Alors que beaucoup de bateaux de pêche sont contraints de rester à quai, les navires hauturiers congélateurs poursuivent ces jours-ci leur marée notamment dans le Golfe de Gascogne. Une situation dénoncée par l'association « Pleine Mer » qui y voit une injustice.
Ils ont pour nom « Sandettie », « Frank Bonefaas » ou « Annie Hillina ». Ces chalutiers mesurent plus de 80 mètres de long et se trouvent actuellement en pêche dans le golfe de Gascogne. Leurs cales se remplissent de poissons, maquereaux notamment, qui sont surgelés à bord afin d'être débarqués dans plusieurs jours. La pandémie ne semble pas avoir de prise sur l'activité en mer, en apparence et dans un premier temps.
Tout le contraire des pêcheurs artisans qui subissent la crise de plein fouet, et cela depuis plusieurs jours, avant même les mesures de confinement : effondrement des cours, baisse de la consommation et des débouchés, mise à l'arrêt des criées et au final, retour à quai pour de nombreux navires. L'immobilisation risque de durer.
Une situation vécue comme une injustice
Cette différence de situation scandalise l'association « Pleine Mer » qui milite pour une pêche équitable. Forte d'une cinquantaine de membres répartis sur tout le littoral atlantique, elle fustige ces chalutiers géants "qui peuvent chacun avaler 250 tonnes (de maquereau) toutes les nuits. Les pêcheurs artisans, quand ils ont la chance d'avoir du quota de maquereau, peuvent le pêcher à la ligne, au chalut ou à la bolinche pour des quantités qui varient entre 500Kg et quelques tonnes par jour. L'injustice est donc flagrante".
Dans un communiqué, elle relaie l'agacement d'un pêcheur de Saint-Jean-de-Luz : "alors qu'on nous empêche d'aller en mer, de pratiquer notre métier qui nourrit les gens, on laisse des chalutiers géants détruire la ressource pour faire du profit".On laisse des chalutiers géants détruire la ressource.
Grands bateaux : difficultés à l'horizon
Le déséquilibre risque cependant de ne pas durer longtemps. "Il y a de l'inertie sur cette flottille de grands bateaux, explique Marc Ghiglia de l'Union des Armateurs à la Pêche de France. Ils étaient en mer et ne sont pas rentrés, mais ils vont avoir de plus en plus de difficultés, d'abord pour débarquer leur production, et pour organiser les relèves d'équipages".
Loin de nos côtes, sur les thoniers qui fréquentent l'océan Indien, les relèves s'avèrent quasiment impossibles : aux difficultés de transport s'ajoute la fermeture des frontières. Aujourd'hui, la question semble porter davantage sur le rapatriement des marins que sur le renouvellement des équipages.
Quant au produit de la pêche, il ne connaît pas de problèmes de marché dans l'immédiat car il peut être stocké. Mais encore faut-il pouvoir le débarquer alors que la continuité des services portuaires n'est pas garantie partout, et bénéficier de lieux de stockage autres que les cales des navires. Sous peine de rester à quai, eux aussi.La rivalité entre pêche artisanale et industrielle est exacerbée en cette période troublée, et tous les armateurs ne sont pas égaux pour la traverser. Mais l'ensemble du secteur risque de souffrir.