Le Camembert de Normandie peut-il être fabriqué avec du lait breton ? Et pourquoi pas dit-on dans le Pays de Fougères où l’on veut profiter de la révision de l’aire géographique de l’Appellation Origine Protégée pour mettre le pied dans la porte.
Dans le Pays de Fougères, à la frontière de la Manche, des éleveurs, des élus aimeraient voir certaines communes intégrer l’aire géographique de l’AOP Camembert de Normandie. Ils viennent d’en faire la demande à l’INAO, l’institut National des Appellations d’Origine, qui est en train de réviser son AOP.
Camembert et camembert
En fait, l’appellation Camembert de Normandie est en pleine mutation. De l’autre côté du Couesnon, il y avait jusqu’ici camembert et camembert. Le camembert AOP de Normandie, et le camembert « fabriqué en Normandie »
Le premier avait un strict cahier des charges, lait cru, issu essentiellement de vaches de race normande, 6000 tonnes par an. Le second était industriel, fabriqué en Normandie peut-être, mais sans contrainte de production, avec du lait pasteurisé, 60 000 tonnes par an. Au vu des appellations, le consommateur avait du mal à s’y retrouver
En 2021, l’appellation va évoluer, pour une montée en gamme assure l’INAO. Le camembert industriel va intégrer l’AOP, moyennant notamment 30% de vaches normandes ou l'interdiction des OGM. Il sera baptisé cœur de gamme. Le camembert au lait cru, avec désormais 65% de vaches normandes deviendra le haut de gamme, authentique et véritable.
"Vaches, climat et terroir identiques de chaque coté de la frontière... "
Mais l’Inao ne se contente de réviser le cahier des charges, elle va aussi revoir l’aire géographique de l'AOP Camembert de Normandie, qui jusqu'ici comprenait 1181 communes, toutes normandes.
La zone va être étendue, et c’est là que les bretons se sont dit qu’il y avait peut-être moyen de mettre un pied dans la porte. L'INAO a mis en place cet été une consultation publique qui vient de s’achever. Des éleveurs du Pays de Fougères ont postulé, encouragé par le député Thierry Benoit.
"Nous sommes dans une continuité territoriale" souligne le parlementaire breton, "nous avons le même climat, les mêmes bocages, le même terroir, que de l'autre côté, nos vaches de race normande broutent une herbe identique. Et longtemps nous avons eu ici la laiterie Nazart qui fabriquait du camembert au lait cru. Alors si quelques unes de nos communes intégrent l’AOP, des éleveurs pourront vendre leur lait un peu plus cher."
Une OPA sur l’AOP ?
"Et on ne veut la guerre avec personne", ajoute le député de Fougères. "Ce n'est pas OPA des bretons sur une AOP normande. Juste une opportunité à saisir. Pour mémoire, il y a à quelques kilometres d'ici des entreprises normandes qui bénéficient du label Granit de Bretagne. Sur un même terroir, les frontières administratives n'ont pas de sens."