Cinq Ukrainiens tentent de rénover une réplique d'une galère du XVème siècle. Ils ont du traverser les 2400 km qui séparent Lviv de Châteaulin pour commencer les travaux. Pas évident, alors que la guerre sévit et que les règles pour sortir du pays sont très strictes.
Ils sont arrivés le 21 mars dernier de Lviv dans l'ouest de l'Ukraine. 2400 kilomètres parcourus dans une fourgonnette prévue pour l'occasion, avec un seul objectif : commencer les travaux sur leur tchaïka.
Un bateau à l'histoire lourde de sens
La tchaïka Presviata Pokrova, "la Sainte Vierge qui protège" est une réplique d'une galère cosaque du XVème siècle. Ce vieux gréement, construit en 1992 au sortir de la Guerre Froide, embarquait tout jeune Ukrainien désireux de voir du pays, quelles que soient ses connaissances maritimes. La galère a accueilli jusqu'à 35 marins à son bord.
Outil de communication, de diplomatie et surtout de liberté, la galère a navigué sur les mers d'Europe pendant une vingtaine d'années avant de finir, en 2011, par s'amarrer en Bretagne, à Pont-Aven. S'en suivent plusieurs années d'abandon pendant lesquelles la galère prend l'eau.
Une association a bien été créée à Pont-Aven pour la retaper, mais les coûts sont importants et l'équipage bien loin. Avec la guerre en Ukraine lancée l'année dernier par la Russie, le navire a repris sa symbolique de liberté et de patriotisme.
Rénover la tchaïka malgré la guerre qui fait rage...
Certains membres de l'ancien équipage sont morts au front, d'autres s'y battent toujours. Mais cinq hommes, réformés ou trop âgés pour combattre sont venus jusqu'à Châteaulin où la Tchaïka patiente désormais à sec.
Sur place, ils sont aidés par Bernard Del Vallé Dinéiro, un Châteaulinois qui a pris à cœur leur mission, il y a deux ans. "On les aide avec les moyens du bord. On prend un peu le relais à Châteaulin, de l'association Presviata Pokrova de Pont-Aven. Leur histoire m'a pris les tripes, je me suis dit qu'on ne pouvait pas laisser tomber les gens comme ça, avec leur histoire folle.
Je fais beaucoup l'intermédiaire, je ne veux pas me mêler de la réparation du bateau car je n'ai pas les compétences. C'est de l'entr'aide, des coups de téléphone pour trouver des outils, du bois à gauche à droite.
Bernard Del Vallé Dinéiro, soutien logistique pour la rénovation de la tchaïka
Le Châteaulinois qui aime les gens et les histoires d'Hommes admire la volonté des cinq hommes. "Quand ils sont arrivés, ils pensaient trouver un bateau sous hangar avec de l'électricité et prévoyaient de poser leurs tentes pour dormir." Impossible, car la galère séjourne sur un quai en plein air au bord de l'Aulne. "Avec ma compagne Claire, on les loge chaque fois qu'ils viennent, mais ils apportent beaucoup de choses à manger, à boire et autres."
Depuis le début de la guerre, il y a un peu plus d'un an, c'est la première fois qu'un groupe d'Ukrainiens parvient à travailler sur le bateau. Pour sortir d'Ukraine, il faut avoir plus de 60 ans ou avoir été réformé et disposer d'une autorisation spéciale, et le séjour en dehors du pays ne peut excéder un mois (contre trois mois avant la guerre).
... et sans savoir-faire en charpente marine
Myron Humenetskiy, le chef d’équipe a appris le français au cours de ses voyages pour la Previata Pokrova, il est reconnaissant de l'aide et des conseils dispensés par les Bretons pour la réparation du bateau. Car lui et ses quatre compagnons sont totalement novices en matière de charpente marine.
D'ailleurs, quand on lui demande à quoi il pense quand est sur le bateau, il répond : "je pense surtout à ne pas faire de fautes sur les rénovations, j'ai posé beaucoup de questions aux gens qui habitent ici, qui connaissent bien les bateaux, ça aide beaucoup. Bien sûr, je pense à l'Ukraine, mon travail sur ce bateau, c'est pour l'Ukraine. C'est ma manière à moi d'aider pour gagner [la guerre]. Pour nous, ce bateau, c'est un bateau historique, nouvelle histoire, nouvelle Ukraine."