Une ex-sénatrice UMP et le n°2 de Servier ont été mis en examen. Le laboratoire est soupçonné d'être intervenu dans la rédaction d'un rapport sénatorial sur le Médiator. Irène Frachon, pneumologue du CHU de Brest qui a révélé le scandale, se dit "soulagée".
L'ex-sénatrice UMP Marie-Thérèse Hermange et le N.2 de Servier, Jean-Philippe Seta, ont été mis en examen dans une enquête visant le laboratoire pharmaceutique. Prononcées vendredi soir, ces mises en examen interviennent dans le cadre d'une enquête pour trafic d'influence, ouverte fin 2011. Elle vise les Laboratoires Servier, soupçonnés d'être intervenus pour qu'un rapport sénatorial minimise leur responsabilité dans l'affaire du Mediator et insiste sur celle de l'Agence du médicament (ex-Afssaps, devenue ANSM). Le chef exact de ces mises en examen n'a pas été précisé.
Les soupçons sont nés d'écoutes téléphoniques relatant une conversation entre le directeur opérationnel du groupe Servier, Jean-Philippe Seta, et Claude Griscelli, professeur de pédiatrie et de génétique qui fut directeur général de l'Inserm. M. Griscelli indiquait au dirigeant de Servier que Mme Hermange, responsable de la rédaction d'un rapport du Sénat publié en juin 2011 --"La réforme du système du médicament, enfin!"--, lui avait "demandé d'aller travailler avec elle pour le Sénat" sur ce document. Il précisait avoir "fait changer pas mal de choses". Mme Hermange, qui n'est plus sénatrice depuis septembre 2011, avait catégoriquement démenti ces affirmations. Elle reconnaissait avoir rencontré M. Griscelli "pour avoir une discussion avec lui". Mais "le rapport était bouclé" et "aucun élément n'en a été modifié à la demande de M. Griscelli", avait-elle insisté. Le groupe Servier avait lui aussi démenti avoir fait modifier ce rapport.
Irène Frachon avait été auditionnée par la mission d'information sur le Médiator en avril 2011. Elle avait été surprise par les questions de la sénatrice Marie-Thérèse Hermange. Elle se dit aujourd'hui "soulagée".
Le rapport sénatorial avait épinglé l'Afssaps, qui "semble avoir redécouvert tardivement des travaux publiés pourtant dès les années 1970" sur le Mediator. L'information judiciaire pour trafic d'influence est conduite à Paris en parallèle avec plusieurs autres enquêtes : l'une pour tromperie et escroquerie dans laquelle le patron des Laboratoires Servier et six sociétés du groupe ont été mis en examen, l'autre pour "homicides et blessures involontaires" dans laquelle Jacques Servier, a été mis en examen.
L'Agence du médicament (ANSM), qui a succédé à l'Afsaps en 2012, a également été mise en examen dans ce volet, les juges soupçonnant l'autorité de contrôle du médicament d'avoir négligé les alertes sur la dangerosité du Mediator. Un autre volet a été ouvert pour prise illégale d'intérêt. Par ailleurs, un premier procès doit s'ouvrir sur le volet tromperie le mois prochain à Nanterre.
Une étude de l'agence française du médicament de 2010 a estimé entre 500 et 2.000, le nombre de décès dus au Mediator en France depuis 1976 Une autre, publiée en février 2012 par le journal spécialisé Pharmacoepidemiology & Drug Safety évoque 3.100 hospitalisations et au moins 1.300 morts par valvulopathie. Début avril, un rapport d'experts, ordonné par les juges a évalué, pour les valvulopathies, les décès à court terme entre 220 et 300, les décès à long terme entre 1.300 et 1.800 et les hospitalisations pour insuffisance valvaire entre 3.100 et 4.200. Le même rapport dénonce par ailleurs la stratégie de dissimulation de Servier et estime que la commercialisation du médicament aurait dû être suspendue entre 1998 et 2003 au vu des premiers signalements de maladies.