Les EHPAD, grands oubliés du déconfinement selon l'Armée du Salut

Depuis le début du confinement en mars, bien des personnes âgées n'ont eu aucune ou très peu de visites de leurs familles. Les règles strictes maintenues le 11 mai dernier, au premier assouplissement du confinement, commencent à peser lourd pour certains résidents, à l'approche du 2 juin.

 Je sens que je les prive de leurs derniers mois de liberté!


C'est un cri d'alarme qu'a poussé ce vendredi matin sur France inter, Valérie Mercier, la directrice d'un EHPAD de Saint-Malo.


" On ouvre les cafés et les restaurants, les piscines et les cinémas vont ouvrir... et les Ehpad on n’en parle pas. On ne va quand même pas laisser les gens confinés tout l'été! C'est pas possible, on a beaucoup de résidents qui commencent à avoir de grosses baisses de moral et qui commencent à se laisser aller parce qu'ils ne voient pas d'issue...

Ils ont été très patients depuis le 11 mai, mais ils ne comprennent pas qu'ils soient oubliés. On parle de déconfinement sauf pour eux: il va falloir que ça s'arrête, qu'ils puissent aller ne serait-ce que déjeuner chez leurs enfants, voir leurs arrière-petits-enfants car les mineurs sont toujours interdits dans les Ehpad aujourd'hui!

Je pense qu'à un moment il faut aussi penser que ces personnes-là, elles n'ont pas comme nous plusieurs années à vivre. Pour beaucoup d'entre elles, elles n'ont que quelques mois. Moi j'ai quatre résidents: je sens que je les prive de leurs derniers mois de liberté".


Ce coup de gueule c'est aussi celui de Sylvie Dupont, Directrice des EHPAD de la Fondation de l’Armée du Salut. La résidence Boris Antonoff à Saint-Malo est l'un des dix Établissements d'Hébergement de personnes âgées dépendantes (Ehpad) que possède la fondation en France.
 

Manque de considération de notre société à l'égard de nos aînés


Dans un communiqué, elle regrette "qu'aucune annonce concrète n'a été faite concernant les Ehpad, pourtant en première ligne dans la crise du Covid-19. C'est le triste constat, une fois de plus, du manque de considération de notre société à l'égard de nos aînés."
 
Pour la fondation, le constat est clair et sans appel : «Les personnes âgées ne vont pas mourir du Covid-19 mais de solitude et de l'oubli de notre société pour leurs aînés!». Les enjeux du déconfinement au sein des EHPAD sont pourtant nombreux, notamment concernant la reprise des visites des familles, le redémarrage de la vie collective ainsi que la question du libre-choix et du consentement éclairé des personnes.
 

Des mesures à la discrétion des établissements


Les textes n'ont pas changé depuis le 20 avril. Une visite de 30 mn à une heure maximum, de deux membres adultes de la famille ou de proches est autorisée tous les 15 jours, ou toutes les semaines à la discrétion du directeur, mais en respectant un protocole strict (température, masque, gel hydroalcoolique, distanciation) et dans un local dédié et surveillé par un salarié de l'Ehpad.
Et c'est là que le bât blesse: selon Valérie Mercier, le nombre de salariés de ces établissements est toujours aussi insuffisant. Et encore cet Ehpad a, du fait du confinement, supprimé son accueil de jour et ainsi pu consacrer deux salariés aux visites, ce qui n'est pas fréquent. Cet établissement compte 80 résidents (dont 4 centenaires) pour 57 ETP (Equivalent Temps Plein). Mieux que la moyenne nationale, mais encore insuffisant. Résultat, les directeurs n'ont pas de latitude d'organisation et les résidents n'ont généralement pas assez de visites, pas autant que nécessaire à ce grand âge pour entretenir une bonne santé psychologique.
 

En Ehpad les résidents vivent pour les visites
 

Aujourd'hui la directrice constate que rien n'a évolué depuis le 11 mai, même dans des zones vertes et peu touchées comme la Bretagne. Elle sait que des personnes de 80 à 100 ans ne vivent plus que pour les visites de leurs proches et un repas en famille de temps à autre le dimanche.
Des centenaires perdent l'appétit, des personnes qui souffrent de la maladie d'Alzheimer ne s'expriment plus. Le regard perd toute expression et c'est le lâcher-prise, le glissement fatal.

  

Des professionnels en manque de reconnaissance


"Il faut juste qu'on ne parle pas des Ehpad seulement lorsqu'il y a des morts. Il faut juste qu'on ne nous oublie pas et qu'on nous accompagne.
Aujourd'hui ajoute la directrice, il y a des Ehpad publics mais autant d'Ehpad associatifs du secteur non lucratif. On parle d'une prime de 1000 euros mais personne ne la confirme. Il faut aussi qu'on nous fasse confiance pour le bien de nos résidents. Par exemple ici nous disposons d'immenses jardins et de grands espaces dans nos locaux et c'est plus facile d'organiser des visites"

Certains résidents racontent qu'ils n'ont même pas connu pire isolement durant la dernière guerre. En France, plus de 600.000 personnes vivent en Ehpad.


 
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