Christian Brice est délégué régional de l'AMUF (Associaiton des médecins Urgentistes de France) et travaille à l'hôpital Yves Le Foll, à Saint-Brieuc. Il regrette l'absence d'un confinement total alors que l'hôpital est affaibli et mal préparé pour affronter cette troisième vague épidémique.
Depuis le début de l'épidémie de Covid-19, le département des Côtes d'Armor était le moins touché en Bretagne. Mais les derniers chiffres de l'ARS (Agence Régionale de Santé) montrent que cette situation est en train de changer.
Le taux d'incidence du département est de 186 contre 164,7 en moyenne, pour la Bretagne. A Saint-Brieuc, il est de 268.
Point de situation avec Christian Brice, médecin urgentiste au centre hospitalier Yves Le Foll, à Saint-Brieuc.
Est-ce la fin de l’exception costarmoricaine ?
Clairement, oui. C’est monté au moment des vacances scolaires de février. Ca coïncide avec l’arrivée des touristes qui venaient de la région parisienne ou du Nord, durement touchés par l’épidémie.
Le chef de l’Etat a choisi de ne pas confiner, de laisser les gens partir en vacances. Et nous, on a vu les taux d’incidence monter…
Quelle est la situation au centre hospitalier Yves Le Foll, à Saint-Brieuc ?
Le taux d’occupation est très élevé en réanimation. C’était déjà le cas avant mais parce qu’on accueillait des patients d’autres régions. Là, ce sont des patients de chez nous.
Actuellement, on en a 14 en réanimation et une vingtaine d’autres répartis dans différentes unités de l’hôpital.
Samedi dernier, on a accueilli trois nouveaux patients en réanimation, en quelques heures. Ca n’arrivait pas avant. Ils sont plus jeunes, aussi. Et plus gravement malades, les durées d’hospitalisation augmentent.
Je travaille à la régulation aussi, pour le SAMU. Quand j'y étais, à la mi-mars, deux appels sur trois concernaient le Covid. On la sent monter cette nouvelle vague.
Cette troisième vague, vous la redoutez ?
Depuis le mois de janvier, le président de la République a repris la main. Il a choisi de ne pas reconfiner malgré les avertissements du conseil scientifique.
Sa décision prend en compte de multiples paramètres dont les dégâts économiques d’un confinement sur l’économie de notre pays.
C’est un choix politique, c’est son rôle. Mais à partir de ce moment-là, on savait qu’on serait en difficulté au mois de mars, qu’une troisième vague était inévitable.
La grosse erreur, de mon point de vue, c’est de ne pas avoir augmenté le nombre de lits en réanimation et de ne pas avoir recruté de personnel médical supplémentaire.
La campagne de vaccination en cours, peut-elle encore changer la donne ?
On en sentira les effets, au mieux, début mai. C’est le chaos, on a raté le coche.
A l’hôpital de Saint-Brieuc, 15% des soignants sont malades. On a commencé à nous vacciner il y a seulement trois semaines.
Je n’ai pas reçu ma seconde dose d’AstraZeneca, comme la plupart de mes collègues. Ce qui veut dire que nous ne sommes pas encore immunisés.
Au rythme où vont les choses, on atteindra les 100 000 morts à la mi-avril. 100 000 ! Ce chiffre est astronomique. Rappelez-vous, il y a un an, on critiquait sévèrement les américains et Donald Trump quand ce chiffre a été atteint outre-atlantique.
On reprochait aux américains d’être trop souples, de laisser les gens aller au travail, dans les commerces…
Et aujourd’hui, on fait pareil en France ! On est dans un confinement très lâche. On est en train d’étaler le pic de l’épidémie sur des semaines… et ça va faire des morts.