Le transport de marchandise à la voile a le vent en poupe

Le transport des marchandises à la voile n'est plus une utopie. Un prestigieux rhum de Guadeloupe sera bientôt transporté par les voiliers cargo de l'entreprise douarneniste TOWT. La société Grain de Sail, basée à Morlaix, doit, elle, mettre à l'eau son premier voilier-cargo début juillet. 

 

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Aujourd'hui 90 % du transport mondial de marchandises transite par les mers. Concrètement, 9 marchandises sur 10 (ordinateurs, nourriture, meubles...), que nous consommons sont acheminées par d'immenses cargos porte-conteneurs ou des navires de plus petite taille. L'inconvénient majeur : ce secteur représente 3% du total des émissions mondiales de gaz à effet de serre, sans prendre en compte les rejets de dioxyde de soufre et de particules fines.

Il serait également responsable de 60 000 décès prématurés en Europe, selon une enquête de 2015 de l’université de Rostock. Le transport de marchandises à la voile semble donc être une solution écologique face à ces problèmes.

Précurseur dans le secteur du transport à la voile, la Bretagne ne compte pas moins de trois entreprises dans ce domaine. La Blue Schooner Company avec son navire Gallant et l'affréteur TOWT (Trans Oceanic Wind Transport) sont basés à Douarnenez. Dans le nord Finistère c'est l'entreprise Grain de Sail qui oeuvre en ce sens.

 

TOWT : un pionnier devenu le premier transporteur français à la voile

 

Située à Douarnenez, la compagnie TOWT est dirigée par Guillaume Le Grand. Cette ancien trader à la City a monté son entreprise il y a une dizaine d'années. Précurseur en la matière, il s'est lancé dans l'aventure en affrétant une flotte d'anciens bateaux de travail, des vieux gréements. Des navires de 20 à 40 mètres de long, comme le Gallant, le Bessie Helen ou l'Avontuur, avec une capacité de charge allant d'une dizaine à une centaine de tonnes.

 

Ces navires sillonnent les mers sur les routes de grand cabotage. Ils rallient principalement l’Angleterre, le Portugal, et traversent l’Atlantique entre l'Europe et l'Amérique du Sud pour transporter des produits non périssables biologiques, naturels ou issus du commerce équitable. Vins, bières, thés, chocolats, cafés sont ensuite commercialisés par TOWT sous le label Anemos.

L’activité de TOWT est en croissance, cela valide bien que cette solution est économiquement viable.

Guillaume Le Grand- Towt

Anemos est le seul label qui aujourd'hui garantit une navigation décarbonée pour les marchandises. Anemos signifie "vent" en Grec ancien. Tous les produits qui viennent des Caraïbes, des Açores, d'Europe sont identifiés grâce à un numéro. "Il y a une véritable traçabilité des produits. Cela permet d'identifier les produits ayant été transportés dans le respect de l’environnement grâce à un numéro de voyage inscrit dessus. Vous savez exactement où ont été achetées vos marchandises et comment elles sont transportées" assure Guillaume Le Grand de Towt. 

Aujourd'hui le premier affréteur français de marchandises à la voile est de nouveau à la manœuvre. Son objectif construire 4 voiliers modernes adaptés au transport de fret. La signature avec un chantier naval pour une première unité sera finalisée début septembre.

Nous avons le financement, l'acier, l'architecte ( H et T architecture navale) et le bateau devrait être mis à l'eau en 2022. Le premier mesurera 67 mètres de long et pourra charger 1 000 tonnes de marchandises. Une fois à l'eau ce voilier-cargo permettra d'économiser 10 000 tonnes d'émission de CO2 par an. Sa vitesse sera d'une dizaine de nœuds, contre 5 nœuds actuellement pour les vieux gréements.

G.Le Grand TOWT

 

Plusieurs chargeurs se sont engagés avec TOWT, dont l'un pour 11 transatlantiques, soit plusieurs tonnes de CO2 d'économisées. Une démarche que TOWT veut éthique et transparente en tout point. "Beaucoup de labels voient le jour, mais la traçabilité n'est pas toujours au rendez-vous" selon Guillaume Legrand.

Aujourd'hui, il vient de signer un nouveau contrat avec une grande marque de chocolat, qui souhaite faire transiter son cacao par ses bateaux. Des bateaux qui croiseront essentiellement vers l'Amérique du Sud et du Nord, l'Afrique de l'Ouest pour un prix que TOWT voudrait proche de celui des grands porte-conteneurs.

Une ligne, ou une escale vers la mer Rouge et les cafés éthiopiens devrait voir le jour. Plus près de nous, cette société a déjà affrété plusieurs fois l'ancien thonier de l'île de Groix, Le Biche, pour transporter du vin vers l’Angleterre. 

 

Grain de Sail dans la baie de Morlaix

 

L'entreprise Grain de Sail, connue pour son café et ses tablettes de chocolat, a elle eu une démarche différente. Aujourd'hui, elle construit un bateau de 22 mètres au chantier Alumarine à Couëron en Loire-Atlantique. Le chantier est bien avancé puisque la peinture de la coque est en cours de réalisation.

Le navire devrait sortir en juillet du chantier et commencer ses phases de tests en mer, par gros temps de préférence, à partir du mois d’août. 

J.Barreau Grain de Sel

 

 

Pour en arriver là, Jacques Barreau, le directeur général, est parti du postulat qu’il devait d'abord remplir les cales de son navire avant de se lancer dans la construction d'un tel navire. Le chocolat et le café sont donc, pour le moment, transportés par des cargos conventionnels. 

Le remplissage des cales c’est le chiffre d’affaires du transporteur maritime. Un secteur très concurrentiel. Il est difficile d’aller sur ce marché tellement les quantités que nous allons transporter sont marginales. Pour que notre projet soit viable à long terme, et que les financeurs nous suivent il fallait présenter un business plan crédible. Du coup avant de devenir notre propre transporteur, nous sommes devenus torréfacteur, ce qui n’était pas le plus difficile. 

Jacques Barreau, Grain de Sail

L'entreprise affiche une belle santé financière. Le café et le chocolat bio se vendent bien. Grain de Sail peut donc devenir son propre client et réaliser le transport de ses propres matières premières qu'elle transformera sur place. Son chiffre d'affaires est de 3,5 millions d'euros.

"On devient notre propre client et on sécurise l’approvisionnement des cales de notre navire. On veut exporter des vins français bio vers New York, puis rejoindre les Caraïbes pour y charger du café vert et du cacao. Au retour ces matières premières seront transformées" raconte Jacques Barreau.

L’entreprise envisage d’ouvrir un magasin à New York, puis Boston et d'autres unités de fabrication en France sur le littoral. "Nous voulons rester cohérents avec la démarche et ne pas perdre le bénéfice écologique en CO2 sur la route, par des transports en camion, surtout si nous nous développons sur d'autres villes" explique le directeur général.

Grain de Sail a communiqué en amont sur son projet de bateau à voile sans émissions de CO2. Ses ventes de chocolat et de café ont progressé régulièrement. Aujourd'hui l'entreprise attend la livraison de son navire à voiles de 22 mètres. Il pourra charger 35 tonnes avec 4 marins à son bord. Son prix 1,7 millions d'euros. Première traversée prévue le 10 septembre prochain.

Alors, Le vent sera t-il le carburant du futur?  Certaines entreprises y croient et se lancent dans l'aventure. Pas seulement en Bretagne, la socièté Nantaise Néoline vise elle un marché de niche plus industriel, les chargements hors gabarit sur des lignes peu fréquentées. Mais pour l'instant ces sociétés en progression constante ne pèsent pas lourd face aux 10 milliards de tonnes de fret qui transitent tous les ans sur les mers du globe. Un trafic qui ne cesse d'augmenter. 

 

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