Déconfinement : l’inquiétude des ostéopathes

Les ostéopathes sont pres de 1400 en Bretagne et beaucoup ont dû fermer leur cabinet le 16 mars dernier. Mais à cause de leur statut, différent des professionnels de santé, ils ne savent pas dans quelles conditions ils vont pouvoir reprendre leur activité la semaine prochaine.
 

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Cécile Manach a ouvert son cabinet d’ostéopathie il y'a un peu plus d'un an à Bain-de Bretagne. Une activité à mi-temps qu’elle complète avec une collaboration dans un cabinet de Loire-Atlantique. « Ça commençait à bien tourner, confie la jeune diplômée. J’avais environ 15 patients par semaine à mon cabinet et 15 chez la collègue. C’était correct en terme de revenu et de charge de travail ».

Mais le Covid-19 est venu changer la donne. Du jour au lendemain, la jeune femme a choisi de fermer son cabinet.

 « C’était une situation assez perturbante voire même anxiogène car nous n’étions pas concernés par les mesures de fermeture administrative et j’aurais pu continuer. Certains confrères l’ont fait. Mais je ne voulais prendre aucun risque et surtout mettre mes patients en danger. C’était difficile d’expliquer aux gens que je ne faisais pas cela par plaisir mais que c’était trop dangereux car je n’avais aucun matériel de protection. La plupart l’ont bien compris. J’ai fait le tour des pharmacies et des magasins de matériel médical. J’ai juste pu me faire dépanner en gel hydroalcoolique mais pas davantage. »


Un statut à part


Une situation paradoxale car si les ostéopathes, dont le métier est reconnu depuis 2002 en France, sont bien des professionnels de la santé, ils ne sont pas inscrits au Code de la santé publique (même si l’activité d’ostéopathie est couplée avec celle de kinésithérapeute ou de  médecin.)

Ils ne peuvent donc pas bénéficier des dotations de l’Etat en matériel. Contrairement aux psychologues qui, eux non plus, ne sont pas considérés comme professionnels de la santé mais vont pourtant recevoir quelques masques.

Pourquoi une telle différence de traitement ? « Nous n’avons eu aucune réponse pour l’instant », répond Philippe Le Mentec, délégué régional et conseiller national des Ostéopathes de France.

Le 5 mai, les ostéopathes ont d’ailleurs envoyé un courrier au Ministère de la Santé pour faire part de leur incompréhension.


Système D


Depuis l’annonce du déconfinement le 11 mai, ils doivent donc faire appel au système D.

« Nous avons établi des listes de revendeurs de matériel susceptibles de nous approvisionner à des tarifs corrects mais ce n’est pas facile car l’approvisionnement est tendu. Il nous faut aussi de l’essuie-main à usage unique, des surblouses, du désinfectant, pour permettre d’exercer dans les meilleures conditions sanitaires possibles ».

Cécile, elle a opté pour du matériel réutilisable : « J'ai acheté une quinzaine de blouses et des pyjamas d’hôpital pour pouvoir me changer entre chaque patient, des serviettes, des chaussures en plastique. Ma belle-mère a cousu des charlottes. Je suis parti sur du réutilisable car de toute façon le jetable, c’est introuvable, hors de prix et pas très écolo ».

Elle a dû dépenser plus de 500 euros pour s’équiper sans compter les 200 masques qu’elle a commandés et qu’elle n’a pas encore reçus. En attendant, le pôle santé de Bain de Bretagne va pouvoir la dépanner.
 

Précarité financière


Un surcout conséquent pour ces professionnels libéraux dont l’activité est parfois fragile.

«La profession est attractive et aujourd’hui, elle arrive même à saturation, explique Philippe Le Mentec. En 2002, il y’avait 4000 ostéopathes, en France. Aujourd’hui, nous sommes 32 000, dont 22 000 à exercice exclusif. Et l’Ouest de la France est particulièrement bien doté.  Il y a 2500 nouveaux diplômés par an et beaucoup de jeunes ont encore peu d'activité. C’est la raison pour laquelle certains sont restés ouverts : ils ne pouvaient pas prendre de risques financiers».
D’autant que les aides sont limitées la plupart du temps aux 1500 euros mensuels. Du moins pour ceux qui ont pu justifier d’une perte de revenus supérieure à 50% par rapport à l’an passé.

Les ostéopathes bénéficient aussi d’un report de charges « mais il faudra bien les payer dans les prochains moins, et là, ça va être très dur, s’inquiète Cécile Manach. « J’ai prévu de prendre moins de patients pour que les gens ne se croisent pas et que j’ai le temps de me changer.»

Au lieu d’une heure entre deux rendez-vous, je prévois 1 h30. Et pour le moment, je ne veux pas augmenter le tarif de mes consultations. 


Avenir incertain


Ses revenus devraient donc en pâtir. Et puis les patients seront-ils au rendez-vous ? Pour des raisons financières et sanitaires, pas sûr que la consultation chez l’ostéopathe soit une priorité même si beaucoup en éprouvent le besoin.

« Pendant, le confinement, beaucoup de gens m’ont appelé. Je les ai renvoyés vers des vidéos de massage ou d’étirement. Quand les visioconférences avec les médecins ont été possibles, je leur ai conseillé de se faire prescrire des médicaments  anti-douleur mais quelques patients m’ont quand même pourri au téléphone car ils avaient mal. Ils ne comprenaient pas que je ne les reçoive pas. Du coup, j’ai arrêté de répondre au téléphone. »

Tout comme Philippe Le Mentec, Cécile Manach espère pourtant  rouvrir son cabinet lundi.

« Cela fait deux mois qu’on tourne en rond et que les gens nous disent : vous nous manquez. On n'a qu’une hâte : repartir lundi au boulot mais avec la peur du risque si on n’a pas l’équipement nécessaire. Il faut absolument trouver des solutions viables ».

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