La compétence pour réglementer les pesticides appartient à l'État et non aux maires. C'est ce que vient de trancher le Conseil d'État en rejetant le pourvoi de la commune d'Arcueil dont le maire, comme Daniel Cueff en Bretagne, avait pris en septembre 2019 un "arrêté anti-pesticides".
Même si les maires ont pouvoir de police concernant la sécurité et la salubrité publique, ils ne peuvent user de cette compétence pour prendre des arrêtés sur l’utilisation des pesticides ou herbicides sur leur territoires. Ainsi a statué le Conseil d'État qui dans sa décision, ne reconnait cette compétence qu'à l'État et à son ministre de l'Agriculture.
Un long combat du Collectif des maires antipesticides
- Le 18 mai 2019, Daniel Cueff le maire de Langouët, a pris un arrêté interdisant l'utilisation de produits phytopharmaceutiques autour des bâtiments et des habitations de sa commune.
- Le 11 juin, la préfecture d'Ille-et-Vilaine annulait cette décision municipale par "recours grâcieux".
- Le 25 octobre 2019 le tribunal administratif de Rennes rendait une décision sur la forme. Cette décision déniait déjà toute compétence des maires à prendre des arrêtés antipesticides "C'est le ministre de l’Agriculture, qui est chargé de la police administrative des produits phytopharmaceutiques. Le maire d’une commune ne peut en aucun cas s’immiscer dans l’exercice de cette police spéciale par l’édiction d’une réglementation locale."
- Le 27 décembre 2019 le gouvernement instaure par décret des distances minimales d’épandage à proximité des habitations: dix mètres pour les cultures hautes comme les arbres fruitiers ou les vignes, et cinq mètres pour les céréales et les cultures de maraîchage.
- Janvier 2020, le collectif d'une centaine de maires anti-pesticides de toute la France, présidé par Daniel Cueff demande la suspension du précédent décret, jugeant insuffisantes les distances minimales entre l'épandage et habitations pour protéger les populations.
- En février 2020 le Conseil d'État estimait que « la condition d’urgence » n’était pas remplie
- Le 23 avril 2020, Générations futures, France Nature Environnement (FNE), la Ligue de protection des oiseaux (LPO), UFC-Que choisir, Eau et rivières de Bretagne, et des collectifs de soutien aux victimes des pesticides déposent des recours devant le Conseil d’État, contre des réglementations du ministère de l'agriculture qui réduisent encore les distances d'épandage aux habitations alors que les habitants y sont confinés.
- 16 avril dernier, l’association Respire avec l'avocate Corinne Lepage saisissait la justice administrative pour obtenir la fin des épandages de lisiers et d'engrais argumentant qu'ils pouvaient aggraver la diffusion du coronavirus. Même s'il ne s'agissait plus de pesticides, il s'agissait toujours de difficulté de voisinage avec les agriculteurs concernant les distances d'épandage. Le Conseil d’État concluait que l’absence de mesures de limitation des épandages ne constituait en aucun cas « une atteinte grave et manifestement illégale aux droits au respect à la vie et à la protection de la santé ».
Quelles sont les prérogatives des maires en matière de pesticides?
Le Conseil d'État vient de trancher : la compétence pour réglementer les pesticides appartient à l'État et non aux maires. En rejetant le pourvoi de la commune d'Arcueil dont le maire avait pris en septembre 2019 un arrêté anti-pesticides, le Conseil d'État retire aux maires le pouvoir de police sur les épandages agricoles de pesticides. Toutes les décisions de cet ordre reviennent à l'État et donc aux préfectures.
Il n’y a plus aucun recours possible. Le conseil d’État c’est l’ultime juridiction nationale.
« C’est très embêtant. Commente l'avocate Corinne Lepage, qui fut aussi ministre de l'environnement du gouvernement Juppé. Nous avons remporté pas mal de succès, par exemple en Ile-de-France, auprès du tribunal de Cergy-Pontoise et de Montreuil. Il avait été établi qu’il y avait une carence de l’État pouvant justifier une action des maires. Cette fois, si l’on estime qu’il y a carence de l’État, comment fait-on ? »
Mais l'avocate spécialiste de l'environnement ne désarme pas: « Il va falloir prendre le problème différemment, notamment en envisageant une action en carence auprès de la Commission Européenne. »