Ils seraient un million de Bretons à vivre en région parisienne. Ils sont si nombreux que Paris est parfois considéré comme le sixième département breton. Cela dépasse largement les limites de Paris pour concerner l’ensemble de l’Île-de-France. L’équipe de Bali Breizh est allée à leur rencontre. Voici le témoignage de certains.
Les profils des Bretons qui vivent à Paris sont très divers. Certains y vivent depuis des années et des années, voire des générations, d’autres y sont nés ou viennent de s’y installer, quand certaines personnes s’y rendent très régulièrement, chaque semaine ou pour une période précise. Portraits croisés.
Paul Molac : « Tout compte, le peuple peut peser dans les décisions »
Paul Molac est député de la 4e circonscription du Morbihan. Il demeure dans la ville dont il est originaire : Ploërmel. Ainsi, il doit effectuer de nombreux allers-retours entre Paris et la Bretagne, notamment pour participer aux débats législatifs à l’Assemblée nationale tout en étant au pouls de son territoire d’origine. Cela fait maintenant dix ans qu’il a pris ce rythme. « J’étais un peu inquiet la première fois que je suis venu ici, à l’Assemblée nationale. J’avais tout à découvrir sur le fonctionnement de cette institution pour être efficace. »
L’élu est systématiquement présent dans la capitale le mardi et le mercredi, davantage en fonction des nécessités, des dossiers à faire avancer. Paul Molac est également président de l’Office public de la langue bretonne et conseiller régional breton. À ces titres, il passe également du temps à Rennes.
« Le regard que je porte sur la politique n’a pas vraiment changé au fil des années. Ce qui diffère aujourd’hui, c’est que je peux agir. » Une action qu’il consacre notamment à la protection des langues minoritaires et à gagner de l’autonomie pour les collectivités territoriales, et avant tout pour la Bretagne.
En 2021, sa notoriété s’est accrue en raison de sa proposition de loi, dite « Loi Molac », adoptée par l’Assemblée nationale, afin de protéger les langues minoritaires. Un texte modifié mais d’après le député breton : « Le Conseil constitutionnel a conservé l’essentiel de la loi. Mais il reste à régler la question de l’immersion linguistique et des signes diacritiques. Il faudrait changer la Constitution. »
Quand à savoir s’il est confiant : « Si on n’agit pas, il ne se passe rien. Si on ne tente rien, on n’a rien. »
Et selon lui, pour avancer : « Tout compte. Le peuple peut aussi peser dans les diverses décisions. Il ne faut pas l’oublier. »
Une chose est sûre : ce ne sont pas les dossiers qui manquent et Paul Molac n’a pas de quoi s’ennuyer.
Ronan Bléjean ou la magie du théâtre Zingaro
Ronan Bléjean vient du Trégor où il vit avec sa famille. Mais, en ce moment, l’accordéoniste passe beaucoup de temps à Aubervilliers, au nord de Paris, en compagnie de son frère Loïc qui joue du uilleann pipes et des nombreux artistes du théâtre Zingaro.
Ce lieu a été fondé par le célèbre Bartabas pour accueillir ces non moins connus spectacles équestres. Tous sont réunis dans une nouvelle création « Irish travellers » qui raconte l’histoire des nomades, des gens du voyage irlandais, présentée au public depuis le 18 octobre 2022.
Et il n’est pas évident de revenir régulièrement en Bretagne et d’y passer du temps. « Je suis sur scène tous les jours, sauf le lundi et le jeudi. Ce n’est pas facile mais la vie parisienne est agréable », explique Ronan Bléjean.
Et s’il est arrivé dans cette aventure, c’est grâce au réseau d’artistes bretons : « Je fais partie du spectacle grâce à Paco Portero qui habite près de Dinan et travaille avec Bartabas depuis quarante ans. Il a appelé le violoniste Pierrick Lemou. Ce dernier a contacté mon frère, Loïc, qui m’a proposé de participer à cette création. C’est une histoire de téléphone finalement. »
Il est certain que le plaisir sera au rendez-vous pour tous, artistes comme spectateurs avec ce spectacle plein de poésie.
Henriette Férellec et Léandre Mandard : une amitié intergénérationnelle autour du breton à Paris
Léandre Mandard et Henriette Férellec se sont connus grâce à l’Amicale des Bretons de Saint-Denis, en région parisienne. Contrairement à Paul Molac ou aux frères Bléjean, les deux amis sont bien plus installés dans ce secteur.
Quand le Covid était au plus haut et qu’il n’était pas simple de se déplacer loin, Léandre qui habite près de chez Henriette, se rendait régulièrement chez elle pour améliorer son breton.
Cette dernière est arrivée du côté de Paris il y a déjà longtemps, en 1962, pour suivre son mari qu’elle avait connu en Bretagne, lors du mariage d’une amie, sœur de son futur époux, à Douarnenez.
Tous les deux avaient déjà de la famille installée du côté de Paris.
La vieille dame a conservé une mémoire exceptionnelle : « Nous avons d’abord vécu à l’hôtel, jusqu’à la naissance de notre fils. À ce moment-là, nous avons réussi à trouver une vieille maison rue de la Boulangerie, à Saint-Denis, sans confort mais bon… »
En 1976, la famille déménage dans la cité de la Courtille. On croisait déjà de nombreux Bretons à Saint-Denis à cette époque. « La plupart d’entre eux travaillaient pour Gaz de France ou la RATP ». Son mari, lui, travaillait pour les fonderies Citroën. Un métier difficile : « Rester devant un four toute la journée, surtout pour un gars de la campagne, c’était dur. »
Quant à Henriette, elle a exercé divers métiers au cours de sa vie : couturière pour des ateliers parisiens, femme de ménage, avant de passer un concours pour devenir employée de bureau. Elle est désormais bien enracinée dans son quartier. « Quand j’ai pris ma retraite, les enfants du quartier ont pris l’habitude de venir faire leurs devoirs chez moi. » De nombreux voisins lui rendent encore visite, et ce n’est pas Léandre qui dira le contraire !
Le jeune homme originaire de Haute-Bretagne est quant à lui arrivé relativement récemment en région parisienne pour suivre des études à Sciences Po. Il apprécie de passer du temps avec Henriette, notamment pour peaufiner son breton, chanter avec elle ou partager ses souvenirs.
Zulian Dupont : « L’attachement à la Bretagne s’est transmis de génération en génération dans ma famille »
Le parcours de vie de Zulian Dupont est atypique, ainsi que son lien à la langue bretonne. Le jeune homme est né à Paris et n’a jamais vécu en Bretagne en dehors des vacances. Malgré tout, il est devenu un brittophone accompli, passionné par la musique bretonne.
« La famille de ma mère est originaire du Centre-Bretagne. Elle est restée très attachée à la Bretagne. Dans sa jeunesse, elle parlait breton et écoutait beaucoup de musique bretonne. Cela m’a influencé. »
La grand-mère de Zulian est venue travailler à Paris il y a très longtemps, près de cent ans, comme beaucoup d’autres Bretons. Depuis tout ce temps, sa famille a continué à transmettre le breton, que ce soit à Paris ou en Bretagne, où une partie de la famille est restée.
La culture bretonne est très importante pour Zulian qui travaille dans le domaine informatique, pour une « start-up » parisienne. « C’est fondamental car il existe une importante diaspora bretonne ici. C’est évident quand on fréquente la Mission bretonne. La culture régionale est forte. »
Le développeur, qui a aussi appris à chanter, a eu la chance de rencontrer et de passer du temps avec le célèbre chanteur Yann-Fañch Kemener (aujourd’hui décédé), lorsqu’il rendait visite à sa famille qui habitait non loin de l’artiste. « J’ai appris beaucoup de choses avec lui. Il aimait transmettre ses connaissances. »
Si Zulian est resté très proche de la Bretagne, il apprécie la vie parisienne et ne serait pas prêt à déménager pour le moment : « J’ai beaucoup d’amis ici, un travail aussi. Je me plais à Paris ».
À travers ces quelques portraits, on prend la mesure de la diversité des Bretons de Paris. Une chose est sûre, il y aura d’autres parcours de vie étonnants et intéressants à découvrir dans Bali Breizh tout au long de cette série de quatre émissions en région parisienne. Rendez-vous le dimanche, à 10h10 sur France 3 Bretagne et sur notre replay.
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