Coronavirus : l’avenir incertain des ormeaux en Bretagne

Sylvain Huchette est un pionnier dans l’élevage d’ormeaux en Europe. Sa société France Haliotis ne commercialise plus un seul ormeau depuis le début de la crise du Covid-19, et ne sait pas quel avenir sera réservé à ce produit encore confidentiel.

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En ce moment, Sylvain Huchette partage son temps entre les devoirs de son fils et l’élevage de ses animaux. Le temps est idéal aujourd’hui, il a hâte d’aller en mer avec toute son équipe. Avec les pêcheurs et les ostréiculteurs, il fait partie des rares à avoir encore le droit d'aller travailler en mer avec ses salariés. 

Malgré la crise, il faut continuer de s’occuper des animaux !

Sylvain est un homme passionné, l’un des deux éleveurs d’ormeaux en France. Ce produit d’exception parfois surnommé « la truffe ou le caviar des mers » est élevé à Plouguerneau, un petit coin de paradis à la pointe du Finistère en Bretagne qu’il a découvert il y a une quinzaine d’années.
Pendant ses études en biologie, un chercheur australien l’a complètement contaminé par sa passion de l’ormeau, un mollusque de la même famille que l’escargot et de la taille d’une oreille (ce qui lui vaut son nom grec d’oreille de mer, Haliotis). Fasciné par cet animal mystérieux et fragile, qui se cache sous les rochers et se nourrit d’algues, Sylvain s'est lancé il y a quelques années dans une aventure un peu folle : élever des ormeaux en pleine mer.

Aujourd’hui, j’espère que ça ne va pas s’effondrer 

Sylvain est inquiet. Depuis le début du confinement, il ne vend plus rien. Les restaurateurs sont fermés, soit 90% de sa clientèle, le reste étant de la vente directe, elle aussi suspendue :« On a galéré pendant 12 ans… avec mon équipe de jeunes diplômés, on a dû tout inventer… mais l’entreprise est rentable depuis trois ans » raconte Sylvain, et c’est vrai que l’ormeau est méconnu, rare et cher (jusqu’à près de 80 euros le kilo en vente directe).
Chaque année, Sylvain et son équipe font naître un million d’ormeaux, d’abord à terre dans la nurserie durant quelques mois, avant de leur faire prendre le large. A 10 mètres de profondeur, ils grandiront dans des cages pendant au moins 4 ans. Mais la maîtrise de la production ne suffit pas, il a fallu beaucoup de pédagogie pour engager la commercialisation :

Expliquer ce que c’est, d’où ça vient, comment ça se peut se cuisiner… sinon c’était pas la peine de continuer.

Il y a encore quelques années, Sylvain ne vendait rien en Bretagne. Puis il a réussi à convaincre de grands chefs comme Olivier Roellinger ou Nicolas Conraux et les restaurants bretons ont rajouté à leurs cartes ce mollusque à la saveur iodée que les connaisseurs décrivent proche de la coquille Saint-Jacques mais avec une pointe de noisette. C’est ce marché là qu’il a peur de perdre avec la crise

Ce n’est pas gênant de ne pas vendre d’animaux pendant quelques semaines, ils continuent à grandir et donc à se valoriser… plus nos ormeaux sont gros, mieux ils se vendent…

Sylvain craint que ce produit de luxe ne soit pas en vogue après cette période de crise, et que tout le travail de ce docteur en biologie pour faire aimer l’ormeau aux restaurateurs ne s’effondre : « On se pose beaucoup de questions, c’est l’inconnu… on a peur que nos produits haut de gamme ne soient pas la priorité des gens à la reprise… »

L’ormeau de Bretagne, trop petit, n’a pas de place sur le marché international (essentiellement chinois) dominé par la production australienne, sud-africaine et chinoise. Le marché de Sylvain est donc local, en circuit court. On ne produit pas des ormeaux, on les élève. Ils ont été nombreux à essayer mais l’animal est fragile, le processus délicat, c’est bien la passion qui domine le métier.


La crise, l’occasion de consacrer plus de temps à son nouveau défi

L’ormeau mange beaucoup, et pour en produire 7 tonnes chaque année Sylvain doit récolter 150 tonnes d’algues fraîches, ramassées à la main. Ca représente beaucoup de travail, des difficultés d’organisation et de stockage.
Il s’est donc lancé un nouveau défi il y a deux ans : la culture d’algues. Il en a déjà produit 5 tonnes l’année dernière dans ses quarante bassins, et compte bien profiter de cette période calme pour monter en puissance. Son objectif est clair : consolider son indépendance et produire 50 tonnes d’une algue bretonne de qualité supérieure:

C’est l’avantage de cette situation de crise, il n’y a pas tout le travail de commercialisation, toute mon équipe est donc concentrée sur la production.

« Qui aurait pu prédire que les premiers producteurs impactés pendant la crise seraient ceux de la mer… les rayons de poissonneries sont fermés, les pêcheurs sont à l’arrêt, les criées sont fermées, c’est impressionnant… personne n’aurait pensé ça… » conclut le seigneur des ormeaux qui, serein, garde le cap en ces temps troublés…
 

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