Après différentes batailles navales en Baie de Saint-Brieuc, les pêcheurs opposés au projet de parc éolien misent aujourd'hui sur la justice : plainte au pénal, saisine du parquet national financier. Grégory Métayer, du Comité des pêches des Côtes d'Armor, nous explique ce changement de stratégie.
"L'idée, c'est d'attaquer ! Après des mois de manifestations, tantôt en mer, tantôt à terre, Grégory Métayer est toujours vent debout contre l'installation de 62 éoliennes offshore en baie de Saint-Brieuc.
On veut mettre en avant tout ce qui ne va pas depuis le début de ce projet !"
Le 26 août dernier, le Comité des pêches des Côtes-d'Armor a déposé plainte contre l'intégralité de ce projet, notamment pour "rejet de substance polluante" et "atteinte à la conservation des espèces animales non domestiques". Une plainte pénale déposée contre X devant le procureur de la République de Brest.
Le lendemain, le 27 août, leurs deux avocats Maîtres William Bourdon et Vincent Brengarth, saisissent le Parquet National Financier (PNF) pour "recel de favoritisme" dans l'attribution du marché public du parc éolien en baie de Saint-Brieuc à Ailes Marines.
L'enchaînement ressemble à du harcèlement. Complètement assumé :
On attaque de tous les côtés ! Rien ne va dans ce projet, il va peut-être falloir qu'ils arrêtent ! Ils ne vont pas rester dix ans dans la baie non plus..."
Batailles navales "dangereuses"
Les pêcheurs ont manifesté à plusieurs reprises, au printemps dernier notamment, pour empêcher les premiers forages en baie de Saint-Brieuc. Manifestation en mer, mais aussi à terre : parfois sur la plage, parfois dans les rues.
Des batailles navales qu'ils ont perdues, mais les pêcheurs ne sont pas pour autant abattus :
On n'a plus le droit d'aller manifester. Condamnations, menaces... Si on va sur zone avec nos bateaux pour les dégager, c'est 150.000 euros d'amende et suspension de tous nos diplômes ! On a quand même des entreprises à faire tourner donc ça peut nous coûter cher. Comme on est un peu pris à la gorge, on essaie d'attaquer autrement."
Après la mer, le tribunal
Atteinte à la conservation des espèces animales, rejet de substances polluantes, absence de concertation, mais aussi favoritisme... Pour le Comité des pêches costarmoricain, les soucis ne cessent de s'accumuler autour de ce chantier. Depuis 2012 et l'attribution de ce marché public à la société Ailes Marines, rien ne tourne rond. A l'image des résultats des prélèvements effectués mi-juin, suite à une première pollution :
Nous n'avons toujours pas reçu les résultats de ces analyses ! Normalement en trois jours c'est fait, or là, on ne les a toujours pas vues ! s'interoge Grégory Métayer. "C'est comme le Conseil d'Etat dont le juge tape en juin, sur les doigts du ministère parce qu'il ne suit pas le projet d'assez près. Nous on pensait que cela allait bouger, mais depuis rien ne change..."
"Le retard est-il calculé ?"
Résultat, les pêcheurs en arrivent à s'interroger : "Normalement au mois d'octobre, ils auraient dû perforer 90 trous, là ils n'ont mis que deux trous, et encore !... Il y a eu du retard à cause d'une pièce de rechange qu'ils n'avaient pas anticipé. Pour un projet à 2 milliards et demi d'euros, ne pas penser aux pièces de rechange pour pallier d'éventuelles pannes, ça fait un peu bâclé... ?!"
"Déjà pour les études géotechniques, ils ont confondu carottage et forage, ce n'est pas du tout le même diamètre !... poursuit Grégory Métayer. C'est à se demander s'ils ne font pas tout pour que le chantier soit interrompu..."
Qui prendrait la décision d'interrompre ce chantier ? L'Etat ou l'entreprise Ailes Marines ? La question est cruciale. Elle pèse tout simplement très lourd financièrement.