La méthode immersive de Diwan, où la langue bretonne est utilisée dans chaque enseignement, pourrait être fragilisée depuis qu'une loi en sa faveur a été retoquée par le Conseil constitutionnel. A Dinan, l'école Diwan attend avec fébrilité d'en savoir plus sur son avenir.
"Demat"! Pas question de dire "Bonjour" en français pour les 80 élèves de l'école Diwan de Dinan, dans les Côtes-d'Armor. Ici, l'immersion est totale: la date est écrite au tableau en breton, le drapeau Gwen-ha-Du est accroché au mur et le lapin s'appelle "Moutig" (mignon).
Assis en tailleur, onze élèves de CP énumèrent les chiffres: unan, daou, tri... "Toutes les matières se font en breton à l'exception du français", explique le directeur et enseignant Kévin Lepetit qui aime comparer son école à "un sous-marin" dans lequel les élèves sont en complète immersion de 8h45 à 16h35.
La pédagogie immersive sur la sellette
Mais cette méthode "immersive" pourrait être menacée, pour le breton comme pour le basque, l'alsacien ou le corse, depuis la censure par le Conseil constitutionnel de plusieurs dispositions de la loi Molac adoptée en avril 2021. Votée à la majorité du Parlement, la Loi Molac sur la promotion des langues régionales a été partiellement censurée un mois plus tard par le Conseil constitutionnel, saisi par une partie des députés. Le Conseil a donné son feu vert aux nouvelles dispositions permettant la prise en charge financière par les communes, de la scolarisation des enfants qui suivent un enseignement de langue régionale. Mais il a censuré "l'enseignement immersif" de ces langues: le fait qu'une grande partie du temps scolaire soit effectué dans une langue autre que le français.
Des écoles sous contrat
La majorité des écoles Diwan, qui sont associatives et privées, pourraient perdre leur contrat avec l'Éducation nationale et donc "la possibilité d'avoir les enseignants payés par l'État", explique le député du Morbihan Paul Molac.
"Financièrement, ce serait intenable et donc les écoles Diwan fermeraient"
"Un retour en arrière"
A la rentrée 2020, 4 063 élèves étaient scolarisés dans une école Diwan, dont environ deux tiers en primaire. Sur le parvis de l'école de Dinan, Cécile, une maman d'élève qui a participé avec plus de 6 000 personnes à la manifestation pour les langues régionales à Guingamp en mai 2021, déplore la décision du Conseil constitutionnel, "un retour en arrière", selon elle.
"Et le français dans tout ça ?"
"Et le français alors dans tout ça?" La question récurrente des détracteurs contrarie M. Lepetit. Selon lui, si les enfants commencent l'apprentissage du français plus tard, "au terme du CM2, ils ont le même niveau". Dans la cour de récréation, les CP et CE1 jouent à 1, 2, 3 soleil... en breton. Pourtant, dès qu'il faut se disputer, leur langue maternelle reprend le dessus.
"Nous on est bilingues justement parce que le français c'est la langue que tout le monde parle en dehors de l'école", explique Kévin Lepetit qui souhaite "transmettre l'héritage breton". L'immersion rétablit "une parité" entre les deux langues "puisqu'on a une vingtaine d'heures en breton à l'école et tout le reste de la vie en français", ajoute-t-il, défendant son modèle éducatif.
Des précisions attendues pour mi-juillet
Mi-juillet, les conclusions d'une mission confiée par le Premier ministre Jean Castex aux députés Yannick Kerlogot (LREM) et Christophe Euzet (Agir) devraient "tirer toutes les conséquences" de la décision du Conseil constitutionnel et proposer des solutions. Début juin, les présidents des 13 régions métropolitaines ont demandé à Emmanuel Macron de "sécuriser définitivement l'enseignement immersif des langues régionales, que cela soit au sein d'écoles publiques ou associatives".
De son côté, M. Molac se veut rassurant : "Cette situation est assez ubuesque et problématique sur le plan juridique, mais le problème sera réglé."