La cour d'appel de Versailles a débouté hier mercredi quatre communes qui réclamaient l'annulation de prêts contractés avec la banque Dexia qui s'étaient révélés toxiques, en rejetant toute faute du créancier.
Les décisions, qui se veulent de principe, ont été rendues après une audience en "chambre réunie", un dispositif "rarissime et exceptionnel, qui entend conférer une certaine solennité aux arrêts", a expliqué à l'AFP une source proche du dossier.
Les communes de Saint-Cast-le-Guildo (Côtes d'Armor), Saint-Leu-la-Forêt (Val-d'Oise), Saint-Dié-des-Vosges (Vosges) et Carrières-sur-Seine (Yvelines) contestaient les emprunts, dont la part variable des intérêts, calquée sur des parités diverses (par exemple, euro/franc suisse ou dollar/franc suisse), avaient entraîné des taux de remboursement parfois considérables. Pour les deux premières communes, la justice avait reconnu dans un premier temps un manquement à l'obligation d'information de la banque à l'égard des collectivités et condamné Dexia à des dommages et intérêts.
"Le caractère averti" des membres du conseil municipal, s'agissant de finance de marché, n'étant "pas prouvé", Dexia "avait une obligation d'information et de mise en garde sur l'ensemble des caractéristiques du prêt litigieux", avait notamment retenu le tribunal de grande instance de Nanterre en juin 2015 concernant la commune de Saint-Cast-le-Guildo.
Mais les magistrats de la cour d'appel ont infirmé ce raisonnement, en considérant que la commune, "a eu recours à de très nombreux contrats de prêts depuis 40 ans, notamment, une quarantaine auprès de Dexia, pour financer des investissements", entraînant le caractère "averti" des élus. La banque était, dès lors, "dispensé du devoir de mise en garde à son égard", conclut la cour d'appel. De même, les magistrats ont contesté l'affirmation que les contrats de prêts étaient dolosifs, c'est-à-dire trompeurs pour ne pas avoir anticipé les risques liés à la crise financière, en retenant que "Dexia n'avait aucun intérêt à provoquer volontairement la faillite des communes, notamment parce qu'elles n'auraient plus eu la capacité de la rembourser".
La commune de Carrières-sur-Seine, qui avait perdu en première instance, faisait pour sa part valoir que l'autorisation du conseil municipal donnée au maire pour contracter le prêt était irrégulière, entraînant la nullité de l'emprunt. La cour l'a partiellement reconnu, mais a estimé que le vice qui en découle "ne saurait être regardé d'une gravité telle que les contrats doivent être annulés". Les avocats des communes ont dit à l'AFP "réfléchir" à former un pourvoi en cassation. "Je trouve ces décisions inadmissibles: l'examen des faits n'est pas sérieux, c'est sidérant", a commenté auprès de l'AFP l'avocat de la commune de Saint-Leu-la-Forêt, Me Danielle Da Palma. Le conseil de Saint-Dié, Me Marc Le Son, s'est pour sa part dit "attristé, consterné" par "cette décision inattendue", alors que Me Hélène Feron-Poloni, conseil de Saint-Cast, s'est émue d'un arrêt "particulièrement choquant". Les communes avaient préféré la voie contentieuse au fonds de soutien mis en place par l'Etat, jugé trop défavorable. Le montant total des crédits toxiques contractés par l'ensemble des collectivités françaises s'élève à quelque huit milliards d'euros.