A partir de vendredi, les personnes âgées dans les Ehpad pourront recevoir des visites de plus de deux personnes à la fois, de mineurs et sans la présence d'un tiers. Une excellente nouvelle pour les familles et pour les directeurs d'Ehpad dont beaucoup réclamaient un assouplissement du protocole. 

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"Ma maman a 94 ans. Elle vit ses dernières semaines et j'ai des choses à lui dire."
A Plougastel (Finistère), Annie Quentel a appris la nouvelle avec un immense soulagement et beaucoup d'émotion.
 

Ils avaient tellement fermé les Ehpad qu'ils n'arrivaient plus à les rouvrir!


Certes, depuis le 27 avril, elle pouvait de nouveau rendre visite à sa mère dans l'Ehpad brestois où elle se trouve, mais à des conditions très strictes et "tellement frustrantes" ! "Cela se passait sous un barnum, chacune de part et d'autre d'une table large de deux mètres, une vitre de plexiglass entre nous et tous masqués, résident comme visiteurs. Tout cela en présence d'un salarié de la maison de retraite. Non seulement, on n'arrivait pas à se comprendre avec le masque mais en plus, nous étions limités à des conversations très superficielles par manque d'intimité."


Depuis début avril, Annie sent que sa mère se laisse mourir. "Elle ne mange plus, est déshydratée. Elle ne comprend pas pourquoi ses enfants, ses petits-enfants ne viennent plus la voir comme avant. Maman meurt de désespoir autant que de vieillesse. (...) Ils avaient tellement fermé les Ehpad qu'ils n'arrivaient plus à les rouvrir!".


Pour la fête des mères


Dimanche, Annie pourra rendre visite à sa maman pour la fête des mères. C'est "notamment en préparation des fêtes familiales à venir comme la fête des mères ou la fête des pères" que le Ministère des solidarités et de la santé a demandé que ces nouvelles préconisations soient appliquées à partir du vendredi 5 juin.

C'est aussi et sans doute après la très forte mobilisation de certaines familles et de directeurs d'Ehpad. A Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), Valérie Mercier est l'une des toutes premières à avoir donné l'alerte. "Je sens que je prive les résidents de leurs derniers mois de liberté!", se désolait alors la directrice de l'Ehpad Boris Antonoff.

 

Ce lundi de Pentecôte, également journée de la solidarité, Valérie Mercier estime avoir été entendue. Ces mesures d'assouplissement des visites, "c'est exactement ce que nous demandions depuis plusieurs jours."
 

Ce qui va changer



Jusque là interdites, les visites de mineurs seront de nouveau autorisées avec un port de masque. Il sera également possible de venir à plus de deux personnes "lorsque la visite n’est pas faite en chambre". Dans la chambre du résident, ce sera deux visiteurs maximum et si "les conditions de sécurité le permettent". Enfin, la présence d'une tierce personne salariée de l'établissement ne sera plus obligatoire.

"Quand on aime quelqu'un, on n'essaie pas de le tuer, On le protège", commente Valérie Mercier. "Ça prouve qu'il y a une confiance de faite aux familles et j'en suis ravie. [Pour certains résidents], il y avait urgence".
 

Hier soir encore, une résidente m'a demandé quand elle pourrait voir son fils.


Un avis que partage Gwénaël André, infirmier appelé en renfort dans un Ehpad de Vannes (Morbihan) et qui a vu, ces derniers mois, des personnes âgées décliner physiquement, moralement et sur le plan cognitif. "Hier soir encore, une résidente m'a demandé quand son fils pourrait venir la voir. Le plus difficile, [c'était] de ne pas pouvoir lui donner de date et de sans cesse devoir répondre +je ne sais pas+". 

 

Je n'ai pas vu ma mère depuis 2 mois et demi - Christian Gal


A Fougères (Ille-et-Vilaine), Christian Gal se réjouit de pouvoir retourner voir sa mère résidente dans un Ehpad de Rennes.
"Elle est dans sa 100e année et je ne l'ai pas vue depuis deux mois et demi puisque l'établissement a décidé de suspendre les visites plusieurs jours avant la décision officielle" prise le 11 mars par le gouvernement.

Pour autant, Christian Gal estime que l'interdiction des visites a été "une bonne décision". "C'est une précaution qui a porté ses fruits, puisque personne n'a été touché par le virus dans l'Ehpad. En plus, l'absence de visite a permis aussi de soulager les personnels soignants déjà très accaparés." 

Le Fougerais reconnaît que sa mère étant depuis longtemps dans le même établissement, "le fait d'être dans un environnement familier entourée de visages connus" a certainement aidé la presque centenaire à mieux vivre cet isolement.

"L'autre jour, une aide-soignante m'a appelé pour me dire qu'elle réclamait des biscuits bien particuliers. Je lui en ai laissé à l'accueil où ils lui ont été remis le lendemain. Précaution sanitaire. Ma mère, sourde, n'aurait pas compris de me voir à distance, masqué, à travers une vitre. Elle aurait été déstabilisée. J'ai préféré éviter."

 


L'Ehpad: avant tout un lieu de vie


Pour Henri Hénaff, président pour le Finistère de l'association "Bien vieillir ensemble en Bretagne" également directeur d'Ehpad à la retraite, il était grand temps de se souvenir qu'"un Ehpad, ce n'est pas seulement un lieu de soins, mais surtout un lieu de vie. Ces établissements sont aujourd'hui archi-médicalisés alors que les relations affectives devraient primer." Et de raconter l'appel de cette dame qui lui expliquait encore le week-end dernier: "Je préfèrerais que maman meurt à 96 ans du coronavirus, que de la savoir désespérement seule encore pendant des mois."
 

Presque 11 000 morts du covid-19 en Ehpad


A Quimper, Joëlle Le Gall, présidente de "Bien Vieillir ensemble en Bretagne", explique combien il était difficile pour un directeur de prendre l'initiative d'assouplir les protocoles de visites dans son établissement sans attendre les directives officielles. "Imaginez qu'un foyer se déclare dans un Ehpad. Aussitôt l'A.R.S. [Agence régionale de santé] va rendre la direction responsable en lui reprochant de ne pas avoir pris les précautions nécessaires." 

"On ne peut pas non plus oublier les presque 11 000 personnes âgées décédées du covid-19 dans des Ehpad en France." 

Engagée depuis près de vingt ans auprès des familles, Joëlle Le Gall espère que cette crise sanitaire aura au moins permis de mettre en lumière la situation dans les Ehpad, "le dévouement des personnels et le manque cruel de moyens".
 
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