Brest 2024 dans le viseur du photographe Ewan Lebourdais : "j'aime les gueules qui puent la mer et les rides qui parlent des galères"

Ewan Lebourdais est l'un des rares photographes à être auréolé du titre de peintre officiel de la marine. Ses photos disent la mer, les histoires de matelots, la vie passée au large. Rencontre sur l'eau à l'occasion des Fêtes maritimes de Brest.

Lorsqu'il était gamin, Ewan Lebourdais savait à peine situer le Finistère sur une carte. Lui, le Rennais, il passait ses vacances en famille à Carnac et allait manger des glaces à Saint-Malo. Par amour, il a fini par faire le voyage jusqu'au bout du monde d'où il n'est jamais reparti. 

Le photographe, nommé peintre officiel de la marine il y a trois ans, pose "un regard attendri" sur les Fêtes maritimes car, dit-il, le rassemblement de vieux gréements est intimement lié à son histoire brestoise. "Je suis arrivé ici en 1999 et l'année suivante, j'ai découvert l'événement. Je n'ai pas manqué une seule édition depuis".

"Les gueules qui puent la mer"

En ce dimanche de fête nationale, rendez-vous est pris en milieu de matinée, sur le ponton du port du Château où est amarré son bateau. Large sourire, poignée de main chaleureuse, l'accueil est à l'image de ce grand gaillard qui "a toujours vu la vie en photos". Pour preuve ce cliché de Plisson gravé dans sa rétine depuis un séjour en colonie de vacances : on y voit le canot Patron François-Morin de la SNSM d'Ouessant, en pleine mer démontée, un jour de décembre 1989. "La photo était accrochée au mur du réfectoire, se souvient Ewan Lebourdais. Je la regardais en me demandant comment ces gens allaient s'en sortir. Je pense que ça imprègne l'œil, ce genre de photo" ajoute-t-il avant de larguer les amarres, direction la rade.

Alignés à même le sol du semi-rigide, quatre boîtiers et leurs objectifs respectifs. Au poste de pilotage, Antoine, le fiston. Sur l'eau, les bateaux se préparent au défilé du 14 juillet, parmi lesquels la Belle-Poule, l'Etoile, la Grande-Hermine et le Mutin, les navires écoles de la Marine nationale. "Va y avoir de la tête de marin à photographier" se réjouit Ewan qui mitraille ici et là et court d'un bout à l'autre du zodiac. De quoi nourrir la série de portraits qu'il a entamée, "les gueules qui puent la mer et les rides qui racontent les galères" glisse-t-il.

"Oh, c'est beau ça"

Ce sont les histoires et les anecdotes que le peintre de la marine aime fixer sur la pellicule. Être là au bon moment pour capturer une émotion, un regard, une main qui effleure le bois d'un bateau, une silhouette en contre-jour suspendue à un mât. "Oh c'est beau ça" s'exclame-t-il soudain. Dans son viseur : le Biche, le thonier à voiles de l'île de Groix, "et les deux grues du port de commerce à l'horizon". Il appuie sur le déclencheur. "En plus, on a une très belle lumière" sourit-il.

Les voiliers de la Marine nationale entament leur parade. "Antoine, bâbord, bâbord, va au cul des navires" demande le photographe à son fils qui opère la manœuvre. Le semi-rigide est au plus près. Ewan Lebourdais échange quelques mots avec ces militaires qu'il connaît bien.

Voilà maintenant une dizaine d'années qu'il embarque sur les bâtiments de la Marine française et plonge aussi avec les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE). Une de ses photos trône même dans le carré du commandant d'un SNLE, d'autres sont aujourd'hui classées au patrimoine de l'Etat.

"Coque de noix"

Le ciel brestois de ce 14 juillet est traversé par les Rafales de la base aéronautique navale de Landivisiau. Leur passage est furtif, il sera néanmoins mis en boîte. "Ewan, tu me prends en photo ?" crie un matelot depuis son petit bateau. "C'est fait" répond l'intéressé en levant le pouce.

Ewan Lebourdais est devenu, au fil des années, une figure familière du monde maritime. Ce petit-fils de charpentier de marine ne savait pas grand-chose de la mer avant de rencontrer sa femme. "La navigation, pour moi, c'était sur la Vilaine, à bord d'une coque de noix que mon grand-père avait fabriquée" lâche-t-il en riant.

Il a donc appris sur le tas. De la même manière, il s'est initié, seul, aux techniques de prises de vue. Ses premières photos, il les a prises à l'adolescence, avec des appareils jetables. "Et je ne peux même pas te dire à quoi elles ressemblent car je n'avais pas la thune pour développer les pellicules" souffle-t-il. Il marque une pause. "Tiens, faudrait que je les retrouve".

Il est l'heure de rentrer au port. L'adrénaline retombe un peu. "Regarde, ma main ne tremble plus" s'amuse le photographe dont le cœur s'emballe dès qu'il saisit l'instant parfait. Comme cette larme de Thomas Coville attrapée sur le visage fatigué du skipper à son retour d'une course autour du monde en solitaire.

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