Après dix mois d'âpres négociations entre Bruxelles et Londres, un accord est signé. La pêche était l'ultime point d'achoppement des discussions. Alors quelle est la nature du compromis négocié, qu'en pensent les intéressés?
Ces derniers jours, les équipes de négociateurs menées par David Frost pour Londres et Michel Barnier pour Bruxelles, ne bataillaient plus que pour la question de l'accès des pêcheurs européens aux eaux britanniques. La pêche ne représente qu'une part infime de l'économie britannique, mais la question a valeur de symbole de souveraineté pour Boris Johnson.
Fortement dépendants des eaux britanniques, les pêcheurs de plusieurs états européens ne pouvaient admettre de perdre les quotas qui leurs étaient alloués historiquement. Ces eaux poissonneuses représentent notamment 30% du chiffre d'affaires des pêcheurs français. Lorient, Boulogne-sur-Mer, et Le Guilvinec sont les plus concernés. Une centaine de bateaux hauturiers bretons ont en effet adapté leurs investissements aux méthodes de pêche pour les espèces de poissons tirées des eaux britanniques.
Qu'y-a-t-il dans l'accord?
Les tractations se concentraient sur le partage des quelque 650 millions d'euros de produits pêchés chaque année par l'UE dans les eaux britanniques et la durée de la période d'adaptation pour les pêcheurs européens.
Selon l'AFP qui cite des sources européennes et britanniques : l’Union Européenne transférera au Royaume-Uni 25% de la valeur des produits pêchés dans les eaux britanniques par les flottes européennes, à l'issue d'une période de transition courant jusqu'en juin 2026, dans le cadre de l'accord post-Brexit.
Cette diminution des captures, estimée en valeur et non en tonnage, serait progressive et représenterait à terme 8 % à 10 % de perte de chiffre d'affaires pour la pêche française.
Par ailleurs, toujours selon l'accord annoncé ce jeudi, les pêcheurs de l'UE conserveront jusqu'en juin 2026 un accès garanti aux zones situées dans les 6 à 12 milles marins au large des côtes britanniques (eaux territoriales) où ils se rendaient traditionnellement.
Pendant la transition, "cet accès restera comme aujourd'hui. Après, il sera soumis à des discussions annuelles", a expliqué une responsable européenne.
Enfin, après cette période de cinq ans et demi, l'accès des pêcheurs européens sera renégocié chaque année, selon un document du gouvernement britannique résumant l'accord. En pratique, l'accord "permet un relèvement considérable de la part des pêcheurs britanniques, équivalent à 25% de la valeur des prises européennes dans les eaux britanniques", affirme le document de Downing Street.
La réaction d'Olivier Le Nezet, président du comité des pêches de Bretagne
"On ne peut qu'être soulagé et je tiens à souligner le travail de l'UE avec Michel Barnier. [...] je confirme que la France a tenu son rang de nation maritime sur les ressources halieutiques. La Ministre de la Mer et le gouvernement ont oeuvré pour que cet accord soit le plus praticable possible. Reste à voir dans le détail [...] quand la ministre ou le Président de la république s'exprimeront sur le sujet"
La réaction de Loïg Chesnais-Girard, président de la Région Bretagne
Le président de la Région Bretagne, se dit rassuré par cet accord qui préserve les intérêts des pêcheurs bretons même si il reste prudent. « Il semble que les intérêts de la pêche soient préservés, il semble que nous ayons été entendus avec une Europe qui nous protège et qui garde en tête cette activité majeure pour la Bretagne qu’est la pêche.»
Pour lui, l’accord permet avant tout aux pêcheurs bretons de continuer à aller pêcher le 2 janvier, avec des quotas de pêche légèrement amoindris par rapport à ceux qui existent aujourd’hui. Mais d’après les premiers retours qu’il a du monde de la pêche bretonne, "il s’agit de niveaux d’exigence complètement compatibles avec notre activité."
Loïg Chesnais-Girard évoque la baisse de moins 25% de pêche dans les eaux britanniques à l’échelle de l’Union européenne de manière progressive jusqu’en 2026: une baisse qui pourrait se traduire par un chiffre de moins 8 % au niveau de la France sur les années à venir. Un impact en conséquence bien plus faible que s'il n'y avait pas eu d'accord (no-deal).
Le président du Conseil régional a ajouté qu’il allait étudier les termes exacts de l’accord conclu.
Ce texte concerne aussi les autres secteurs liés aux importations et exportations britanniques dans la région Bretagne. Il a ajouté qu’il avait également évoqué la situation de la Brittany Ferries avec le Premier Ministre lors d’un entretien téléphonique ce jeudi.
L'Union Européenne sera au côté des pêcheurs européens pour les accompagner
Pour Michel Barnier, l'accord assure "une base d'accès réciproque aux eaux et ressources, avec une nouvelle répartition des quotas et opportunités de pêche (...) Cet accord demandera des efforts, je le sais, mais l'UE sera présente aux côtés des pêcheurs européens pour les accompagner, c'est notre engagement", a promis le négociateur européen lors d'une conférence de presse qui a suivi l'annonce de l'accord commercial post Brexit ce jeudi 24 décembre.
Boris Johnson a de son côté annoncé que la part de la pêche britannique dans ses eaux passera d'environ la moitié à deux tiers. Selon un haut responsable européen (AFP) L'UE va renoncer à 25% de sa valeur de pêche dans les eaux britanniques. La transition durera cinq ans et demi (jusqu'en juin 2026). Le détail des espèces et zones concernées par ce pourcentage n'est pas encore déterminé.