"Avec un bac +4 et 12 ans d'ancienneté, je gagne 1500 euros", les archéologues de l'Inrap en quête de revalorisation

Bac +4, bac +5, double master. Malgré leurs diplômes et leur ancienneté dans la profession, les archéologues de l'Inrap ne supportent plus d'être sous-payés. En grève nationale ce mardi 16 mars, ils demandent une revalorisation des salaires, plus de considération et des embauches pour les CDD.

Dès les premiers mots au téléphone, Caroline Dulou pose le problème.

Même notre employeur, l'Inrap, reconnaît que l'on est les moins bien payés de la fonction publique d'État.

Caroline Dulou, archéologue, technicienne d'opération

Et Caroline continue, exposant à notre demande son cas personnel. "Vous voyez, moi, je suis technicienne d'opération, c'est-à-dire archéologue de terrain sur les chantiers de fouilles. Je travaille pour l'Inrap depuis 2008 avec un diplôme bac +4. J'ai été en CDD jusqu'en 2016. Maintenant, je suis en CDI et à 40 ans, avec plus de 12 ans d'ancienneté, je ne gagne que 1500 eruos net. Aujourd'hui, je suis en colère et demain, j'irai manifester à Paris avec mes collègues pour une revalorisation de nos salaires".

Un déplacement qu'effectuera également Joseph Le Gall. À 35 ans, il est responsable d'opération et encadre des équipes sur les chantiers. Il est également entré à l'Inrap en 2008 comme technicien, passé responsable en 2011 et intégré comme CDI en 2013. "Moi, après 13 ans d'ancienneté et un master 2 'recherche en histoire et archéologie', je vais arriver à gagner 1800 euros net par mois avec une charge de travail monstrueuse" expose-t-il calmement. Et d'ajouter "Vous savez, notre grille indiciaire est la même depuis 2001. Elle n'a jamais été revalorisée".

"Pudique" comme il le dit lui-même, Joseph reconnaît que la question des salaires n'a pas toujours été suffisamment revendiquée par la profession, la reconnaissance du métier ayant été longtemps la priorité.

Il revient ainsi sur le long combat des archéologues pour faire reconnaître l'archéologie préventive, celle qui a pour vocation de "préserver et d'étudier les éléments significatifs du patrimoine archéologique menacés par les travaux d'aménagement".
Un long parcours du combattant depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et qui débouchera sur la création en 2001 de l'Institut national des recherches archéologiques préventives (Inrap). "Les plus anciens ont fait des sacrifices pour arriver à monter cette profession et cette structure. Notre métier nous tient à cœur et on veut le protéger. Mais pour autant, il ne faut pas oublier les salaires, surtout qu'on nous demande maintenant d'en faire plus avec moins" explique Joseph.
 



De meilleurs salaires et non des primes


Caroline et Joseph sont basés en Bretagne, comme la centaine d'agents que compte l'Inrap dans la région. Caroline réside dans le Finistère, Joseph en Ille-et-Vilaine. Mais les chantiers se déroulent sur toute la région, impliquant des déplacements fréquents, pour des fouilles qui durent plusieurs semaines et même plusieurs mois. "Des périodes où ceux qui sont sur les chantiers ne sont pas très présents pour leurs proches. Ils font constamment des efforts, dans des conditions météo parfois difficiles. Ils vont laisser de côté leur famille et leur santé" tient à préciser Joseph.

Sur les revalorisations à venir, les deux archéologues sont unanimes.

On voit bien que le ministère de la Culture, qui est notre principal ministère de tutelle, et l'Inrap veulent faire un geste par l'attribution de primes. Mais nous ce que l'on veut, c'est une revalorisation de la grille salariale. L'attribution des primes, c'est beaucoup trop opaque, ce n'est pas pour tout le monde, ce n'est pas la même somme, ce n'est pas égalitaire.

Caroline Dulou, archéologue, technicienne d'opération

"On voudrait juste que la grille des salaires soit revue à la hausse et qu'elle reflète notre niveau d'étude, notre niveau de compétence et notre expérience" martèle Caroline.
 

 


Des embauches pour des CDD actuellement "maltraités"


Pour Caroline, au-delà de meilleurs salaires, il faut aussi plus de respect pour le métier de ces hommes et ces femmes. Selon elle, l'exemple le plus flagrant du manque de considération de l'institution pour les CDD.
Les contrats précaires sont nombreux, plusieurs par chantier bien souvent. Des salariés indispensables au bon déroulement des fouilles et qu'il faudrait embaucher en CDI, selon l'archéologue. 

Là aussi, des salaires bien trop bas sont dénoncés. Olympe [prénom d'emprunt, NDLR], 33 ans, est CDD depuis 2013. Détentrice de deux masters, bac +5, elle travaille 8 à 10 mois par an pour l'Inrap et gagne 1380 euros net par mois.

Jonglant tant bien que mal avec les contrats, elle reconnaît arriver "à s'en sortir à peu près financièrement" par le biais des défraiements forfaitaires liés aux déplacements constants, "qui vous permettent d'améliorer l'ordinaire". Elle exprime toutefois sa colère par rapport à la maltraitance que subissent les CDD. "Quand j'ai commencé et je crois que maintenant ce n'est guère mieux, j'étais payé 1100 euros par mois", soit moins que le SMIC, "une honte" pour celle qui ne veut pourtant pas changer de métier, trop passionnée.

"Blasée, attérrée et en colère", l'archéologue se dit encore plus inquiète pour le mois à venir. Et d'expliquer que la plupart des CDD travaillent actuellement sur des contrats, sans pour autant qu'ils les aient signés, mais avec comme d'habitude des promesses orales sur une durée de travail. Tout dernièrement, les CDD viennent de recevoir un courrier leur indiquant que leur contrat était réduit à un mois renouvelable.

On est maltraité car on a l'impression d'être une variable d'ajustement. On a vu tous vu nos contrats réduits à 1 mois au lieu de 3 à 6 mois. C'est une sur précarisation des CDD. Nos vies personnelles en pâtissent énormément.

Olympe, CDD à L'Inrap depuis 2013

Si Olympe ne pourra pas, pour des raisons personnelles, se déplacer à Paris ce mardi 16 mars pour manifester avec ses pairs, elle est convaincue qu'ils seront nombreux à se retrouver à 13 h devant le musée de Cluny et à marcher vers le ministère de la Culture, à l'appel de l'intersyndicale. 

En région, des rassemblements sont prévus devant les sièges régionaux de l'Inrap. En Bretagne, ce sera à 11 h devant le Centre archéologique à Cesson-Sévigné.

L'Inrap compte environ 2000 agents au niveau national.

 

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