Depuis une quinzaine de jours, une équipe d’archéologues s’est installée autour du Tumulus de Saint-Belec à Leuhan dans le Finistère. C’est là qu’en 1900, Paul du Chatellier a trouvé un bloc de schiste de 2,2 mètres de long et d’1,3 m de large, qui est sans doute la plus vieille carte gravée d’Europe. Certains fragments de cette carte en pierre avaient disparu. Les archéologues viennent d’en retrouver deux petits morceaux. Une découverte incroyable.
Sur le chantier de fouilles installé depuis une quinzaine de jours à Saint-Belec à Leuhan dans le Finistère, le bruit des truelles et des pinceaux s’arrête soudain. En nettoyant les morceaux de schiste, Jean-Luc Torre et Félix Le Du viennent de trouver quelque chose…
Clément Nicolas, archéologue CNRS et Yvan Pailler, professeur d'archéologie à l’UBO s’approchent aussitôt les yeux brillants. "On voit bien une ligne, et une cupule… et ça, ce pourrait être un bord… "
Une carte découverte en 1900
En cet endroit, en 1900, le préhistorien Paul du Chatellier fouille un grand tumulus daté de l’Âge du Bronze ancien (1900-1600 avant notre ère). À l’intérieur du tombeau, il découvre une immense dalle de 2,2 mètres de long, d’1,3 m de large pesant plus d’une tonne. Dessus, le préhistorien remarque des dessins enchevêtrés, des lignes, des courbes, des points.
"Décrire ce curieux monument avec ses cupules, ses cercles et ses diverses figurations gravées, dans lesquelles certains voient une représentation humaine informe et celle d’une bête, est chose difficile. Ne nous laissons pas égarer par la fantaisie, laissant le soin à un Champollion, qui se trouvera peut-être un jour, de nous en donner la lecture" écrit-il.
Il ramène la pierre à son domicile, puis elle est donnée au Musée d’archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye. Pendant des décennies, la pierre est oubliée, remisée dans une cave, attendant son Champollion.
Ils seront deux. Clément Nicolas et Yvan Pailler ont entendu parler du bloc de schiste et le retrouvent dans la cave du musée. Tous deux sont persuadés qu’il s’agit d’une carte, peut-être de la plus vieille carte d’Europe.
Après des mois de travaux, les concordances sont établies, scientifiquement et même mathématiquement. "La ligne creusée dans la pierre, c’est la vallée de l’Odet, les méandres qui serpentent en haut de la carte, ce sont ceux de l’Aulne. Et voici, l’Isole, le Ster, le Laër, les contreforts des Montagnes noires. Ils ont sous les yeux la carte d’une zone géographique d’une trentaine de kilomètres de long et de 20 mètres de large."
Une carte pour maintenir la paix ?
Les lignes représentent donc parfois des rivières, peut-être aussi des routes, des enceintes ? Mais les cupules, tous ces petits trous dans la pierre, qu’indiquent-ils ? Des sources, des mines, des tumulus, des habitations ? Pour essayer d’en savoir plus, les deux archéologues mènent de nouvelles fouilles.
"Ce que l’on voit sur la carte, c’est un territoire qui correspond au territoire des petits royaumes ou des chefferies, expliquent les archéologues. On peut imaginer qu’ils ont fait cette carte parce qu’ils levaient une sorte d’impôt, ou que la carte servait à délimiter les frontières pour régler les conflits. Graver les limites du territoire dans le schiste permettait peut-être de rendre ces limites indiscutables, et donc de garantir la paix. "
Les archéologues sont à la recherche des morceaux de la carte qui manquent au Musée d’archéologie nationale. Ils ont peut-être été cassés lors de l’extraction par Paul du Chatellier. Ils espèrent trouver d’autres dalles gravées qui pourraient compléter la carte, cherchent les outils qui ont pu servir à creuser la dalle.
Les truelles et les pinceaux ont repris du service… La découverte a décuplé toutes les énergies.
Mais quoi qu’ils découvrent, les archéologues ont leur carte aux trésors. Dans les années à venir, ils rêvent d’aller investiguer les différents lieux indiqués sur la carte. Le début d’une grande aventure…
(avec M. Le Morvan)