L'élevage porcin de Minihy-Tréguier dans les Côtes-d'Armor va-t-il pouvoir doubler sa capacité pour compter 7.170 animaux ? 7 ans après l'autorisation préfectorale pour la réalisation du projet, le Conseil d'État vient rebattre à nouveau les cartes. Il censure l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes qui avait annulé l'arrêté du préfet. Quesaco ? On vous explique.
Il censure l'arrêt qui avait annulé l'arrêté autorisant le projet... Il n'est pas toujours évident de suivre les méandres de la justice administrative française. Dans notre cas, le Conseil d'Etat vient rebattre les cartes autour d'un projet d'extension d'un élevage porcin dans les Côtes d'Armor. En faveur de l'éleveur qui souhaite doubler le nombre d'animaux pour atteindre 7 170 animaux.
La cour administrative d'appel de Nantes avait décidé dans un arrêt d'octobre 2022 de stopper le projet en annulant l'arrêté préfectoral ayant autorisé l'élevage porcin de Minihy-Tréguier à doubler ses capacités.
"Endiguer le tristement célèbre phénomène des algues vertes"
La cour avait suivi à l'époque les conclusions de son rapporteur public, qui avait donné raison à l'association de défense de l'environnement Eau & Rivières de Bretagne (ERB) à l'origine de la procédure.
À l'audience, le magistrat avait commencé par dire aux juges nantais que cette affaire allait leur donner "l'occasion de préciser la portée" des dispositions adoptées par l'Etat "pour endiguer le tristement célèbre phénomène des algues vertes" : "à [sa] grande surprise", il n'avait "trouvé aucune jurisprudence" applicable à ce cas précis.
Eau & Rivières de Bretagne estimait en effet que l'autorisation donnée par le préfet des Côtes-d'Armor était en "contrariété" avec le "programme national d'action" contre la prolifération des nitrates : l'élevage porcin se trouve en "zone vulnérable".
Sanction du préfet des Côtes d'Armor
"Ce projet (...) se situait à proximité de l'usine de production d'eau potable du Guindy", avait réagi l'association après l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes dans un communiqué. "Le plan d'épandage concernait de centaines d'hectares et impactait l'estuaire du Jaudy, siège d'une importante activité ostréicole."
Elle s'était aussi réjoui que l'arrêté n'ait pas été annulé "pour de simples raisons de forme" mais que la cour administrative d'appel de Nantes ait bien "sanctionné" le préfet des Côtes-d'Armor. "Les magistrats ont, de plus, manifesté une volonté nette de refuser toute possibilité de régularisation de l'arrêté illégal", s'était enthousiasmée Eau & Rivières de Bretagne.
"Connivence entre les pouvoirs publics et le lobby de l'élevage industriel"
L'association "se pose inévitablement la question de la connivence entre les pouvoirs publics et le lobby de l'élevage industriel" dans la mesure où "ni le commissaire-enquêteur, ni la direction des services vétérinaires, ni le préfet n'avaient réagi aux alertes" qu'elle avait pourtant formulées "dès l'enquête publique" sur les "insuffisances" de ce projet.
Mais les services de l'Etat avaient introduit un pourvoi devant le Conseil d'Etat, et la plus haute juridiction administrative française leur a donné raison dans un arrêt en date du 30 mai 2024 qui vient d'être rendu public.
Le dossier sera réexaminé
"Les effluents qui peuvent être épandus (...) incluent l'ensemble des composantes de ces effluents et ne sont pas limités à l'azote", expliquent les juges à la lecture des "dispositions" d'un arrêté ministériel de décembre 2013. "Ces dispositions doivent être combinées, dans les zones vulnérables aux nitrates, avec celles (...) du code de l'environnement (...) qui imposent que le solde de la balance globale azotée - qui ne prend en compte que les apports et les exportations d'azote - soit inférieur à 50 kg d'azote par hectare."
Or, la cour administrative d'appel de Nantes a "censuré l'arrêté" du préfet des Côtes-d'Armor "alors que le principe d'équilibre de fertilisation [mentionné à l'arrêté de décembre 2013] n'a ni pour objet ni pour effet d'imposer un solde maximal nul". Elle devra donc corriger cette "erreur de droit" en réexaminant le dossier, conclut le Conseil d'Etat.