Le Conseil d'Etat a annulé ce 26 juillet plusieurs dispositions relatives aux distances de protection dans l'épandage des pesticides qu'il juge insuffisamment protectrices. Le gouvernement a 6 mois pour compléter la règlementation;
C'est un nouveau revers pour le gouvernement. Ce lundi 26 juillet, le Conseil d'Etat a donné raison aux associations, communes et agriculteurs bio qui contestaient les règles d'épandage prises par le gouvernement fin 2019. Les magistrats estiment que les dispositions de l'arrêté du 27 décembre 2019 encadrant l'utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité des zones d'habitation sont insuffisamment protectrices.
La plus haute juridiction française a ainsi donné raison aux 9 organisations qui avaient déposé des recours et ordonne que les règles d’utilisation soient complétées pour mieux protéger la population.
"C'est une bonne nouvelle" se réjouit Michel Besnard du collectif de soutien aux victimes de pesticides.
L'Etat a désormais 6 mois pour compléter la réglementation. Trois points essentiels doivent être revus :
Les distances minimales d’épandage doivent être augmentées
Dans son arrêté du 27 décembre 2019, le gouvernement prévoyait les distances minimales d'épandages comme suit:
- 5 mètres entre les habitations et les zones d'épandage pour les cultures basses comme les légumes, ou les céréales ;
- 10 mètres pour les cultures hautes.
Le Conseil d'Etat exige désormais d'augmenter les distances minimales d'épandage pour tous les produits phytosanitaires même ceux qui ne sont que "suspectés" d'être cancérogènes, mutagènes ou toxiques. Cette décision s'appuie sur les études de l'ANSES qui recommande une distance minimale de 10 mètres entre les habitations et les zones d’épandage de tout produit classé cancérogène, mutagène ou toxique, sans distinguer si leurs effets sont avérés, présumés ou seulement suspectés. Il rappelle que les avis de l'ANSES sont fondés sur les données scientifiques actuellement disponibles.
Aussi, il rappelle que les utilisateurs de pesticides ont l’obligation d’éviter leur entraînement hors de la parcelle ou de la zone traitée. Conséquence directe : si les résidus de pesticides peuvent être légalement considérés comme déchets alors les maires des communes pourront intervenir en cas d'entraînement des produits hors de la parcelle traitée.
Des mesures pour protéger les personnes travaillant à proximité
Le Conseil d’État juge également que le gouvernement doit prévoir des mesures de protection pour les personnes travaillant à proximité d’une zone d’utilisation de pesticides, ce que la réglementation en vigueur ne fait pas.
L'obligation d'informer les riverains en amont de l'utilisation des produits phytosanitaires
Enfin, le Conseil d’État estime que les chartes d’engagements d’utilisation doivent prévoir l’information des résidents et des personnes présentes à proximité des zones d’épandage en amont de l’utilisation des pesticides.
Michel Besnard estime que ce point est un vrai progrès même si, à ce jour, "on ne sait pas vraiment comment cela va se faire".
Les chartes de bonnes pratiques annulées
Dans son arrêté de décembre 2019, le gouvernement avait prévu la possibilité de rédiger des chartes de bonnes pratiques permettant aux agriculteurs de réduire les distances de non-épandage de 5 à 3 mètres pour les cultures basses et de 10 à 8 mètres pour les cultures hautes. Un contournement aux règles dénoncées par toutes les associations de défense de l'environnement qui avaient boycotté les consultations publiques. Pour autant, les chartes avaient été rédigées par les chambres d'agriculture et validées par les préfets dès le 1er juillet 2020.
Ce 26 juillet, le Conseil d’Etat a annulé, par ailleurs, les conditions d’élaboration des chartes et leur approbation par le préfet, « car celles-ci ne pouvaient être définies par un décret, mais uniquement par la loi », conformément à une décision du Conseil constitutionnel rendue le 29 mars 2021.
Les organisations à l'origine des recours (Alerte des médecins sur les pesticides, Collectif des victimes des pesticides de l’ouest, Collectif des victimes des pesticides des Hauts-de-France, Eau et Rivières de Bretagne, France Nature Environnement, Générations Futures, Solidaires, UFC-Que Choisir) espèrent que "cette décision mettra un coup d’arrêt à l’augmentation de l’usage des pesticides."
Dans leur communiqué de presse, elles rappellent "que la France ambitionne de les réduire de 50 % d’ici 2025, et pourtant, leur utilisation a augmenté de 25 % ces dix dernières années."