La cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce mardi 18 octobre 2022 l'arrêté préfectoral qui avait autorisé en novembre 2017 l'extension d'une porcherie de Minihy-Tréguier, dans les Côtes-d'Armor. Le projet prévoyait de doubler la capacité de l'élevage.
En novembre 2017 un élevage porcin de Minihy-Tréguier, dans les Côtes-d'Armor, obtient l'autorisation préfectorale d'accroître son cheptel de 3.701 à 7.170 animaux. Mais la cour administrative d'appel de Nantes vient d'en décider autrement, ce 18 octobre 2022, en annulant l'arrêté de la préfecture.
La décision des juges nantais est conforme aux conclusions du rapporteur public, qui avait donné raison à l'association de défense de l'environnement Eau et Rivières de Bretagne lors de l'audience du 30 septembre 2022. Celle-ci avait pourtant été désavouée en juillet 2020 par le tribunal administratif de Rennes.
En préambule de ses conclusions, le magistrat a commencé par dire aux juges que cette affaire allait leur donner "l'occasion de préciser la portée" des dispositions adoptées par l'État "pour endiguer le tristement célèbre phénomène des algues vertes".
Eau et Rivières de Bretagne estimait en effet que l'autorisation donnée par le préfet était en "contrariété" avec le "programme national d'action" contre la prolifération des nitrates, l'élevage porcin se trouvant en "zone vulnérable, à proximité de l'usine de production d'eau potable du Guindy".
Une "augmentation significative" de l'azote produit
Les exploitants de cet élevage ont indiqué pour leur part avoir "tout mis en œuvre pour limiter toute fuite de lixiviats dans le milieu. Une vanne est prévue pour la fermeture en cas d'accident, avec une alarme visuelle". "Diverses mesures ont été imposées pour l'étanchéité de la lagune" avait déjà relevé à ce sujet le rapporteur public dans ses conclusions lors de l'audience publique.
Toutefois, "l'accroissement de 3.701 à 7.170 animaux du cheptel entraînera une augmentation significative de l'azote produit" souligne la cour administrative d'appel de Nantes dans son arrêt. L'exploitant a prévu en conséquence un enlèvement par une coopérative, un épandage chez quatre exploitants tiers des lisiers correspondants et une gestion directe d'une partie de ces effluents, sous forme notamment d'épandage."
"Indépendamment de la réglementation applicable en zone vulnérable aux pollutions par les nitrates, lorsqu'une demande d'autorisation relative à un élevage de porcs comporte un plan d'épandage, les quantités épandues ne peuvent excéder les besoins et les capacités exportatrices des sols et des plantes les recevant" relève la cour. Or, dans le plan d'épandage de l'exploitation, le bilan de fertilisation "présente un solde excédentaire variant de 8 à 37 kg d'azote par hectare".
Pas de "régularisation" possible
Pour sa défense, la porcherie costarmoricaine a fait valoir qu'elle avait entre temps modifié son plan d'épandage par des avenants en date du 2 et du 18 août 2017. Les services de l'État en ont alors déduit que la gestion proposée était "conforme aux consignes et exigences réglementaires".
"Toutefois, ces avenants ne sont pas mentionnés par l'arrêté contesté, note la cour administrative d'appel de Nantes dans son arrêt. Ces avenants - dont il n'est au demeurant pas même soutenu qu'ils répondraient à l'objectif d'équilibre entre les apports et les besoins des soins et des plantes - sont sans incidence sur l'autorisation en litige."
Les magistrats ont écarté toute possibilité de "régularisation a posteriori" de l'arrêté préfectoral contesté : l'irrégularité du plan d'épandage de la porcherie "implique que le projet soit revu dans des conditions à définir par l'exploitant avant de faire l'objet d'une nouvelle instruction".
"Connivence entre les pouvoirs publics et le lobby de l'élevage industriel"
L'agrandissement de la porcherie a déjà été réalisé, bien que le projet ait été "bloqué un temps suite à un contentieux avec la commune". Les exploitants ont jusqu'au 18 décembre 2022 pour introduire un pourvoi devant le Conseil d'Etat afin de casser cet arrêt qui interdit dorénavant de mettre des animaux à l'intérieur.
"Ce projet se situait à proximité de l'usine de production d'eau potable du Guindy, a réagi pour sa part Eau et Rivières de Bretagne dans un communiqué. Le plan d'épandage concernait des centaines d'hectares et impactait l'estuaire du Jaudy, siège d'une importante activité ostréicole."
L'association constate également que l'arrêté n'a pas été annulé "pour de simples raisons de forme" et que la cour administrative d'appel de Nantes a "bien sanctionné le préfet des Côtes-d'Armor, responsable d'avoir autorisé des épandages de lisier excédentaires au regard des capacités d'élimination des cultures."
Par ailleurs, l'association s'interroge sur "la connivence entre les pouvoirs publics et le lobby de l'élevage industriel dans la mesure où ni le commissaire-enquêteur ni la direction des services vétérinaires ni le préfet n'ont réagi" aux alertes qu'elle avait pourtant formulées dès l'enquête publique.