Elus municipaux, ils avaient décidé de tourner la page, de se consacrer à d’autre projets ou de profiter de la vie tout simplement. Mais le report du second tour des élections municipales les oblige à poursuivre leurs missions. Comment le vivent-ils ?
Un mandat en tant qu’élu municipal leur suffisait amplement, alors ils avaient décidé de passer à autre chose. A Rennes, l’adjointe déléguée à la mobilité, s’apprêtait à entamer une formation de cuisinière pour ouvrir un restaurant. A Saint-Malo, le maire, Claude Renoult, souhaitait profiter enfin d’une vie paisible de retraité. Motivations identiques pour Albert Hervet, premier édile de Névez, dans le Finistère. Mais c’était sans compter sur la crise du Covid-19 et le report du second tour des élections municipales.
Toutes les équipes municipales en place se voient contraintes de poursuivre les mandats en cours jusqu’à l’arrivée de leurs successeurs. Arrivée à une date indéterminée à ce jour puisque nous ne savons pas quand se tiendra le deuxième tour des élections municipales.
Si certains élus restent philosophes, d’autres sont fatigués par la lourdeur du mandat et attendent impatiemment de raccrocher l’écharpe tricolore. Trois élus bretons ont accepté de nous livrer leur ressenti.
Sylviane Rault, 55 ans, adjointe déléguée à la mobilité à la Ville de Rennes (217 000 habitants, Ille-et-Vilaine)
J’avais dit au revoir aux agents de la Ville, j’avais rangé mon bureau
Elue Europe Ecologie les Verts (EELV), Sylviane Rault, a beaucoup travaillé durant son mandat aux nouveaux modes de déplacement en ville, privilégiant les transports en commun et les transports doux (bicyclette et marche à pied).
"C’est passionnant mais je n’avais pas envie de repartir. Un mandat c’est beaucoup d’énergie." Depuis plusieurs mois, cette ancienne assistante sociale nourrissait d’autres projets. Elle avait décidé d’ouvrir un restaurant pour employer des personnes en réinsertion et en situation de handicap. Pour cela, il lui fallait obtenir un CAP (certificat d’aptitude professionnelle) de cuisine. Sa formation devait démarrer fin mars… "Tout est décalé. Je me retrouve sans date pour le début de ma formation et sans date pour la fin de mon mandat," s’amuse l’élue.
"J’avais dit au revoir aux agents de la Ville, j’avais rangé mon bureau. Mais quand il a fallu se remobiliser, je me suis remobilisée."
La voilà donc en charge de la création accélérée de nouvelles pistes cyclables à l’occasion du déconfinement. La Ville de Rennes, craignant une désaffection des transports en commun à cause de la crise sanitaire, espère ainsi éviter une saturation de la circulation automobile en ville et aux abords de la ville. Sylviane Rault avait initié ces projets d’aménagements cyclables, mais ils devaient être mis en œuvre par la prochaine équipe municipale après l’ouverture de la seconde ligne de métro à Rennes, dans plusieurs mois.
"C’est le sprint final !", sourit-elle. Malgré l’enthousiasme de voir ses projets se concrétiser avant son départ, l’élue aimerait raccrocher avant septembre pour pouvoir se tourner vers une nouvelle vie, qu'elle espère aux fourneaux.
Claude Renoult, 72 ans, maire de Saint-Malo (45 600 habitants, Ille-et-Vilaine)
Mieux valait que cette situation complexe soit gérée par l’équipe en place depuis plusieurs années
Elu divers droite, le maire de Saint-Malo, avait décidé dès le printemps 2018 de ne pas se présenter pour un second mandat. "J’ai 72 ans et quelques petits soucis de santé, explique-t-il. Mais quand on s’est retrouvé dans ce contexte, je ne me suis pas posé la question de savoir si j’en avais ras le bol." Mieux valait que cette situation complexe soit gérée par l’équipe en place depuis plusieurs années, estime l’élu malouin. "Vous imaginez la crise gérée par une équipe qui débarque ! C’est une ville très touristique, un secteur très touché par la crise."
"Ici, on a les mêmes problèmes qu’ailleurs avec en plus des problèmes liés au littoral et aux commerces touristiques," poursuit l'ancien ingénieur.
Le maire et son équipe prépareront durant les jours à venir les dossiers de demande de réouverture de certaines plages pour les soumettre à l’approbation de la préfecture. Le maire affirme assumer complètement cette prolongation de mandat : "C’est notre vie, c’est notre territoire, on le connaît."
Albert Hervet, 75 ans, maire de Névez (2 660 habitants, Finistère)
Ça fait une charge mentale qui ne vous quitte l’esprit que quand vous dormez
Il rêvait de vacances, de jardinage, de profiter de sa famille et le voilà contraint de poursuivre son mandat malgré lui. "Si on ouvre le marché, comment on fait ? Pour les écoles, pour que les gamins soient dans des situations sanitaires correctes…", autant de questions qui taraudent le maire de Névez, Albert Hervet.
"Ça fait une charge mentale qui ne vous quitte l’esprit que quand vous dormez," avoue-t-il.
Son bureau est déjà rangé, prêt à accueillir son successeur. "Je vais jusqu’à fin juin… Après, si c’est fin septembre, j’irai au bout, soupire l’élu. Mais vu ce que je vis. Dans ce contexte, j’ai hâte que ça se termine."