Il a bien failli quitter la profession. Entre des conditions de travail dégradées et une considération inexistante, David Boussion a choisi de poursuivre sa carrière d'aide-soignant en intérim. Un bol d'air en ces temps de Covid-19.
C’est un choix personnel. Après 21 ans dans la fonction publique en région parisienne et huit ans dans un Ehpad du côté du Trégor, David Boussion préfère désormais les missions d'interim dans des établissements des Côtes d’Armor.
Pour un jour, une semaine, un mois, David Boussion apporte des soins quotidiens à ses patient(e)s souvent âgé(e)s. Il les aide à manger, se laver, marcher... Des gestes essentiels. Aller d’une maison de retraite à une clinique privée selon les jours lui permet de partager ses expériences. De souffler.
« Quand on est attaché à une structure, il faut suivre la fiche de poste. On nous demande de remplir tout notre temps. Compter les stocks, établir des rapports… Tout ce qui n’est pas quantifiable, visible, n’a aucune valeur. On est tout le temps dans la technique, l’humain n’est rien ».
L’aide-soignant de 49 ans se souvient qu’à ses débuts, de « vieilles aides-soignantes » l’accompagnaient. Aujourd’hui, de nouveaux visages. En permanence.Etre intérimaire donne une certaine liberté. On prend davantage le temps de discuter, soigner, écouter
« Je regrette que les conditions de travail se soient autant dégradées. Il y a eu tant de dépressions, de démissions. Au bout d’un an, deux ans, la plupart des collègues jettent l’éponge. Essorés ».
Depuis la crise du covid-19, le regard des directions comme celui des familles a changé. « Avant, on acceptait de revenir sur nos congés, on se pliait aux changements d’emplois du temps… Jamais un merci. Rien. Les directions critiquaient, les familles nous reprochaient une "maltraitance institutionnelle". Aujourd’hui, tous prennent conscience que l’on joue un rôle essentiel ».
« Les directions remercient le personnel. C’est nouveau. Les familles nous encouragent, ça nous gratifie, ça nous stimule ».
Pour l'instant, David n'a pas été confronté à des patients contaminés. Pour traverser cette épidémie, les résidents sont confinés individuellement. Seuls. Dans leur chambre. Interdiction de sortir ou de recevoir des visites.
« Ceux qui sont habitués à avoir une vie sociale dépriment. Ils ne marchent plus, mangent moins. On sait qu’une personne âgée se laisse glisser très rapidement. La grande peur, c’est l’après… Comment va-t-on les retrouver dans plusieurs semaines ? Plusieurs mois ? » « Dans les unités Alzheimer, les personnes ne se rendent pas compte. Pour elles, ça se passe bien ».
David Boussion s’est beaucoup posé la question. Comme nombre de ses collègues. Ce n’est pas le métier qui est en cause selon lui mais les conditions d’exercice. Aujourd’hui les instituts de formation peinent à recruter.Est-ce que j’aime toujours mon métier ?
« Cette crise sanitaire révèle la casse du système de santé en France depuis des années. J’espère que cela contribuera à changer l’Après. Je veux rester optimiste ».