"Un agriculteur qui appartient aux actionnaires ?" Le Crédit Agricole veut entrer au capital d'exploitations. Explications et réactions

Le Crédit Agricole de Bretagne a annoncé mardi 17 septembre 2024 dans le cadre du SPACE de Rennes vouloir tester le portage de capital d’exploitations agricoles. Ce qui serait une première en France. Le dispositif est présenté comme une solution pour accompagner les porteurs de projets en manque de financement. Mais de quoi s’agit-il exactement ?

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"Portage de capital". La notion ne coule pas de source pour tout le monde. Surtout, elle est pour l'instant très rarement utilisée dans le milieu de l'agriculture. En bref, cela signifie que la banque pourrait entrer dans le capital d'une exploitation agricole. En prenant ainsi des parts, l'établissement deviendrait ainsi "associé".

La Crédit Agricole a créé la surprise en annonçant au SPACE de Rennes, lors de sa conférence de presse annuelle, vouloir tester ce système de portage de capital au sein d'exploitations agricoles bretonnes. On vous explique de quoi il en retourne.

"Le portage en capital pour maintenir la ferme France"

L'objectif affiché du Crédit Agricole est clair : soutenir la transmission de fermes et/ou de projets d’investissements. "Nous avons, à la fois, la responsabilité et l’envie d’accompagner les futurs cédants sur la transmissibilité de leur outil pour laisser un héritage attractif, abordable et durable à la jeune génération" a déclaré, ce mardi Olivier Auffray, président du Crédit Agricole de Bretagne. Et de poursuivre :

Le portage en capital figure comme une solution innovante et complémentaire, qui participera à maintenir la ferme France compétitive, souveraine et responsable.

Olivier Auffray, président du Crédit Agricole de Bretagne

L’idée du Crédit Agricole de Bretagne serait donc de prendre des parts dans le capital de certaines exploitations. En tant que "porteur", il deviendrait "associé", de façon minoritaire et temporaire.

Les contours de cette prise de participation au capital d’exploitations agricoles sont encore très flous, mais la Banque s’appuie sur deux constats.

Le nombre d’installations, environ un millier par an, ne compense pas le nombre de départs à la retraite qui est évalué à près de 2.000 chaque année. De plus, l'établissement bancaire constate qu'au niveau national, les investissements en agriculture ont reculé au premier semestre 2024 de 14,3 % par rapport à la même période l’an dernier.

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Avec ce "portage de capital" la banque souhaiterait donc accompagner les transmissions et soutenir les projets de développement.

Risque de perte de liberté et financiarisation de l'agriculture

Sauf que la démarche interroge : Est-ce à la banque de s’impliquer dans les finances des fermes ? Ne risque-t-elle pas d’influencer les choix d’investissement ? Dans les couloirs du SPACE, l'idée est très discutée. Les principaux syndicats agricoles se montrent très méfiants :

"On voit bien la dépossession que cela engendre par rapport au monde agricole" explique Stéphane Galais de la Confédération paysanne. Éleveur en Ille-et-Vilaine, le secrétaire national n'hésite pas à se projeter :

Un agriculteur de plus en plus financiarisé, qui appartient au monde de la finance, aux actionnaires... ce n'est certainement pas par cette voie-là qu'on arrivera à être souverain alimentairement en France !

Stéphane Galais, secrétaire national du syndicat Confédération paysanne

"Il faut savoir aussi que pour beaucoup nos fermes, nos exploitations agricoles, c'est du patrimoine d'héritage de trois, quatre générations avant nous, de nos familles qui ont travaillé pour acquérir cette  indépendance, et aujourd'hui on va le donner à la finance ?" développe Sophie Lenaerts, vice-présidente nationale de la Coordination rurale.

Enquête sur les terres agricoles. Empires fonciers, intimidations, contournements : pour quelques hectares de plus (francetvinfo.fr)

Quant à la FNSEA, elle se montre plus mitigée... Le premier syndicat agricole est aussi méfiant, mais sensible à l'argumentation de la banque qui veut ainsi aider les jeunes à entrer dans le métier : "Nous, on préfère que ce soir le Crédit Agricole, un partenaire proche de l'agriculture depuis de nombreuses années, plutôt que des financeurs qui viennent de je ne sais pas où et veulent absolument de la rentabilité" argumente Cédric Henry, président de la FDSEA d'Ille-et-Vilaine. "On pense que le Crédit Agricole jouera le jeu avec les jeunes agriculteurs."

Un soutien financier, mais à quel prix ? Le risque de perte de liberté et de financiarisation de l’agriculture invite néanmoins chacun à la prudence. La banque n’a pour l’instant donné aucune précision si ce n’est que les productions de porcs et volailles seront particulièrement fléchées.

Le dispositif sera lancé en Bretagne d’ici fin 2024.

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