Brittany Ferries : l'embellie après la tempête

L'entreprise allait mal, les salariés ont accepté de travailler douze jours de plus par an sans compensation salariale. La Brittany Ferries, compagnie maritime, basée à Roscoff a réussi a redresser la barre, après quatre années déficitaires.

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Tous se sont unis, actionnaires, salariés pour redresser la barre de la compagnie et le résultat est là. Pour preuve de cette meilleure santé, l'armement a annoncé en janvier la commande aux chantiers STX France de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), pour 270 millions d'euros, de l'un des plus grands ferries au monde fonctionnant au gaz naturel liquéfié (GNL), ainsi qu'une enveloppe de 130 millions pour adapter ses navires aux nouvelles normes écologiques internationales.

Mais l'armateur, dont l'ensemble de la flotte bat pavillon français, synonyme d'emploi de marins exclusivement français, revient de loin, après quatre exercices déficitaires qui ont engendré un déficit cumulé de 70 millions d'euros. "Tous les entrepreneurs qui choisissent le modèle social français savent que ce sont des équilibres financiers assez difficiles à trouver", reconnaît Jean-Marc Roué, président de la compagnie basée à Roscoff (Finistère).

Un plan de retour à la compétitivité en 2012


L'entreprise a été contrainte de lancer en 2012 un plan de retour à la compétitivité, avec une économie de plus de 12 millions d'euros à la clé, "extrêmement douloureux" pour son personnel, contraint de perdre parfois jusqu'à 3.000 euros par an, selon Christian Le Blond, secrétaire général adjoint de la CFDT des marins de Normandie.

"Il me fallait avoir un discours de vérité par rapport à mes salariés, qui était de dire: 'attention, si je ne prends pas des mesures et si je ne vous dis pas la vérité, la vie va s'arrêter assez vite chez Brittany ferries'", explique Jean-Marc Roué, se félicitant d'un résultat net en 2012/2013 de 1,6 million d'euros, pour un chiffre d'affaires de 370 millions, contre 365 millions un an plus tôt.

"Un "modèle économique" selon son président


"Le modèle économique de la Brittany ferries, basé sur un actionnariat agricole, donc sur un actionnariat territorial, est un modèle dont les hommes et les femmes politiques devraient s'inspirer", estime le président. "Notre actionnariat ne demande pas forcément à ses filiales d'avoir une énorme rentabilité, seulement de développer une économie sur leur territoire", assure celui qui est également producteur de légumes, ainsi que l'exigent les statuts de la compagnie.

Désireux d'exporter leur production outre-Manche et de développer leur territoire, ce sont en effet des agriculteurs qui créent l'armement en 1972, alors qu'aucun investisseur, privé ou public, n'y croit. Ils sont emmenés par Alexis Gourvennec, un agriculteur visionnaire, alors président de la coopérative agricole SICA de Saint-Pol-de-Léon, non loin de Roscoff. Celui qui entend "vivre et travailler au pays", dans une région encore figée dans une agriculture de subsistance, restera à la tête de la compagnie jusqu'à son décès
en 2007.

Une réussite pour les Bonnets rouges et pour la CGT des marins


Aujourd'hui, l'armement emploie 2.500 personnes et dispose de neuf navires affectés sur 12 lignes. Il transporte du fret et des passagers (depuis 1974) entre la France, l'Angleterre, l'Irlande et l'Espagne. Quelque 2,5 millions de personnes embarquent chaque année à bord de ses navires. Une réussite encensée par les Bonnets rouges, mouvement né à l'automne et qui entend relancer l'économie bretonne, durement touchée par des plans sociaux et des fermetures d'usines. Mais également, fait plutôt rare, par la CGT des marins du Grand Ouest. "Si la moitié des armateurs français réagissait comme la Brittany ferries on aurait cinq fois plus de marins français", assure Jean-Paul Hellequin, porte-parole du syndicat et président de l'association de défense de l'environnement maritime Mor Glaz, qui vient de décerner un "carton vert" à la compagnie pour la mise en service, fin 2016, de son nouveau navire écologique.

La compagnie "aurait pu passer sous pavillon du Libéria ou de je ne sais quel autre pays... mais depuis le début elle a toujours payé les charges sociales françaises", abonde Thierry Merret, un des leaders du collectif "Vivre, décider et travailler au pays", à l'origine du mouvement des Bonnets rouges. "C'est un modèle".
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