Dans le nord-ouest de Brest, dans le Finistère, la Chambre d’agriculture de Bretagne et Air Breizh lancent un projet pour mesurer les quantités d’ammoniac dans l’air. Quinze fermes vont y participer.
Lorsqu’il monte dans son tracteur pour aller épandre le lisier de ses porcs ou le fumier de ses vaches, Julien Hindré, exploitant agricole à Plouzané sait bien que tout ne sera pas utilisé par les plantes. "On sait qu’une partie des lisiers s’évapore dans l’air et que cela n’est bon ni pour l’air, ni pour les plantes qui ne bénéficient pas de cet apport. "
Un gaz sous surveillance
En France, 90% des émissions d'ammoniac sont d’origines agricoles. En Bretagne, le chiffre monte à 95 %. La région génère à elle seule 17% des émissions d’ammoniac alors qu’elle ne représente que 5% du territoire.
L’ammoniac se dégage principalement lors de l'épandage de fumier et l'application d'engrais minéraux. Il réagit dans l'atmosphère avec différents composés et produit des particules d'ammonium pouvant être transportées dans des zones éloignées de leur région source.
Des émissions mesurées en temps réel
Pour la première fois, en France, ces émissions d'ammoniac vont être mesurées. "On va équiper tous les agriculteurs du projet d’une application. En temps réel, ils indiqueront qu’ils épandent tel ou tel lisier, en telle quantité, sur telle ou telle parcelle. Cette parcelle sera géo localisée et ainsi, en croisant les données des agriculteurs et les mesures des capteurs installées à deux kilomètres alentour, nous aurons des chiffres précis des quantités d’ammoniac qui s’échappent dans l’air" se félicite Edwige Kerboriou, vice-présidente de la Chambre régionale d'agriculture de Bretagne et en même temps administratrice d'Air Breizh et membre du Conseil national de l'air.
"On va pouvoir quantifier précisément et cela nous fournira des informations importantes sur les moments où il est préférable d’épandre. Quand il fait chaud ? Quand il fait froid ? Le matin, l’après-midi ? "se réjouit aussi Julien Hindré.
L’agriculteur utilise différents engins, des enfouisseurs, des rampes à patins qui permettent d’éviter les odeurs et qui sont plus "efficaces". "On voit que nos rendements sont meilleurs en enfouissant nos lisiers par contre on ne sait pas dans quelle mesure cela réduit le niveau des émissions dans l'air. "
Une aide technique pour les exploitants
Le projet baptisé ABAA est aidé par le programme Life de l'Union européenne qui finance des initiatives pour l'environnement et le climat et la région Bretagne. Il est prévu sur quatre ans.
"Les coopératives, les entreprises agricoles, tout le monde agricole est mobilisé" explique Anne Guézenguar, agronome Chambre d'agriculture de Bretagne. Le projet prévoit d’apporter un accompagnement aux exploitants en vue de l'utilisation de techniques moins émettrices d'ammoniac.
"Cela pourrait permettre de savoir quel matériel est le plus efficace, d’affiner les calendriers d’épandage, aujourd’hui, on a le droit d’épandre le lisier sur les terres du 1er au 25 avril, du coup, tout le monde épand au même moment, c’est peut être efficace pour l’eau, mais pas forcément pour l’air" analyse Julien Hindré.
Quinze volontaires participent au projet, quinze autres devraient les rejoindre. A terme, le projet devrait être répliqué à toute la Bretagne avec la participation de 9.000 fermes. Il pourrait l'être également à d'autres régions en Europe.
La pollution atmosphérique et, entre autres, les particules fines sont responsables d'environ 500.000 décès prématurés en Europe tous les ans.
"Avec ce projet, espère Julien Hindré, on aura des données chiffrées, on saura et donc on pourra faire les bons choix et avancer. "