Des débats doivent avoir lieu vendredi 15 mars, dans les lycées, jour de la "grève mondiale" pour le climat, voulus par le ministre de l'Éducation nationale. En Bretagne, cette initiative est loin de faire l'unanimité chez les élèves ainsi que leurs professeurs.
Des débats "dans tous les lycées de France" seront organisés vendredi 15 mars, jour de la grève mondiale des élèves pour le climat. Ils doivent avoir lieu de 16 h à 18 h dans tous les lycées, a annoncé Jean-Michel Blanquer sur LCI. Vu "l'importance de ce sujet", il s'agit de "travailler à des choses concrètes que l'on peut proposer", a-t-il expliqué lundi.
?@jmblanquer de @EducationFrance sur le #Climat :
— La Matinale LCI (@LaMatinaleLCI) March 11, 2019
"Vendredi prochain, dans tous les lycées de France, de 16h à 18h, il y aura des débats sur l'environnement"
? #LaMatinaleLCI @chrisjaku pic.twitter.com/jsDMbTsMog
Organiser ces débats le jour-même, est-ce une façon d'inciter les élèves à ne pas boycotter les cours ? Ces dernières semaines, plusieurs centaines de jeunes Français ont manifesté le vendredi, en réponse à l'appel de l'adolescente suédoise Greta Thunberg.
Concrètement, les thèmes abordés lors de ces débats pourront porter sur les économies d'énergie, les énergies renouvelables, la lutte contre le gaspillage alimentaire ou encore la citoyenneté et la solidarité face au changement climatique, a précisé la rue de Grenelle. Puis, le ministre réunira le 5 avril le conseil national de la vie lycéenne, qui rassemble des délégués représentatifs au niveau local et régional, afin de "relayer l'expression et les attentes des lycéens". "On s'est demandé comment accompagner le cri d'alarme que poussent les jeunes générations" face à l'urgence climatique "de façon constructive", explique-t-on dans l'entourage de M. Blanquer.
"Un peu facile"
À Rennes, les lycéens sont déjà bien mobilisés. Élève de première, Anaïs reste sceptique quand à l'initiative du ministre "C'est un peu facile de proposer ça maintenant, un peu tendancieux alors qu'on prépare cette mobilisation depuis longtemps. On n'a l'impression qu'on ne veut pas nous laisser manifester." Elle ajoute "concernant le climat, rien n'est fait concrètement, par exemple dans les programmes scolaires."
C'est notre avenir et celui des générations futures qui est en jeu
"Il faut absolument se préoccuper de la situation désastreuse du climat, c'est urgent" explique Anaïs qui juge que "c'est un enjeu majeur de ce siècle. Il faut que les gouvernements en fassent une priorité et agissent concrètement sur cette question."
Les élèves de son lycée essaient de convaincre les professeurs, d'organiser des ateliers le vendredi matin, avec des projections de film par exemple. Sur Rennes, deux lieux de rassemblements sont prévus à 14 h 15 : l'un au Thabor, porté par le collectif "Youth for climate" et l'autre à la mairie, avec "Rennes en lutte".
"C'est un café du commerce que le ministre est en train d'organiser"
Du côté des professeurs, on se dit "agacé". Gwenaël Le Paih, secrétaire général du SNES - FSU en Bretagne souligne "Ce genre de débat est difficile à mettre en place en si peu de temps. C'est faire fi des réalités des établissements qui souvent le vendredi ferment bien avant 18 h. Il y a aussi d'autres contraintes comme le transport scolaire, pour les élèves qui viennent en car". Il y voit aussi un mépris de l'acte pédagogique : "un débat comme cela, ça se prépare."
C'est de l'opportunisme du ministre, une volonté que les jeunes restent dans leurs établissements vendredi alors qu'ils ont toute la légitimité de s'exprimer comme ils le veulent
"C'est un café du commerce qu'il en train d'organiser, un débat pour faire parler de lui plus que pour faire parler les élèves". Gwenaël Le Paih conclut : "je sais que dans mon lycée rien de spécial ne sera organisé."
"On ne boycotte pas...mais..."
Les proviseurs sont les premiers visés par cette commande. Pour Pascale Le Flem qui dirige le lycée Beaumont à Redon et aussi représentante du syndicat majoritaire SNPDEN : "même si le choix du sujet, du climat est indiscutable, organiser comme ça un débat, du jour au lendemain et à ces horaires improbables, ce n'est pas possible. Les modalités nous paraissent inadaptées et inadéquates." Son syndicat a donné des consignes aux établissements, "de faire en fonction de leurs possibilités." "On ne boycotte pas" précise t-elle mais il est difficile de répondre à une telle commande, si cadrée."
Dans son lycée, il n'y aura rien de plus. "J'ai déjà un éco-festival, c'est une thématique que je travaille et que j'ai mise dans les programmes. Donc je ne répondrais pas à ce débat."
Un coup de comm ?
"Pour les jeunes qui ne descendront pas dans la rue ce jour-là, l'initiative est plutôt positive", juge de son côté Romaric Thurel, étudiant à Nancy et fondateur du mouvement "Youth for climate France". Mais "on se pose la question d'une récupération politique et on voit bien que le grand débat a été délaissé par une grande partie de la jeunesse, qui a envie de s'exprimer autrement", ajoute-t-il. Quasiment absents du grand débat national, les jeunes sont toutefois intéressés par le thème de la transition écologique lorsqu'ils y participent, selon des premières remontées d'associations de jeunesse la semaine dernière. "On se réjouit que le gouvernement apporte un minimum d'attention à la cause climatique mais sa réponse est un peu légère", relève pour sa part Pimprenelle Pouillot Chevara, étudiante en biologie et géologie à la Sorbonne et membre de "Youth for climate".
Le chef de file d'EELV Yannick Jadot, en déplacement lundi à Bordeaux a aussi jugé l'initiative du ministre "pas à la hauteur".
"Vous avez des jeunes qui sont en train de s'emparer de leur avenir, ils manifestent, ils se mobilisent, ils interpellent les politiques, et qu'apporte le ministre comme
réponse ? Il dit non, non, vous allez rester bien tranquilles dans vos lycées, vous n'allez pas manifester, vous n'allez pas participer à une mobilisation enthousiaste et collective pour votre avenir. On va vous récupérer et on va vous faire la leçon", a-t-il déclaré.