Le 28 décembre, la préfecture des Côtes-d’Armor a autorisé l’extension des filières de moules sur cordes dans la baie de Binic. Malgré l’opposition de certains élus qui redoutent des conséquences néfastes pour l'environnement et la biodiversité de la baie de Saint-Brieuc, l'exploitant pourra passer de 10 à 50 filières.
"C’est une avancée, mais ce n’est certainement pas une victoire", annonce d’emblée Adrien Geay, gérant de la Perle de Binic. "Cela fait des années qu’on demande une extension. Au départ, notre souhait c’était 117 cordes. On nous en autorise 50, c’est juste une avancée ! "
La Perle de Binic exploite le parc depuis 1997. Une concession en eau profonde au large de Binic, dans laquelle elle produisait quelque 3 000 tonnes d’huîtres.
Et puis, la société a choisi de changer de production et a opté pour les moules sur cordes. Elle en exploite déjà une dizaine.
110 000 tonnes de moules importées chaque année en France
"C’est une production qui se développe de plus en plus, précise Adrien Geay. Cela permet d’avoir des moules beaucoup plus tôt dans la saison. Les moules sur cordes peuvent être commercialisées de mars à juin, quand celles sur bouchot ne sont suffisamment charnues pour nos assiettes que de juillet à octobre. Pour un producteur, c’est une belle opportunité ! On manque de moules, rappelle Adrien Geay, tous les ans, on en importe des tonnes. Elles viennent d’Irlande ou des Pays-Bas et sont produites sur des cordes, mais nous, on nous freine ", regrette-t-il.
"Oui, assume Gilbert Bertrand, le maire délégué d'Étables-sur-Mer, nous sommes inquiets des impacts de ce projet, que ce soit pour notre environnement, notre économie ou le tourisme."
Des impacts sur l'environnement ?
"Avec seulement 10 filières, on a déjà des quantités incroyables de moules qui viennent sur nos côtes à chaque tempête", indique-t-il. "Et puis, ces moules, Mytilus galloprovincialis ce ne sont pas des espèces endémiques. Elles risquent de dérégler l’ensemble de notre écosystème. Elles risquent d’affamer les autres coquillages, de transmettre des maladies ou des parasites aux populations de moules sauvages ou autres fruits de mer, menaçant ainsi la biodiversité."
"Les élevages de moules peuvent aussi entraîner une accumulation de déchets organiques et de nutriments dans l'eau, écrivait-il dans son argumentaire lors de l’enquête publique sur le projet, ce qui accentuerait la prolifération d'algues et une baisse de l'oxygène dissous, entraînant une eutrophisation de l'environnement marin. "
Le maire délégué d'Étables-sur-Mer s’inquiète aussi de l’impact économique sur les autres acteurs de la filière.
La baie de Saint-Brieuc est le 2ème bassin de production mytilicole breton. 4 000 tonnes de moules sont produites sur les 93,5 km de bouchots exploités. " Les moules de cordes ne risquent-elles pas de les concurrencer ?" interroge l’élu.
"On va produire 400 tonnes de moules là où on produisait 3 000 tonnes d’huîtres, rassure Adrien Geay, et les cordes sont en pleine mer ce qui a forcément moins d’impact que les bouchots qui sont sur l’estran et beaucoup plus près des plages. "
Une autorisation qui interroge
La situation des plages, justement, inquiète aussi l’élu. Pour la commune, le tourisme, c’est capital. "Comment va-t-on faire pour les activités nautiques dans cette baie, si peu profonde s’il y a des filières de moules ? "
"Le projet apparaît en totale contradiction avec l'ensemble des politiques locales mises en œuvre depuis des dizaines d'années visant à une bonne gestion, à la préservation et à la valorisation durable et qualitative de l'ensemble de la baie de Saint-Brieuc et notamment de toute l'économie liée à la mer," résume Gilbert Bertrand.
Mais aujourd’hui, c’est Adrien Geay qui hésite."On a une autorisation pour 50 cordes… Jusqu’en 2028. Quel chef d’entreprise serait prêt à faire des investissements lourds pour 4 ans" questionne-t-il ? On ne sait pas où on va. Et en plus, l’État nous demande d’établir nous-même une procédure de suivi scientifique. Normalement, c’est son rôle de faire des contrôles !"
C’est sans doute, le seul point ou le maire délégué et le mytiliculteur se rejoignent. "On ne peut pas être en auto contrôle sur ce genre de projet, insiste Gilbert Bertrand. On est dans un milieu naturel. Il faut faire attention, ce que l’on fait ne sera peut-être pas réversible."
Adrien Geay réfléchit. Le maire délégué d’Etables sur mer s’interroge. L’État a essayé de couper la poire en deux, et finalement, cette autorisation ne semble faire que des insatisfaits.