"La jument de Michao appréhendée, son petit poulain en fuite", "On a retrouvé les vraies couleurs du drapeau breton" voilà les titres que l'on peut lire sur Ouestgramme, un site d'information parodique breton. Après le Gorafi à l'échelle nationale, les journalistes en région se lâchent à leur tour.
"Les antipubs revendiquent la destruction du mur Dubonnet", "La joie d’un petit Brestois qui découvre le soleil" le site internet d'information parodique Ouestgramme se joue de l'actualité bretonne, à l'image de son grand frère Le Gorafi. Derrière ces articles taquins, on retrouve deux journalistes : l'un de Ouest-France, l'autre du Télégramme, plus quelques contributions extérieures "de temps en temps".Louis-Bernard Gibes (nom d'emprunt) est le directeur de la publication. Afin de préserver son anonymat et celui de son confrère, il a répond à quelques unes de nos questions par mail.
"L'idée est venue comme ça. On écrit des synopsis d'articles au fur et à mesure, qu'on enrichit et publie quand on a le temps. On a une trentaine d'articles en stock, mais on ne peut pas publier tous les jours car, vous savez ce que c'est, nous autres patrons de presse sommes très occupés. Entre le golf et les dîners avec les grands lobbyistes bretons..."
Jouer avec les clichés de la région et de la presse...tout en interrogeant
"On s'inspire de deux choses : d'une part, de la lecture quotidienne des journaux. D'autre part, des traditions et des clichés qui entourent la Bretagne. Ça aide à décompresser. Après des semaines passées à lire des choses sur le redécoupage administratif, ça fait du bien de balancer un article intitulé "Rennes demande son rattachement à la Bretagne." Ça dédramatise. Et ça permet d'interroger : à quoi ça sert de débattre sur la fusion avec la Loire-Atlantique quand certains Bretons estiment que Rennes ne fait pas partie de leur région ?Les clichés de la presse quotidienne régionale sont une source d'inspiration infinie. Par exemple, le traditionnel article de fin d'été avec le bilan des offices de tourisme et des centres de vacances nous a donné envie d'écrire celui sur ces touristes parisiens indignés que les Bretons parlent français. Ce faisant, on se moque aussi gentiment des Bretons en les mettant devant leurs propres préjugés anti-Parisiens.
L'intérêt de la Bretagne, c'est que c'est une région avec une identité forte, dont les références peuvent être comprises ailleurs. Les Bretons de Paris, par exemple, nous retweetent beaucoup."
"Nous croyons à la désinformation citoyenne"
"C'est très dur de faire de la fausse actu. Le mieux, c'est d'avoir fait une école de journalisme très chère, qui enseigne tous les tics et les clichés qu'on retrouve ensuite à la pelle dans les journaux. Et il faut lire beaucoup la presse pour éviter d'écrire par inadvertance une vraie information. Quel coup ça serait pour notre réputation !Cela dit, nous ne sommes pas élitistes. Nous croyons à la désinformation citoyenne. Un jour, de nombreuses personnes équipées de smartphones feront circuler des informations douteuses sur Internet. Ça commence déjà. Même les politiques s'y mettent ! C'est une victoire pour la "dé-presse".
Repris par des sites "sérieux"
"L'article qui a le mieux marché en terme de retours est justement "Des touristes choqués d’apprendre que les Bretons parlent français". Il date un peu mais suscite toujours des réactions enflammées. Certains sites sérieux sont aussi tombés dans le panneau et l'ont repris dans leurs colonnes. C'est intéressant de voir qu'un article écrit en dix minutes nous a rapporté 40 000 visiteurs uniques en une journée, alors que des enquêtes de plusieurs semaines peuvent faire des flops."Les deux compères n'hésitent pas à détourner certains événements bien connus comme le festival des Vieilles Charrues.
D'autres régions ont déjà fait le pari de l'information parodique. Sud ou est, a été lancé en 2013 par deux trentenaires, anciens étudiants à l’institut d’études politiques de Bordeaux.