Manque de professionnels, vieillissement du matériel... Les pompiers des Côtes-d'Armor alertent depuis des années sur la situation du SDIS. Le président du conseil départemental des Côtes-d’Armor, Christian Coail, a commandé un audit qui confirme les problèmes financiers. Un sous-financement que connaît l'ensemble des SDIS en France, dans un contexte d'austérité budgétaire.
Il voulait une "analyse extérieure des problématiques financières" du service départemental d'incendie et de secours des Côtes-d'Armor (SDIS 22). Christian Coail, le président du conseil départemental des Côtes-d'Armor, a maintenant un autre son de cloche que celui des syndicats.
En tant que président du conseil d'administration du SDIS 22, il a commandé un audit dont les résultats confirment ce que la CGT notamment dénonce depuis des années.
Manque de pompiers
D'après l'audit présenté début octobre au comité des financeurs du SDIS, il y a bien un "sous-dimensionnement du SDIS 22". Classé en catégorie B, ce service départemental d'incendie et de secours compte 323 pompiers professionnels et 2.585 volontaires. Un effectif inadapté aux interventions qui, elles, ne cessent d'augmenter.
Leur nombre est, selon l'audit, digne des SDIS de catégorie A (pour une population de plus de 900.000 habitants) alors que le SDIS 22 couvre un bassin de population de 600.000 Costarmoricains.
"Les Côtes-d'Armor sont devenus attractifs depuis l'épisode Covid, la population augmente, notamment l'été, mais elle vieillit aussi. Or, qui dit vieillissement dit : plus de risques et donc plus d'interventions..." analyse le délégué syndical CGT Sébastien Guégan.
Quinze postes de pompiers professionnels ont été créés depuis 2021 et le début du mandat de Christian Coail mais ce nombre est selon la CGT bien en deçà des 80 équivalents temps-plein (ETP) supplémentaires qui permettraient au SDIS 22 de fonctionner normalement.
Cela vaut sur le terrain, mais aussi au centre de traitement de l'alerte, selon la CGT : "Le service est sous-dimensionné ! Nous recevons 700 appels par jour au SDIS 22, c'est le même nombre que le SDIS 35. Sauf qu'ils sont six agents en Ille-et-Vilaine, là où dans les Côtes-d'Armor, il n'y a que quatre agents derrière les téléphones !"
Accès inégal au secours et "zones blanches"
Conséquence directe de ses effectifs insuffisants : les délais d'intervention. "Toutes les interventions sont faites, mais avec des délais plus longs ! Or la rapidité, le cœur de notre métier..." soupire Sébastien Guégan qui dénonce une "rupture d'égalité d'accès au secours."
Toutes les interventions sont faites, mais avec des délais plus longs ! Or la rapidité, c'est le coeur de notre métier !
Sébastien Guégandélégué syndical CGT Pompiers 22
Le syndicaliste rappelle à titre d'exemple qu'en cas d'arrêt cardiaque, une minute pèse lourd : "On perd 10% de chances de survie par minute. Quand en cas d'urgence vitale et qu'on est à 20 minutes de route, on a clairement moins de chances de sauver des vies !"
Selon lui, des centres de secours sont clairement en sous-effectifs par rapport à l'activité, ce qui crée de sérieuses inégalités à l'échelle du territoire : "En temps et en qualité, il y a des zones blanches dans notre département en termes de distribution de secours, on n'est pas sereins..." poursuit-il.
Manque de professionnalisation
Autre constat : le SDIS 22 dispose globalement de moins de pompiers professionnels que les autres SDIS de catégorie B. Cinquante casernes du département fonctionnent ainsi uniquement avec des pompiers volontaires, qui ne sont par définition moins disponibles. C'est un point faible pour l'inspection générale de l'administration (IGA) qui dans un récent rapport qualifiait le SDIS 22 de "vulnérable".
Le SDIS22 est traditionnellement très orienté sur le volontariat, et cette complémentarité entre SPP et SPV est une richesse
Christian Coailprésident du Conseil départemental des Côtes d'Armor
"Le SDIS22 est traditionnellement très orienté sur le volontariat, et cette complémentarité entre professionnels (SPP) et volontaires (SPV) est une richesse" défend le président du Conseil départemental des Côtes-d'Armor. "La structure opérationnelle épouse les caractéristiques de notre département : de petits centres urbains et une ruralité prononcée, d’où un maillage territorial important, avec des CIS mixtes et d’autres reposant sur le volontariat."
La "petite" part des collectivités locales
Les SDIS sont financés par le département (60%) et les communautés d'agglomérations (40%). Or, selon l'audit, la contribution des collectivités locales au SDIS 22 a "moins évolué qu'au niveau national". Sous Alain Cadec, l'ancien président départemental, cette contribution a en effet été gelée entre 2016 et 2020. Ce qui, selon la CGT, a eu d'importantes conséquences : "Pas de recrutement de statutaires, pas de formation... On a été quatre ans sans ressources ! "
En 2024, ces contributions locales ont augmenté par rapport à 2023, mais selon le délégué syndical : "On a pris du retard ! Les coûts de l'énergie, des matériaux... Les pompiers sont concernés comme tout le monde par l'augmentation de la vie, c'est un surcoût que le dégel compense à peine."
"Les discussions sont en cours avec le comité des financeurs pour caler le niveau des contributions sur l’inflation pour le budget 2025" tente de rassurer Christian Coail. "Depuis 4 ans, la gouvernance du SDIS 22 et les financeurs du SDIS 22 ont eu une oreille attentive aux problématiques, car les contributions ont suivi le niveau de l’inflation. Cependant, il faut replacer la situation financière du SDIS dans un contexte global prenant en compte les difficultés de financement des collectivités territoriales, et en particulier des départements."
Quelles conséquences ?
Comment cette situation financière critique peut-elle peser ? Le président du conseil d'administration du SDIS 22 se veut rassurant : "Il n'y aura aucun impact sur les salaires. Pour le reste, le plan pluriannuel d'investissement a été voté" répond Christian Coail. "C’est un acte politique constituant qui détermine notre stratégie d’investissement pour les années à venir." Quid par exemple de la construction d'une nouvelle caserne de pompiers à Saint-Brieuc ? "La caserne de Saint-Brieuc en fait partie. La volonté de construire les centres prévus demeure, il reste à consolider le modèle financier. Cela vaut aussi pour le matériel."
Du matériel, qui demande un soin particulier. Le SDIS 22 compte 600 véhicules. "Des engins spécifiques qui doivent être maintenus opérationnels. Or dans les garages aussi, il manque de techniciens..." déplore Sébastien Guégan qui avec la CGT tire la sonnette d'alarme depuis 2018 sur les choix financiers opérés. Le récent audit donne du poids à leurs arguments. Mais le problème dépasse largement les frontières du département, note Christian Coail : "Au niveau national, le nouveau Premier Ministre Michel Barnier a annoncé la reprise du Beauvau de la Sécurité Civile. Un des sujets traités est celui du financement des SDIS. Les problématiques des financements des SDIS ne se présentent pas qu’au SDIS 22, ils le sont pour tous les SDIS au niveau national."
Le président du conseil départemental se dit conscient de la situation et dit chercher des solutions : "L’Association des Départements de France a fait des propositions afin de dégager de nouvelles recettes pour les SDIS : contribution du secteur assurantiel, au nom des dommages préservés grâce à la sécurité civile ; participation des touristes via la taxe de séjour… Le modèle de financement des SDIS est arrivé à bout de souffle, il nous faut réfléchir à d’autres sources de recette."