Les amoureux de vieux gréements orphelins de fêtes maritimes

Impossible, cet été, de rassembler des milliers de bateaux dans un port et des dizaines de milliers de curieux sur les quais. Les fêtes prévues ont toutes été annulées ou reportées. En Bretagne, les nombreux amateurs de vieux gréements se sentent un peu perdus mais gardent le cap.

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Sortie en rade de Brest ce matin sur la Recouvrance. A bord, seulement 25 personnes embarquées pour une sortie de deux heures. Pour faire naviguer presque autant de passagers qu’avant l’épidémie, tous portent un masque et ils ne peuvent pas participer aux manoeuvres. “C’est sûrement un peu frustrant pour eux et pour nous c’est un coup de main en moins, mais c’est comme ça", résume Gauthier Chaverial, matelot sur la goélette.
 

Reste le plaisir des yeux et l’expérience unique d’une navigation, à la voile, sur cette réplique d’une goélette aviso de la Marine, mise à l’eau en 1992 lors des premières fêtes maritimes de Brest.
 

“On s’y fait, à ce nouveau format de sorties, explique Yann Fournier, le capitaine de la Recouvrance. On brasse plus de monde, des personnes qui ne se seraient pas inscrites à la journée ou pour des croisières de plusieurs jours. On va peut-être même faire une assez bonne saison.”
 

Associations en difficulté

Si la Recouvrance, gérée par une société d’économie mixte, a donc pu reprendre la mer depuis le 11 juillet, ce n’est pas le cas de tous les bateaux. Pour certaines associations, comme An Test, qui fait d’habitude naviguer la gabare Notre-Dame-de-Rumengol et le sloop Bergère de Domremy au départ de la rade de Brest, ce sera un été blanc. Les mesures de distanciation sociale ne permettent pas d’embarquer assez de monde pour financer l’armement du bateau et payer les marins professionnels qui sont habituellement embauchés pour la saison.

“L’annulation des fêtes maritimes a complètement cassé la dynamique de l’association”, explique Gilles Troël, de l’association Reder Mor, qui gère une réplique de bateau de travail de la baie de Morlaix, lui aussi mis à l’eau en 1992. “Nous devions sortir le bateau de l’eau en mars pour un carénage et des travaux d’entretien. Le confinement a tout chamboulé. Maintenant, il faut trouver la motivation pour armer le bateau et le convoyer à Roscoff pour reprendre les sorties en août.”

Pour les amoureux du Cormoran petit dériveur presque centenaire de la Baie de Morlaix, les choses sont un peu plus simples. Il y en a plusieurs dizaines à Carantec et dans les ports alentours. Une petite régate peut rapidement s'improviser. Des courses plus officielles sont prévues au mois d'août.
  

Un chantier en attendant le report

A Douarnenez, l’idée d’être privés de fêtes maritimes a du mal à passer. Après les fêtes de Pors Beac’h, en 1982, c’est ici que sont nés les grands rassemblements de voiliers en 1986. Même si la fête principale a mis les voiles vers Brest depuis 1992, "Temps fête" reste un moment fort pour les marins, tous les deux ans.
La construction, en public, de la charpente d’une chaloupe sardinière neuve devait être un des clous du spectacle, cet été. Mais le virus en a décidé autrement. Le chantier a pris du retard avec le confinement mais les bénévoles sont actuellement en plein travail de découpe du bois. 
 

Encadrés par deux charpentier professionnels, ils sélectionnent des morceaux de planches de chêne pour y découper les membrures, le squelette du futur bateau. “Temps fête devait aussi être un moment où nous pouvions communiquer autour du projet et continuer à lever des fonds pour construire le bateau. Cela va aussi nous manquer”, explique Paul Robert, l’un des co-présidents de l’association Treizour. Il va falloir faire autrement, et avancer en attendant la prochaine édition, reportée, normalement, à l’été 2021.
 

Retrouvailles et mesures sanitaires

Mais pour certains marins, pas question d’attendre tout ce temps pour retrouver ce qui est à l’origine des rassemblements de bateaux : la convivialité entre marins. Plusieurs d’entre eux ont décidé de converger, comme prévu, vers la baie de Douarnenez pour se retrouver.

Pas d’organisation, pas question non plus de créer des attroupements à quai, mais ils veulent tirer des bords ensemble, et retrouver le plaisir de se héler d’un pont à l’autre avant de partager une soirée, quelque part au mouillage. “Pour nous, c’est ça l’essence des fêtes maritimes : être un lieu de partage entre marins, entre amoureux des vieux bateaux. Le virus ne peut pas nous enlever ça”, résume Jacques Van Geen, co-président de Treizour et par ailleurs journaliste à la revue Chasse Marée… celle-là même qui a relancé l’engouement pour les vieux gréements avec son concours Bateaux des côtes de France, avant Brest 92.
 

Dates de report... le flou

Quand à savoir quand les événements prévus cet été seront reportés… aucune réponse claire ne se précise. 
Du côté de Brest événements nautiques, l’organisateur, on observe l’évolution de la pandémie avec inquiétude. “Il y une évolution du contexte sanitaire que nous ne maîtrisons pas, explique Fortuné Pellicano, vice-président des Fêtes maritimes. Il y a une ampleur et une durée de la crise économique liée à la crise économique que l’on ne maîtrise pas non plus. Il y a des restrictions en terme de déplacements et de navigation pour les navigations étrangères et qui font la grandeur de notre rassemblement. Nous allons prendre notre temps et respecter surtout les directives de l’Etat. Avec nos partenaires, nous prendrons une décision dans quelques semaines.”
 

Impact économique et survie financière

Il faut dire que le report d’un tel événements n’est pas négligeable localement. “Nous avons mesuré que les fêtes de Brest représentent 21 millions d’euros de retombées financières pour l’économie locale". 
Du côté de Douarnenez, pas de date de report non plus mais avec un rendez-vous tous les deux ans, il faudra peut-être attendre 2022, comme l’a déjà annoncé la fête des Vieux gréements de Paimpol, dans les Côtes d’Armor, qui devait se tenir du 24 au 26 juillet.

En attendant, l’organisation de Temps Fête, à Douarnenez, met en vente sur les marchés les objets collector de l’événement 2020… histoire d’entretenir la flamme, et de combler un peu un budget lui aussi mis à mal par la Covid-19.
 
Pas question, donc, d’affaler complètement les voiles à cause d’un virus.

 
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