Les filières pêche et aquaculture de Bretagne ne décolèrent pas, face au comportement de "certaines enseignes de la grandes distribution" qui auraient fait appel à des "importations massives" de produits de la mer, avec pour conséquence, une chute des cours.
"Ce sont entre 250 et 400 tonnes qui sont arrivées par camions certains jours la semaine dernière à Boulogne !" fulmine Olivier Le Nezet, le président du Comité régional des pêches de Bretagne. "De la lotte, du merlu, de la julienne, de la raie, du merlan, et j'en passe, qui arrive d'Ecosse, de Norvège, d'Islande, du Danemark ou d'Irlande... Et pour nous, c'est compliqué derrière, alors qu'on est juste en train de faire repartir la machine... C'est vrai que des importations il y en a toujours, poursuit le représentant de la filière, qui ne décolère pas, mais là c'est le prix surtout qui est indécent ! Sans aucun état d'âme, on fait venir du poisson, pour acheter la lotte à 1,40 € le kg, par exemple !" remarque encore le porte-parole des pêcheurs, qui met en cause les GMS, grandes et moyennes surfaces.
Ce serait plutôt le moment de valoriser la production locale
Eric Guygniec, patron de l'armement Apak, à Lorient et dont les sept chalutiers ont tous repris la mer, ne dit pas autre chose. "Depuis 15 jours on voit les camions arriver et ils sont de plus en plus nombreux en provenance de toute l’Europe du nord. Alors, on n’est pas contre les importations, il y en a toujours eu, nuance t-il, mais nous ce qu’on voudrait, c’est que les mareyeurs, la GMS, les poissonniers, mettent un peu de côté les importations actuellement, pour valoriser plutôt la production locale, c'est vraiment le moment et là ce qu’on fait c’est exactement le contraire. C’est ça qui nous met hors de nous ! Alors certains jouent le jeu, mais d’autres profitent du moment. Et ça c’est vraiment du profit à court termes".
Chute du cours du poisson
"Les cours ont tenu bon au début du confinement, sachant qu'une bonne partie de la flotte était à l'arrêt", constate Olivier Le Nezet, qui est également le président de Breizhmer (association des acteurs des produits de la pêche et de l'aquaculture de Bretagne). "Mais depuis quelques jours, ces importations massives ont fait chuter les cours, hypothéquant la reprise des autres navires restés à quai depuis mars", dénonce t-il encore.
Pour autant le consommateur paie toujours le même prix à l'étal
Ces importations "plombent les cours" selon Breizhmer, mais ne se répercute pas pour le consommateur. "Un merlan vendu 40 centimes d'euro le kilo sous la criée de Saint Quay-Portrieux (dans les Côtes-d'Armor) sera payé 13 euros par le client d'une grande enseigne située à quelques kilomètres du port. Inadmissible dans le contexte que vit la France", soulignent les pêcheurs et mareyeurs bretons. Selon Breizhmer, "certaines enseignes de grandes surfaces ont cédé aux vieux démons du profit alors qu'elles continuent d'afficher leur soutien aux producteurs français".
Des produits en provenance d'Irlande alors qu'ils sont disponibles en Bretagne
En conchyliculture, "le constat est le même". "Les producteurs bretons et leurs structures professionnelles regrettent une baisse des prix d'achat par les GMS (grandes et moyennes surfaces) auprès de leurs fournisseurs alors que la baisse des volumes de vente ne le justifie pas", ajoute Breizhmer. "La vente de produits d'autres origines, comme l'Irlande, alors que le produit français et breton est disponible en quantité sur l'ensemble des bassins n'est pas supportable", poursuit Breizhmer. Et "il n'est pas non plus tenable d'assister à des actions de promotion sur les huîtres en cette période de crise", affirme Sylvain Cornée, 1er vice-président du comité régional conchylicole de Bretagne-Nord.
Importations de poisson d'Écosse depuis la semaine dernière
"C'est effectivement un sujet très sensible. Il y a une reprise des importations depuis la semaine dernière, surtout du poisson d'Écosse à des prix défiant toute concurrence", indique encore le Comité national des Pêches. Ce phénomène a affecté "la reprise progressive que nous mettions en place", a ajouté le CNPMEM.
Le ministre de l'Agriculture sera saisi sur ces questions
Les filières de la pêche et de l’aquaculture de Bretagne, demandent aux différentes enseignes de distribution "d’avoir un comportement responsable, notamment en termes de prix d’achat aux producteurs et de traçabilité car les consommateurs ont le droit de savoir l’origine de leurs achats". Elles comptent prochainement faire appel au ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation "pour qu’il soit mis fin à ces pratiques".