"Il ne dispose plus de la légitimité nécessaire" "le statu quo est impossible", ce sont les mots de la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, concernant Noël Le Graët, président de la Fédération française de football, accablé par les conclusions de la mission d'audit. Un audit qui pointe ses "dérives de comportement" et ses "prises de position publiques déplacées".
La mission d'inspection diligentée par le ministère des Sports a livré son verdict après d'ultimes auditions et deux semaines accordées à Le Graët ainsi qu'à la directrice générale Florence Hardouin (mise à pied) et au comité exécutif de la FFF pour répondre aux accusations.
Compte tenu des manquements en matière de gouvernance, de son comportement gravement inapproprié envers les femmes, je ne peux que faire mienne la conclusion du rapport : il ne dispose plus de la légitimité nécessaire pour administrer et représenter le football français
Amélie Oudéa-Castéra, ministre des Sport
Noël Le Graët poussé à la démission
Au nom de "l'autonomie des fédérations", la ministre des Sports n'a pas explicitement appelé à la démission du dirigeant de 81 ans, en poste depuis 2011 à la tête de la plus puissante fédération sportive de France. Mais ses propos ont laissé transpirer sa pensée : "le constat est clair et chacun sait ce que j'en pense".
La balle est dans le camp du président, mis en retrait depuis le 11 janvier et poussé à la démission par certains de ses proches. Un départ ou un retour aux affaires ? "NLG" devrait faire connaître sa position lors d'un Comex extraordinaire, qui devrait être convoqué demain.
"La situation est intenable, la solution la plus honorable serait qu'il démissionne", expliquait un élu, sous couvert d'anonymat, avant la remise définitive du rapport.
À la FFF, d'autres voix décrivent un "Prez" (son surnom au siège boulevard de Grenelle) sonné par les événements, s'estimant innocent et peu enclin à lâcher la barre.
Des dérives de comportements incompatibles avec ses fonctions
Le patron du football français se trouve pourtant dans la tempête depuis plusieurs semaines, fragilisé par ses déclarations maladroites sur l'icône Zinédine Zidane et par des témoignages de femmes lui imputant un comportement inapproprié. Ses "dérives de comportement sont incompatibles avec l'exercice des fonctions et l'exigence d'exemplarité qui lui est attachée", écrivent les inspecteurs dans la synthèse de leur rapport, rendue publique par l'exécutif.
Le document de l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR), daté de mercredi, pointe des "prises de position publiques déplacées", "le comportement inapproprié (...) vis-à-vis des femmes" notamment à travers des "SMS ambigus pour certains et à caractère clairement sexuel pour d'autres".
"Les auditions conduites par la mission ont mis en évidence que le caractère déplacé et injurieux des propos de M. Le Graët peut être accentué par la consommation excessive d'alcool", écrivent-ils encore, après plus de quatre mois d'enquête et plus de cent témoignages recueillis.
Enquête pour harcèlement moral et sexuel
Depuis mi-janvier, le Breton est visé par une enquête pour harcèlement moral et sexuel, ouverte à la suite d'un signalement fait par les inspecteurs. Ces derniers ont indiqué qu'ils transmettraient des éléments d'information supplémentaires à la justice.
"Une parodie procédurale", pour les avocats de Noël Le Graët
Les avocats de Le Graët, Mes Florence Bourg et Thierry Marembert, ont demandé à repousser la conclusion de la mission afin de consolider leur argumentaire, en vain. Dans leurs observations, consultées par l'AFP, ils pilonnent un texte "émaillé de subjectivité, de jugements de valeur et d'interprétations à charge" et l'impossibilité, pour eux, "d'apporter une contradiction" face à des "extraits de témoignages anonymes, parcellaires, tronqués, imprécis".
"Les méthodes utilisées par les inspecteurs, les manipulations médiatiques, les ingérences politiques confèrent à cette procédure les aspects d'une parodie procédurale", dénoncent-ils encore, en pointant des "pressions ministérielles à charge et sans réserve".
Amélie Oudéa-Castéra a répondu à ces piques, mercredi. Cet audit, "ce n'est pas quelque chose que la ministre des Sports a choisi de faire. Nous avons réagi dans l'urgence à des révélations médiatiques choquantes. (...) L'Etat a joué tout son rôle, rien que son rôle".
Rendre son tablier ou s'accrocher à son poste
Le prochain Comex de la Fédération s'annonce dans tous les cas animé, avec le retour de Le Graët lui-même, une première depuis un mois. Sa mise en retrait était prévue pour durer jusqu'au Comex suivant la remise du rapport.
Le dirigeant peut décider de rendre son tablier, sous la pression de ses anciens colistiers, ou de s'accrocher à son poste. Pour le faire partir, les membres du Comex n'auraient pas d'autre choix que de démissionner eux-mêmes pour provoquer des élections, une hypothèse radicale que certains n'excluent plus.
(avec l'AFP)