A Douarnenez, Gwendal Jaffry veille sur la culture maritime.

Le chant du bois n’a plus de secret pour lui... A Douarnenez, Gwendal Jaffry est le rédacteur en chef de la revue "Le Chasse-Marée" consacrée à la culture maritime et fluviale. Loin du cliché des bateaux traditionnels en bois avec des voiles rouges, le magazine s’intéresse aujourd’hui à tout l’univers maritime.

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Douarnenez dans le sang

Cela fait 40 ans que Gwendal Jaffry navigue dans les eaux de Douarnenez, 40 ans qu’il prend le même chenal pour sortir  à bord de son voile-aviron bleu ciel, baptisé Creizic, comme la petite île du Golfe du Morbihan. Et pourtant pas une once de lassitude,  il prend toujours autant de plaisir à sortir en mer. «  C’est un peu comme de la musique, il y a une ligne de basse qui est toujours la même et il y a plein de petits éléments qui viennent se greffer dessus et qui rendent les choses à chaque fois différentes ».

 Ce qu’il aime par-dessus tout dans cette navigation en solitaire, c’est l’éloge la lenteur et le calme recherché. Naviguer au raz des cailloux et écouter le clapotis sur l’étrave. Prendre le temps.

Pour voir et revoir, Littoral, au fil de l'eau, L' invitation au voyage de Gwendal Jaffry c'est par ici ?

 Le Chasse-Marée

Journaliste au  Chasse-Marée depuis 1998, Gwendal Jaffry en est le rédacteur en chef depuis 2008. Depuis sa création en 1981 à Douarnenez,  Le Chasse-Marée a contribué à faire renaître le patrimoine maritime, des histoires de bateaux et des hommes.  En 40 ans,  la revue est restée fidèle à cette ligne éditoriale mais elle s'est aussi ouverte à l’environnement, aux sciences, et à des thématiques plus sociétales.  

A l’occasion des 40 ans du Chasse-Marée en 2020, Gwendal Jaffry a proposé une nouvelle formule de la revue. C’est une formule « Mook », entre le magazine et le book (la littérature). Les articles sont encore plus longs, encore plus fouillés et précis, et montrent aux lecteurs la richesse et la diversité du monde maritime.

L’avenir du patrimoine maritime

Pour Gwendal Jaffry,  "il est important de préserver le patrimoine maritime (comme c'est le cas au Port Rhu de Douarnenez) car on est obligé d’avoir ces repères du passé pour comprendre où on en est aujourd’hui". Mais c’est évident que l’on ne pourra pas tout conserver, « ce serait déraisonnable ». Un jour, on n’aura plus les moyens de restaurer tous ces bateaux, alors dès aujourd’hui, il faut se poser les bonnes questions pour qu’avec les outils que l’on a à notre disposition, on puisse numériser, inventorier les essences de bois, les savoir-faire, les techniques de constructions. Et si un jour ces bateaux disparaissent, on aura la base de donnée qui permet de préserver un ensemble existant.

Trois questions à Gwendal Jaffry sur l’évolution des ports à Douarnenez et sur la ville

Pouvez-vous me raconter l’histoire du port du Rosmeur ?

C’est le port historique de Douarnenez. Il faut imaginer, il y a un siècle, il y avait 900 chaloupes sardinières, bateaux traditionnels amarrés dans ce port. Le fort de l’activité était ici. Et puis au milieu du XXème siècle, ce port s’est agrandit. On a poldérisé de l’autre côté du port afin d’y construire une grande criée et un bassin qui peut accueillir des bateaux plus gros. Sur les quais, des travaux ont été faits également. Autrefois, il y avait des annexes et des voitures partout, aujourd’hui on est plus dans un cadre de balades. On n’est plus dans un port de travail mais dans un port de loisir. 

  Vous venez en profiter vous aussi ?

Moi je viens profiter de cet endroit parce que c’est agréable et beau et surtout parce qu’il y a de la vie !

Malheureusement les gros bateaux de pêche se trouvent dans le nouveau bassin, au port de commerce, auquel on ne peut plus accéder aujourd’hui pour des raisons de sécurité. Tout est clôturé. 

Je regrette que l’on ne puisse plus accéder à cet endroit avec la criée, la débarque du poisson, le ravitaillement parce que cette vie-là quand j’étais adolescent, je l’ai beaucoup regardée et j’ai appris énormément en observant. Même si je comprends partiellement que l’on ait mis des clôtures au port de commerce, c’est important de voir les choses pour les comprendre.

Aujourd’hui, on se pose beaucoup de questions sur le monde de la pêche. Je pense que d’avoir coupé les marins de la population ne favorise pas la compréhension de cet univers pour le faire évoluer dans le bon sens et notamment par rapport à la ressource.

 Et les bistrots à Douarnenez ?

Les bistrots à Douarnenez ont toujours tenu une grande importance. Je crois bien qu’il y a eu jusqu’à 250 bistrots à une époque, alors on se dit « qu’est-ce qu’ils picolaient ! » Mais la réalité du bistrot à l’époque était différente de celle d’aujourd’hui. C’était un lieu de vie, un lieu où l’on se retrouvait et où l’on partageait le fruit de la pêche. Le patron pêcheur venait avec l’argent qu’il avait récupéré de la vente du poisson et il le partageait avec ses marins. C’était un peu le lieu de la fin d’une marée. Il y avait aussi les tenancières, c’était souvent des femmes qui tenaient les bistrots. Elles servaient des verres à boire bien entendu mais elles gardaient aussi le fruit de la pêche. Il pouvait arriver que le boulanger qui avait servi le bateau en pain, vienne au bistrot récupérer le fruit de la vente. La tenancière s’occupait des comptes du bateau. C’était comme un prolongement de la vie à bord, comme une espèce d’étape intermédiaire entre la vie en mer et le retour à terre dans sa famille.

Propos recueillis par Anaïs Clerc-Bedouet

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