A la suite d'un référé adressé par l'association Respire, le Conseil d'Etat reconnaît l'impact potentiellement négatif des épandages agricoles, sans toutefois les interdire. Les particules émises lors des épandages favoriseraient la mortalité dûe au coronavirus.
Epandages agricoles et mortalité dûe au coronavirus seraient-ils liés ? C'est ce que plusieurs études scientifiques tendent à prouver, une sur le SRAS en Chine en 2003, puis une plus récente, en Lombardie menée par des scientifiques italiens. La pulvérisation des produits phytosanitaires participe à la pollution de l'air aux particule fines, et cette pollution serait responsable d'une aggravation de la létalité du coronavirus.
Depuis de nombreuses années déjà, des associations de défense de l'environnement dénoncent les méfaits de ces pratiques agricoles. A la suite de ces études, l'association Respire, par la voix de son avocate Corinne Lepage, a demandé en référé au Conseil d'Etat qu'il impose à l'Etat de prendre des mesures pour limiter les sources de pollution, dont les épandages agricoles.
"Une vigilance particulière"
La Haute Juridiction a toutefois rejeté la requête de l'association, déclarant que les études étayant la demande de Respire ne sont pas entièrement liées aux épandages, ou manquent de reconnaissance scientifique.
Cependant, dans son ordonnance, le Conseil d'Etat reconnaît que les autorités doivent "faire preuve d’une vigilance particulière dans le contexte actuel d’état d’urgence sanitaire" dû à l'épidémie.
Il est donc demandé aux autorités d' "éviter la survenue ou au moins à réduire la durée des épisodes de franchissement des seuils, notamment en limitant les pratiques agricoles polluantes, l’activité agricole demeurant, en raison de la très forte diminution des pollutions liées à l’industrie et aux transports, la principale source d’origine humaine d’émission de particules."
Selon le Conseil d'Etat, la loi permet déjà, depuis 2016, aux préfets de prendre des arrêtés limitant la pratique des épandages en cas de dépassement des seuils. "Ainsi, du 25 septembre 2017 au 15 avril 2020, 237 arrêtés préfectoraux mettant en place des mesures prévues dans le cadre d’un dépassement des seuils de pollution ont été pris, dont 227 comportaient des mesures relatives aux pratiques agricoles," souligne la Haute Juridiction.
Lettres ouvertes aux élus
Pour les membres de l'association Respire, ce rejet de leur requête est incompréhensible . Dans les colonnes du Monde, Corinne Lepage se dit à la fois "déçue" par cette décision et "pas surprise" . "On sent bien l’embarras du Conseil d’Etat, qui demande au gouvernement d’appliquer des mesures contre la pollution de manière rigoureuse et préventive, car, aujourd’hui, ce n’est absolument pas le cas."
Quelques jours auparavant, deux associations de Betton (près de Rennes) ont adressé des lettres ouvertes à leurs élus : Michel Gautier le maire et Laurence Maillard-Méhaignerie, députée de la deuxième circonscription d'Ille-et-Vilaine. Ces associations leur demandent d'intervenir pour limiter ou stopper les épandages de pesticides, faisant également le relais d'une corrélation entre pollution aux particules fines et aggravation de la mortalité dûe au Covid-19.
Dans celles-ci, les membres des deux associations s'insurgeaient "d'apprendre qu'en pleine crise sanitaire, sans aucune concertation, les préfets de tous les départements bretons viennent de valider une charte FNSEA qui divise par deux les distances de protection pour pulvériser les pesticides." Une décision "scandaleuse" selon eux, "un déni de démocratie".
Corinne Lepage, l'avocate de l'association Respire, a indiqué vouloir lancer une nouvelle action auprès du Conseil d'Etat, cette fois pour s'opposer aux épandages près des maisons, comme le dénoncent les associations bretonnes, dans leurs lettres ouvertes.