Avec "L'Art de perdre", Alice Zeniter, Goncourt des lycéens, veut briser le silence

Alice Zeniter, qui a remporté le 30e Goncourt des lycéens, s'exprime son ouvrage L'Art de perdre.

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"Il y avait des années que je tournais autour de l'envie d'écrire sur l'arrivée des harkis en France, d'écrire pour eux". Avec L'Art de perdre (Flammarion), récompensé jeudi par le Goncourt des lycéens, Alice Zeniter a réparé une injustice en donnant la parole à ceux qui ne l'avaient jamais prise.


Petite-fille d'un homme que les aléas de l'Histoire ont placé dans le camp des harkis, ces Algériens restés du côté de la France pendant la guerre d'indépendance, Alice Zeniter ne souhaitait pas qu'"on rappelle (sa) propre histoire familiale", a expliqué la romancière.

Inspiration


Mais le secret familial a été vite éventé. Si Alice Zeniter, 31 ans, est petite-fille de harkis, réduire L'Art de perdre à une histoire familiale serait erroné et par trop parcellaire. La voix que l'on entend dans ce roman est celle de Naïma, jeune Parisienne travaillant pour une galerie d'art, ignorant tout ou presque de l'Algérie.

Si Alice Zeniter s'est décidée à écrire cette histoire, c'est en partie à cause du livre Sauve qui peut la vie de Nicole Lapierre, raconte-t-elle. Dans cet essai, paru en 2015, la sociologue, spécialiste de l'histoire de la Shoah, revient sur l'histoire de sa famille pour arriver à celle des migrants d'aujourd'hui. Qu'ont-ils en tête au moment du départ ? Que ressent-on pour eux ? s'interrogeait notamment Nicole Lapierre. "En la lisant, je me suis souvenue d'un vers d'Homère : les malheurs des hommes sont faits pour être chantés", se souvient Alice Zeniter. L'histoire des harkis n'avait jamais été "chantée".

"Fausse désinvolture"


"L'Algérie les appellera des rats. Des traîtres. Des chiens. Des apostats. Des bandits. Des impurs. La France ne les appellera pas, ou si peu. La France se coud la bouche en entourant de barbelés les camps d'accueil", écrit Alice Zeniter. En travaillant sur son roman, elle a découvert ces "espèces de poches secrètes où l'on met tous ceux dont les trajectoires nous embarrassent". On découvre ainsi le camp de Rivesaltes (Pyrénees-Orientales) où seront parqués les harkis après avoir "accueilli" les républicains espagnols fuyant Franco, les Juifs et les Tziganes raflés par Vichy...

Le livre d'Alice Zeniter n'est pas pour autant un réquisitoire même si la jeune femme avoue "sa colère et son dégoût" face à cette histoire grise. "Par la forme du récit, on peut aussi apporter une beauté et faire sortir ces personnages d'une dimension purement victimaire qui ne permet pas de prendre en compte leur courage, leur joie, la totalité qui fait que ce sont nos frères d'humanité", dit-elle.

Son titre, L'Art de perdre, est inspiré du bouleversant poème d'Elizabeth Bishop (1911-1979), reproduit dans le roman. "Ce que j'adore dans le poème de Bishop, c'est cette fausse désinvolture qui cache une blessure terrible", reconnaît la romancière. Que connaît Naïma de l'Algérie et de l'histoire de sa famille ? Ali, son grand-père harki, est mort. Sa grand-mère Yema ne parlera jamais le français. Hamid, son père, a préféré se murer dans le silence plutôt que d'évoquer la terre de son enfance. Pour des raisons professionnelles, Naïma ira en Algérie sur les traces des siens, l'occasion pour Alice Zeniter de rendre hommage au "courage dingue" des artistes algériens d'aujourd'hui, notamment des femmes.

Ce roman fait partie des nombreux livres de la rentrée qui évoquent l'Algérie (dont notamment "Un loup pour l'homme", de Brigitte Giraud, également finaliste du Goncourt des lycéens). "Si la guerre d'Algérie appartient au passé pour les jeunes générations d'aujourd'hui, la découverte, via la littérature ou toute autre forme d'art, d'une injustice enfermée depuis longtemps dans le passé vient nous frapper de plein fouet comme si elle avait eu lieu aujourd'hui", observe la romancière.
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