Ce mardi, l'opposant russe Alexeï Navalny risque plus de deux ans de détention pour la violation d'un contrôle judiciaire dans une affaire qui l'opposait en 2014 à Yves Rocher. Un fantôme qui ressurgit pour hanter la société française de cosmétiques.
Alexeï Navalny a été condamné en Russie en décembre 2014 à 3,5 ans de prison avec sursis pour le détournement de 26 millions de roubles, au détriment de la filiale russe d'Yves Rocher. Son frère Oleg a été condamné à la même peine, mais ferme, pour blanchiment d'argent et escroquerie. En cause, leur société de transport, Glavpodpiska, tombée dans le collimateur des autorités russes fin 2012.
Si Yves Rocher-Vostok avait déposé une plainte contre X dans ce cadre, l'entreprise avait reconnu finalement en novembre 2014 n'avoir subi "aucun dommage". Ce qui n'a pas empêché la condamnation des frères Navalny.
Révocation du sursis
Dans le cadre de sa peine avec sursis, Alexeï Navalny devait pointer régulièrement et jusqu'au 30 décembre 2020 à l'administration pénitentiaire. Or celle-ci lui reproche d'avoir raté ces rendez-vous, notamment durant sa convalescence en Allemagne suite à son empoisonnement présumé en août 2020.
À son retour en Russie mi-janvier, Alexeï Navalny a été placé en détention pour avoir violé ce contrôle judiciaire. Et le 2 février, le sursis de sa peine pourrait être révoqué par un tribunal. Il pourrait alors devoir purger environ deux ans et demi de la peine, en ayant déjà effectué une partie assigné à résidence.
"Le jeu de Poutine"
En 2017, la Cour européenne des droits de l'Homme avait estimé que les frères Navalny avaient été privés de leur droit à un procès équitable, dénonçant des décisions de justice "arbitraires et manifestement déraisonnables".
En 2018, les frères ont déposé une plainte avec constitution de partie civile pour "dénonciation calomnieuse" contre Yves Rocher à Vannes. Le dossier a été classé fin 2019, mais les représentants des Navalny ont fait appel.
"Il est très important pour nous que la justice française reconnaisse que cette histoire est fabriquée de toutes pièces et que, ce faisant, Yves Rocher a fait le jeu politique de Poutine", a affirmé l'opposant par le passé.
La direction d'Yves Rocher s'était défendue, en disant avoir cru à une escroquerie à l'époque et avoir alors eu recours à des "procédures habituelles", même si ces soupçons ne se sont pas vérifiés par la suite. En janvier, ils ont évoqué un dossier "clos" sur lequel il n'est "pas possible de revenir", tout en ajoutant être une "entreprise totalement apolitique" et ne pas souhaiter "commenter la situation russe".
Les avocats d'Alexeï Navalny en France, William Bourdon et Amélie Lefebvre, ont accusé récemment Yves Rocher d'avoir eu "connaissance de la fausseté de ses accusations" et d'avoir participé aux poursuites pour bénéficier de "faveurs commerciales" sur le marché russe, où le groupe s'est implanté dès 1991.