Audrey Cordon-Ragot compte dans sa carrière des victoires, de la joie, des blessures et du mental. Alors que démarre aujourdh'ui le Tour de Bretagne cycliste féminin, la championne se livre sur son milieu : le cyclisme féminin. Entre besoin de changements, d'évolution, et de justice.
Audrey Cordon-Ragot a un palmarès qui laisse rêveur. Lorsqu'elle nous reçoit, chez elle en centre-Bretagne, elle porte encore les stigmates d'une chute lors du Tour des Flandres, Le coude et la cuisse sont touchés mais pas l'état d'esprit.
Un sourire pour évoquer la Drentse 8 van Westerveld qu'elle vient de remporter. Cette course internationale est un beau trophée, et depuis elle vient de ravir la première manche de la Coupe de France 2019, sur ses terres.
Une chute reste un aléa pour la professionnelle qu'elle est. C'est les risques du métier. Sa nouvelle formation lui permet d'être totalement à son sport, de continuer à viser le plus haut niveau. Ce n'est pas la douleur qui va l'empêcher de pratiquer ses routes d'entrainements. La championne est totalement à son sport et en à une vision claire.
Il faut que ça change
L'Union Cycliste Internationale la reconnaît comme professionelle. Le grand public ne peut penser autrement, mais aux yeux de la Fédération Française de Cyclisme, elle est toujours considérée comme amateure.
Pour preuve cette licence signée pour la 20ème fois auprès de son club de coeur à Loudéac. Audrey Cordon-Ragot aime cette relation avec l'amateurisme, qui fait partie de son histoire, de son parcours. Mais elle s'est battue pour être professionelle, et aux yeux des instances française elle ne l'est toujours pas.
"Comment je peux continuer à accepter ça ? Comment peut-on, nous les femmes, qui faisons les mêmes courses que les hommes, les mêmes sacrifices, les mêmes déplacements accepter cette situation ?" s'insurge-t-elle au moment de signer cette licence. Encore une fois. Le sentiment d'injustice est trop grand.
Son emploi du temps ne lui permet pas d'avoir un emploi à côté. Elle n'en a pas le temps. Sa vie est consacrée à sa réussite sur les routes. Avec succès notamment, alors comment accepter d'être considérée seulement comme une passionnée du vélo du dimanche ? Comme si sa pratique se résumait à cela.
Audrey Cordon-Ragot n'est pas du genre à se plaindre et s'en tenir à cette position. Non. Comme sur le vélo, elle est en première ligne, combattante, elle agit pour que les choses changent. Une association est en train de voir le jour et aura comme première ambition "de permettre aux femmes d'avoir un vrai statut de cycliste professionnel, marqué noir sur blanc".
Une fusion entre vélo féminin et vélo masculin
Audrey Cordon-Ragot n'est pas dans une posture politique : le droit des femmes face à celui des hommes. Elle se bat pour une cause juste. Le combat est d'ailleurs un trait de caractère de la bretonne de Loudéac : "Être sportive dans un milieu d'homme c'est difficile. On doit se battre pour tout ou presque. Pour moi, faire du vélo, c'est prouver qu'une femme peut faire un sport d'homme."
Le cyclisme, j'ai dû me battre pour en faire au niveau où j'en suis actuellement. J'ai dû me battre pour pouvoir en vivre.
Le cyclisme masculin, Audrey le voit comme une bonne chose. "Il y a tant à apprendre."
Son mari, Vincent Ragot, est lui aussi dans une équipe professionnelle. Audrey y trouve une énorme source d'enseignement. Également le Team Trek-Segafredo avec son équipe masculine top niveau lui apporte une grande expérience et des moyens pour progresser.
Pour Audrey l'avenir du cyclisme féminin se trouve là. Dans le mélange des idées, du savoir faire, et du haut niveau masculin. "Il faut réussir à faire une fusion de ce melting-pot pour faire grandir le cyclisme féminin."
J'en attends plus
Les instances du vélo aujourd'hui sont en capacité d'écouter. Mais arriveront-elles à agir ? Audrey Cordon-Ragot en attend plus. Et la connaissant, elle ne lâchera pas. Bien-sûr la patience fait partie des armes de la championne, mais Audrey Cordon-Ragot sait également qu'aujourd'hui, avec les discussions sur la place des femmes dans notre société, c'est le bon moment.
L'étranger, une source d'inspiration ?
La France recoit le Jeux Olympiques à l'été 2024. Nul doute qu'Audrey aura l'oeil sur la mise en valeur des sportives sur l'évènement Parisien. Pour les Jeux de Londres, Audrey Cordon-Ragot y avait vu sa nouvelle co-équipère Lizzie Deignan sur des panneaux publicitaires immenses.
"L'Angleterre a su mettre en avant tous ses sportifs, offrir du rêve à tous les jeunes. Véhiculer un message positif. La France limite sa mise en avant à quelques sportifs, comme des judokas ou les nageurs qui bénéficient de côte de popularité énorme".
Mais pour combien d'autres dans l'ombre ? Autant de parcours qui peuvent servir d'exemple, de moteur, de motivation pour une jeunesse toujours en recherche de repères. "Les anglais avaient tout compris en investissant dans le sport. C'est donner une bonne image pour notre société, et pour des gamins qui en ont besoin".
Le retour du Tour de Bretagne Féminin est une grande satisfaction
Audrey Cordon-Ragot a grandit et construit sa carrière avec cette course : le Tour de Bretagne Féminin. Toute jeune, Audrey était au bord des routes pour y voir passer ses idoles. Une fois "professionnelle" elle a pu y participer et le remporter en 2013. Alors le voir disparaitre en 2016 était simplement impossible.
Je me suis battue auprès des organisateurs, auprès des fans du vélo féminin et du vélo breton pour que ce tour revive.
Elle en est tellement heureuse qu'Audrey Cordon-Ragot a fait une demande auprès de son team pour pouvoir y participer. Le Tour de Bretagne Féminin est désormais, au niveau d'Audrey, une petite course internationale, mais il passe sur ses terres.
C'est avec le maillot Bleu-Blanc-Rouge de championne de France qu'Audrey aura l'immense joie de se montrer sur ses routes d'entraînements, d'y prendre le départ et de se montrer sur ce Tour de Bretagne nouvelle génération.
La Bretagne un monde à part sur la planète du vélo féminin
Le retour du Tour de Bretagne fait partie des petites progressions que l'on voit en France pour le cyclisme féminin. La Bretagne sait faire vivre le cyclisme féminin. Des courses apparaissent comme :
- le Grand Prix du Plumelec, la Classique Morbihan
- le Kreiz Breizh Elites
- le Tour de Bretagne féminin
" Le cyclisme en Bretagne est fort, c'est le sport régional et le cyclisme féminin n'est pas mis à part quand on compare avec le cyclisme en général en France".
La Bretagne porte une grande attention à ce sport. Des féminines présentes au niveau national et international sont bretonnes, comme les deux championnes de France de contre-la-montre et sur route : Audrey Cordon-Ragot et Aude Biannic la Finistèrienne de Landivisiau.
Avec Audrey Cordon-Ragot, la Bretagne possède une pépite au mental et à l'état d'esprit qui ne peuvent que servir d'exemple. La quadruple championne de France est une grande championne, et encore une fois, les trésors bretons méritent d'être plus connus.