d'Alstom nous assure vouloir d'abord se concentrer sur "la sécurité" de ses employés en Ukraine et en Russie. "Il est trop tôt pour spéculer sur d'éventuels impacts économiques" nous dit-on ce jeudi.
Rappelons qu’en Ukraine, le parc ferroviaire composé de 1500 locomotives date de l’époque soviétique et nécessite un renouvellement dans lequel le constructeur français Alstom espère bien jouer son rôle.