Un cadre de santé de l'hopital de Guingamp s'est donné la mort fin février. C'est le troisième suicide en moins d'un an dans cet établissement hospitalier. Une marche blanche devait être organisée ce samedi 14 mars, elle a été annulée pour cause d'épidémie.
Xavier avait 54 ans, il travaillait comme cadre de santé dans la résidence Ty Nevez, l'établissement pour personnes âgées dépendante du centre hospitalier de Guingamp. Il s'est suicidé le 25 février dernier. En juillet et en octobre dernier, deux infirmiers se sont également donné la mort. Trois suicides en moins d'un an, les personnels de l'hôpital veulent rendre hommage à leurs collègues, et alerter l'opinion sur leurs conditions de travail de plus en plus difficiles.
Cadres sous pression
Sabrina est infirmière, elle était la collègue de Xavier, elle a depuis quitté l'hôpital à la suite d'un épuisement professionnel.Elle témoigne de la détresse de Xavier : "Il disait qu'il était maltraité, que c'était inhumain la manière dont on lui parlait, qu'il ne comprenait pas cet acharnement contre lui, alors qu'il n'avait jamais manqué de respect à personne".
Les objectifs, c'est difficile pour les cadres. Il y a des taux d'occupation des lits à respecter, des taux de remplacement à ne pas dépasser . Il faut rappeler les personnels en repos, ils sont épuisés, mais c'est ça où alors les équipes doivent travailler en sous-effectif. On leur demande de faire plus avec moins. (Sabrina)
La pression des objectifs, l'organisation d'un service sous tension, tout cela s'accumule. "le cadre c'est l'intermédiaire avec les résidents, les familles, les soignants, la hiérarchie... les directives managériales sont difficiles, ça manque d'humanité, clairement", conclue Sabrina.
En juillet et en octobre 2019, deux infirmiers de l'hôpital se sont donné la mort à leur domicile. Pour les personnels, on est déjà bien au-delà de l'alarme. Un infirmier de l'hôpital témoigne anonymement. "On est fatigués de travailler dans des conditions qui se dégradent, de lancer des S.O.S., et que nos demandes ne soient jamais entendues... On est en sous-effectifs, notre matériel est défectueux ou tout simplement manquant, la charge de travail augmente semaine après semaine... On prend beaucoup sur nous, mais à un moment donné on craque,... on accumule quand même 70 000 heures suplémentaires sur l'ensemble de l'hôpital cette année !"
On n'y arrive plus... On est tout simplement à bout. Si rien ne change, il y aura d'autres drames, c'est une certitude.
Nouvelle direction
Samuel Froger est le nouveau directeur du centre hospitalier de Guingamp, il est arrivé fin janvier dernier. Il table sur l'écoute et le dialogue, ainsi que la mise en place de projets collectifs pour améliorer les conditions de travail. "Des enquêtes vont être menées, elles vont permettre de nous éclairer sur l'origine de ces drames, et des liens qu'il peut y avoir avec l'environnement professionnel."Avant de mettre fin à ses jours, le cadre de santé a laissé une lettre explicite sur la dégradation de ses conditions de travail. Sa famille a porté plainte pour harcèlement, et une enquête judiciaire a été ouverte, menée par la gendarmerie de Guingamp.
Une marche blanche devait avoir lieu ce samedi 14 mars, mais pour cause de coronavirus l'événement a été ajourné. Si la situation le permet, cette marche pourrait avoir lieu en mai.