Les archéologues sont plus de 2000 en France, plus de 170 pour la Bretagne et les Pays-de-la-Loire. A la recherche des traces du passé, ils font ressurgir les sociétés des temps anciens, le quotidien de ceux qui nous ont précédés. Rencontre avec un responsable de fouilles et un céramologue.
C'est un bout de terre, à la pointe du Finistère, battu par le vent et l'océan. Et sur un promontoir surplombant le centre de Plougonvelin, au milieu d'un quartier d'habitations, ils sont cinq, depuis le début du mois d'octobre, à gratter, à fouiller le sous-sol. Un chantier préalable à la construction de deux maisons. A 25 cm de profondeur cette équipe d'archéologues a mis au jour une cinquantaine de tombes, datées entre 2000 et 1600 ans avant Jésus Christ. Il s'agit de la plus importante nécropole découverte en Bretagne pour l'âge du bronze, période d'apparition de la métallurgie. Une époque où sédentarisée, la population vit dans des villages, des fermes et développe l'élevage, l'agriculture, l'artisanat et les échanges commerciaux autour du métal justement. Ce fameux bronze, alliage du cuivre et d'étain.
Un site majeur pour l'âge du bronze
Il s'agit d'un site majeur "par la quantité des sépultures sur une petite surface de 1800 mètres carrés, remarque Stéphane Blanchet, le responsable du chantier, c'est le corpus le plus important en Bretagne. Le deuxième intérêt poursuit le chercheur, c'est la variété architecturales des tombes, certaines aménagées en bois, d'autres avec des dalles ou des parements en pierre. Le troisième intérêt, c'est l'organisation générale de la nécropole, avec des concentrations des sépultures, qui pourraient correspondre à des petits regroupements familiaux."
Suspense autour d'une tombe centrale, encore bien fermée
Ces sépultures, toutes orientées est-ouest, qui devaient être matérialisées en surface par des tumulus, des cairns, voire des stèles, entourent une tombe centrale, plus importante que les autres. Elle semble dominer le site, signe probable d'une hiérachie de la société de l'époque. Cette sépulture, qui paraît bien étanche, est recouverte d'une grosse dalle, qui n'a pas encore été soulevée... "La tombe la plus prometteuse du site" assure l'archéologue. Les fouilles se poursuivent jusqu'à la fin du mois de novembre, voire la mi-décembre, et pourraient donc bien apporter encore de nouveaux éléments de connaissance.
Des rites liés à la mer
A quelques pas, Eric Pierre dégage un coffre constitué de dalles de pierre. Mais sa taille paraît trop petite pour contenir un squelette étendu. A l'époque, nous explique t-il, les gens devaient plutôt être inhumés en position foetale, et puis au cours du temps aussi, les os pouvaient être regroupés dans des contenants plus réduits. Une tombe totalement vide à l'exception d'une fine couche de sable recouvrant le fond : "étant donné que nous sommes sur le littoral, ça peut être un peuple lié à la mer, on peut imaginer des marins et donc un rite quelconque qui se rapproche de la mer, ça n'est qu'une hypothèse, mais c'est probable..." suggère le chercheur.
Un vase cercueil dans un coffre de pierre
Armé d'une petite truelle, Stéphane, de son côté, dévoile une petite céramique, enserrée entre des dalles de pierre, dont la forme est bien caractéristique de cette époque, et qui a d'ailleurs contribué à la datation du site. Il pourrait s'agir propose l'archéologue, d'un vase cercueil pour un bébé ou un foetus, à moins que ça ne soit lié à un rituel de fondation de la nécropole. Au travers des vestiges déterrés, ce qui passionne l'archéologue, c'est de restituer l'organisation des sociétés d'alors, le pouvoir des élites au sein des territoires locaux, mais aussi leurs échanges. "On sait actuellement qu'entre la Bretagne et Outre-Manche, il y avait des liens. On a également des liens dès le début de l'âge du bronze avec la péninsule ibérique, voire aussi avec le bassin méditerranéen. Donc on est déjà dans une sorte de mondialisation au niveau de ces échanges, dans un monde interconnecté" commente t-il.
L'étude, le temps d'après la fouille
Après le temps de la fouille, vient le temps de l'étude et c'est là qu'interviennent les spécialistes. Richard Delage est de ceux-là. Avec lui, nous avons fait un bond dans le temps. On le sait, les poteries représentent bien souvent l'essentiel des vestiges archéologiques. Céramologue pour la période de l'Antiquité, il examine un lot de cruches, sorties l'été dernier du puits d'une ferme gallo-romaine, située à Sainte-Anne d'Auray. "Ces objets se datent à partir de plusieurs critères, nous apprend-il, d'abord leurs caractéristiques techniques et pour ça on peut utiliser un tessonnier de référence pour comparer les pâtes. Pour celle-ci, en comparant avec le tessonnier du Morbihan, on voit qu'elle a toutes les chances de provenir d'un important atelier de poterie de Liscarno dans le Vannetais." Ces objets datent du 3e siècle après Jésus Christ, ce que lui indique encore les différentes formes de ces céramiques, et qui constituent des informations majeures pour la datation.
Le quotidien de nos lointains aïeux
Richard, reconstitue sous nos yeux, une urne funéraire découverte dans la région de Fougères, un petit pot, qui a connu bien d'autres fonctions auparavant. "Il s'agit de céramiques modelées, nous renseigne encore Richard, qui n'ont certainement pas été fabriquées par des potiers professionnels. On en connaît bien la forme, pour dater de la fin du premier siècle après Jésus Christ. Elles servent généralement d'emballage pour des biens de consommation, comme des pâtés, des confitures, des choses comme ça certainement..." Et nous réalisons que le recyclage n'a rien de nouveau. L'archéologue nous précisera encore que la nature de la céramique nous apprend si elle était destinée à aller au feu. Et quand dans certains villages on ne retrouve pas ce type de poteries, c'est que ses habitants ne mangeaient probablement ni tourtes, ni plats préparés au four... L'archéologie, ou l'art de faire ressurgir des aspects très quotidiens, du temps de ceux qui nous ont précédés. Une façon de nous les rendre plus proches.
Les archéologues en France et dans l'Ouest
Les membres de l'Inrap, l'Institut national de recherches archéologiques préventives sont au nombre de 2190 en France, à la fois pour l'administratif et la partie scientifique.La première étape de la recherche archéologique, c'est la fouille sur le terrain, souvent à partir d'un diagnostique préalable. Ensuite intervient l'étude, une partie des archéologues de terrain s'y consacre avec les spécialistes. La dernière étape, c'est la diffusion de ces recherches, auprès des professionnels comme auprès du grand public, par le biais de publications, d'expositions, de colloques ou de conférences.
Outre les archéologues de terrain, qui réalisent les fouilles, la profession réunit donc de nombreux spécialistes. Des céramologues, comme Richard Delage pour l'étude des céramiques, des palynologues, pour les pollens, les anthropologues pour les ossements, mais encore les archéo-zoologues pour les restes d'animaux, les carpologues pour tout ce qui est graines et végétaux et les xylologues pour l'étude des bois...
La Bretagne, recence 90 agents :
- 66 archéologues de terrain (36 responsables de recherche et 30 techniciens)
- 13 spécialistes
- 11 agents sur des fonctions complémentaires, gestionnaires de collections, topographes ou dessinateurs
En Pays de la Loire, l'Inrap compte 82 agents :
- 62 archéologues (33 responsables et 29 techniciens)
- 9 spécialistes
- 11 agents sur des fonctions complémentaires