Une enquête de Médiapart révèle l'étendue des agressions sexuelles signalées par 90 femmes et adolescentes travaillant ou accueillies dans le foyer de Tressaint, à Lanvallay (Côtes d'Armor. Après la mort du prêtre accusé de ces agissements, les victimes ont informé son successeur à la tête de la communauté, Hervé Gosselin, des agressions passées. Mais pendant les douze années sous son magistère, le nouveau responsable se serait efforcé de faire taire les témoignages, avant de devenir l'Evêque d'Angoulême. Ce dernier dément, dans un communiqué.
Des dizaines de femmes venues faire une retraite spirituelle, ou pour certaines, des adolescentes venues se réfugier à la suite de conflits familiaux, ont signalé avoir subi des agressions sexuelles au Foyer de Charité de Tressaint, selon nos confrères de Médiapart.
Fondé en 1966 par le père Van der Borght, et appartenant à l'Église Catholique, ce foyer est installé dans un manoir breton du XIVe siècle au cœur d'un parc de 7 hectares près de Dinan.
À la mort, en 2004, du prêtre qui dirigeait la communauté depuis sa fondation, de jeunes femmes se confient à son successeur, le père Hervé Gosselin.
Des "gestes graves" pendant les entretiens individuels avec le père spirituel
Elles décrivent, notamment par écrit, précise Médiapart, comment le père Van der Borght, que l'on voit dans ce reportage sur la communauté de Tressaint réalisé par la chaîne catholique KTO, imposait des gestes lors des entretiens individuels. D'après les témoignages recueillis par la Communauté elle-même, à partir de 2018, le "père spirituel" et hiérarchique imposait des baisers sur la bouche, mains sur les seins et sur les fesses, et la tête maintenue sur son entrejambe.
Silence de celui à qui les victimes s'étaient confiées
Lorsque les anciennes pensionnaires se plaignent de ce qu'elles ont subi auprès du nouveau chef de la communauté, elles comprennent finalement que l'affaire sera gardée sous silence. Mais en 2018, alors que le père Hervé Gosselin est devenu évêque d'Angoulême depuis deux ans, celui-ci déclare au journal La Croix "ne pas avoir connaissance du dossier" Van der Borght. Selon Médiapart, ce qui est perçu comme un déni mensonger déclenche alors la parole de quatre femmes, qui vont accepter de témoigner dans la presse et saisir les responsables des Foyers de Charité.
Appel à témoignage des Foyers de Charité
En octobre 2018, l'Œuvre des Foyers de Charité décide d'appeler les victimes à se manifester. Deux mois plus tard, la structure nationale annonce qu'à Tressaint, "plus de 20 femmes, adultes aujourd'hui, ont révélé avoir subi des gestes graves et se sont manifestées à nous."
Fin de non-recevoir
Malgré cette démarche, celui à qui des victimes s'étaient confiées au départ n'a d'abord pas varié dans sa position : interrogé par Médiapart, l'ancien chef de la communauté de Tressaint, successeur du père Van der Borght jusqu'en 2015, affirme "travailler à l'apaisement des victimes", sans toutefois avoir fait la lumière sur les agressions alléguées.
Pourtant, tandis que le travail de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Eglise commence à être médiatisé, surtout concernant la pédocriminalité dans l'Église, Hervé Gosselin devenu évêque, affiche sa préoccupation sur les abus commis par des prêtres sur des enfants, comme il le laisse entendre dans une interview accordée à nos confrères de France 3 Poitou-Charentes, en mars 2021.
Ce vendredi 16 juin, Mgr Gosselin a répondu aux sollicitations des journalistes par la voie d'un communiqué de presse, dans lequel il n'explique pas pourquoi il n'a pas fait connaitre la parole des victimes qui s'étaient adressées à lui, même si le prêtre incriminé était décédé.
Je tiens à rappeler ici fermement que je n’ai pas reçu d’alerte, de confidence ou de signalement du vivant de ce prêtre. Ce n’est qu’après sa mort en décembre 2004 que me sont venues les premières informations à propos des actes graves dont le père Van der Borght est accusé.
Mgr Hervé GosselinDiocèse d'Angoulême
À notre connaissance, les femmes qui ont porté des accusations n'ont pas déposé plainte, et certains faits sont prescrits.
De son côté, le réseau de Foyers de Charité et ses 12 établissements accueillant en France des femmes pour une retraite spirituelles, a pris certaines mesures pour prévenir les atteintes à ses pensionnaires : formation du personnel sur la détection d'agression, formation sur la communication entre les membres de la communauté.
Contactée par notre rédaction, Camille A, installée et travaillant dans le foyer de Charité de Tressaint depuis 2005, estime que "ça a été un tsunami quand nous (les membres de la communauté), avons appris cela en 2017- 2018. Ce qui nous a beaucoup aidé, c'est qu'on a travaillé avec un psychologue de groupe, pour un accompagnement communautaire qui a duré deux ans. Ce qui nous a permis de mettre en mots les agissements du père Van der Borght, et les répercussions que cela a pu entrainer sur la communauté. Et d'ajouter qu'un "accompagnement psychologique individuel, auprès de professionnels, a été proposé aux membres qui le souhaitaient".