Depuis le début de l'année 2020, 149 dauphins échoués ont été retrouvés en Baie d'Audierne, 60% de plus que pour toute l'année 2019. Face à cette hausse inexpliquée, l'ONG Sea Shepherd mène une opération de surveillance sur la zone. Ces derniers jours, la situation s'est tendue avec les pêcheurs.
"Des fois ils viennent à toucher le bateau, c'est dangereux" raconte excédé l'armateur de Concarneau Anthony Landrein.
Ce samedi 24 octobre au matin, les marins-pêcheurs de la baie d'Audierne ont déployé une banderole sur la criée de Concarneau, affichant "Sea Shepherd = marin en détresse". Nouvel épisode de la montée en tension qui a débuté il y a deux jours entre l'ONG et les pêcheurs.
Dans un communiqué du 22 octobre, le comité départemental des pêches du Finistère dénonçait le "harcèlement" de l'organisation de préservation des océans. L'un des patrons-pêcheurs qui faisait l'objet de la surveillance des miliatnts aurait été inquiété par leurs manoeuvres : "ils ont braqué un projecteur sur lui, il ne pouvait plus lire ses écrans, et en plus le semi-rigide passait entre ses bouées et son bateau" raconte Virginie Lagarde du comité départemental des pêches.
De son côté, Sea Shepherd se défend des allégations des pêcheurs et prétend appliquer des règles de bonne conduite dans sa mission de surveillance. "On ne les éblouit pas puisque notre projecteur, lorsqu'on l'utilise, c'est vers la coque ou au niveau de l'eau. On reste toujours à distance, on ne se met pas sur leur route et on les laisse virer de bord. On les laisse travailler vraiment correctement" précise Frédéric, bénévole de Sea Shepherd.
Insultes, menaces, intimidations, les images de Sea Shepherd tournées ces deux derniers jours ne laissent guère la place au doute ...
Les dauphins, enjeu du conflit
L'enjeu du conflit, ce sont les dauphins, captures accidentelles des pêcheurs dont on retrouve les dépouilles sur les côtes.
Depuis le début de l'année, le représentant local de l'observatoire Pélagis Bernard Martin a comptabilisé 149 dauphins échoués en baie d'Audierne, soit 60% de plus que pour l'ensemble de l'année 2019. Avec notamment un pic estival inhabituel et inexpliqué.
C'est pour cette raison que les militants de Sea Shepherd ont entamé au mois d'aôut cette nouvelle mission d'observation. Ils ont constaté cinq prises accidentelles de dauphins dans les filets des pêcheurs depuis le début de cette opération. "Ce qui importe, ça n'est pas le nombre de dauphins dans les filets que nous filmons au regard du peu de moyens dont nous disposons. Ce qui importe c'est le nombre de cadavres mutilés échoués sur les plages. Que nous les ayons filmés ou pas, ils ont bien été tués par les engins de pêche sur le secteur et le nombre est de l'ordre du jamais vu pour cette période comme s'en alertent à juste titre les scientifiques." précise l'ONG.
Sea Shepherd est consterné par l'attitude du Comité des Pêches qui depuis toujours et encore aujourd'hui se fait le relais des pires représentants de la profession et continue de diaboliser les ONG...
— Sea Shepherd France (@SeaShepherdFran) October 23, 2020
Lire notre communiqué -> https://t.co/jAzhHVtTpQ
Les pêcheurs se défendent : "Nous on fait notre travail, on fait rien de mal. Quand elles se produisent, les captures accidentelles sont déclarées", explique Anthony Laudrein.
Les données recueillies par Sea Shepherd montrent que moins de 0,4% des dauphins capturés sont déclarés, malgré l'obligation légale datant de 2012.
Le combat n'est pas récent
Depuis les années 1990, la France enregistre chaque année des épisodes importants d'échouages de mammifères marins, principalement des dauphins communs. Depuis 2016, les taux de mortalité sont en augmentation constante et les autopsies révèlent que jusqu'à 90% des dauphins tués ont été victimes d'engins de pêche, selon Sea Shepherd.
Suite à une requête de l'ONG "d’enjoindre à l’administration de mettre un terme à ces préjudices par la mise en œuvre des mesures visant à maintenir la population de mammifères marins dans un état de conservation favorable ", le tribunal administratif de Paris a déclaré le 2 juillet 2020 que "les autorités françaises doivent être regardées comme ayant tardé à mettre en œuvre des actions concrètes au regard du constat d’épisodes récurrents, depuis les années 1990, accentués depuis 2016, de surmortalité de cétacés sur la façade atlantique, en particulier dans le golfe de Gascogne. Ce retard constitue une carence de l’Etat dans le respect de ses obligations découlant du droit de l’Union européenne, en particulier son obligation de protection des cétacés et de contrôle des activités de pêcherie."
Jugement du Tribunal administratif de Paris
Ce même 2 juillet 2020, la commission européenne demandait instamment à la France, l'Espagne et la Suède de "mettre en oeuvre les mesures requises afin d'éviter les prises accessoires de dauphins et marsoins par les navires de pêches" et leur accordait "un délai de trois mois pour remédier aux lacunes constatées."
Des décisions de justice qui ne suffisent pas à rendre optimistes les militants de Sea Sheperd qui dénoncent : "Aucune mesure concrète n'est avancée par le secteur ni par le Ministère de la Mer hormis les répulsifs acoustiques qui n’arrangent rien, pire, ils excluent les dauphins de leur zone de nourrissage."
Les dauphins n'auront donc aucun répit cet hiver. Ce qui signifie que nos équipes non plus. @AnnickGirardin
— Sea Shepherd France (@SeaShepherdFran) October 9, 2020
a choisit d'ignorer les recommandations des scientifiques du CIEM et ne décrète aucune fermeture. Un constat décevant mais prévisible... https://t.co/kH8bbyqxbG
Cet hiver, une vingtaine de caméras devraient être installées et des observateurs embarqués, notamment dans le Finistère, pour tenter de mieux comprendre les raisons de ces captures accidentelles de dauphins.