Après quatre mois dans le sud du Groenland, l'expédition à la voile Unu Mondo est arrivée à Brest, ce jeudi. Sa mission : recueillir les témoignages des habitants et des données scientifiques sur les conséquences du réchauffement climatique. Rencontre avec Sophie Simonin et Tobias Carter.
Le voilier est amarré au port du Château de Brest, depuis ce jeudi. A bord, le calme règne. Malgré la tempête au dehors. L'équipage du Northabout arrive tout droit du Groenland. Quatre mois d'expédition pour "mettre des images et des visages sur la fonte des glaces, un concept qui peut sembler abstrait pour nous autres Européens".
Une expédition anthropologique....
Baptisée Unu Mondo - un monde, en langue esperanto -, cette expédition est partie, début juillet, de Roscoff dans le Finistère avec, à sa tête, Sophie Simonin et Tobias Carter. Ils se sont rencontrés en 2019, à Cape Town, en Afrique du Sud. Sophie opérait un tour du monde en bateau-stop et cherchait un voilier pour aller au Brésil. Elle a embarqué sur celui de Tobias. C'est ici que naissent les prémices d'Unu Mondo.
A l'origine, ni lui ni elle ne sont skippers encore moins scientifiques ou experts des mondes polaires. Mais ils partagent la même envie "de faire bouger les choses pour le climat". Ils ont donc pris la mer et mis le cap sur l'Arctique pour témoigner, collecter des données et montrer quel impact le changement climatique a sur cette partie du monde. Et sur ses habitants.
Il y a quatre millions de personnes qui vivent au-dessus du cercle polaire et qui subissent ce changement
Accompagnés de scientifiques, Tobias et Sophie ont tout d'abord mené un travail anthropologique. Ils ont passé deux mois dans le sud du Groenland, rencontré les communautés indigènes, écouté, filmé, photographié "pour comprendre comment elles s'adaptent à ce qui est en train de se produire".
Même si, au sud du Groenland, l'impact du réchauffement climatique n'est pas le même que dans le nord, les habitants constatent qu'il y a plus de pluies, moins de neige, moins de glace...
"Les habitants nous ont expliqué que, d'ordinaire en été, les glaces de mer qui arrivent du nord bloquent les fjords, raconte Tobias. Avant, il y en avait énormément. Ces amas de glace ne défilent plus aussi nombreux". Autre constat : la végétation qui "pousse plus vite et plus haut". "Ils arrivent même à cultiver des fraises ou des patates désormais!"
En cours de route, ils croisent également Jason Box, climatologue et fondateur de Greenland trees, une organisation scientifique qui se donne pour mission de réduire les émissions de CO2 en plantant des arbres dans le sud du Groenland.
...météorologique...
La commission océanographique intergouvernementale de l' UNESCO et l'organisation météorologique mondiale ont vu dans cette expédition l'opportunité de déployer en Arctique de nouveaux systèmes de mesures autonomes, tels que les profileurs Arvor du programme Euro-Argo qui captent en temps réel la température et la salinité des océans. Unu Mondo s'est donc chargé de mettre ces flotteurs à l'eau, ainsi que quatre bouées pour les relevés barométriques de Météo France.
Parmi l'équipage du Northabout, se trouve également un ingénieur de l'Université de Liège. Sa mission : installer trois stations météo qui vont analyser les vents catabatiques pendant trois ans dans le cadre du projet international Katabata.
...et pédagogique
"On a énormément appris, relate Sophie. Cela nous a permis de nous rendre compte réellement de ce qui se passe là-bas. Tout le monde sait que la banquise fond, que l'eau monte. Mais cela semble tellement lointain pour beaucoup".
Transmettre ce qu'ils ont vécu et vu, c'est la dernière étape de cette expédition. Ce lundi, deux classes d'une école de Plouzané monteront à bord du voilier pour écouter le récit d'Unu Mondo. "Un projet comme cela, ça parle aux enfants, souligne Tobias. Le défi climat, c'est la nouvelle génération qui le prend à bras-le-corps". C'est d'ailleurs avec des enfants que Sophie et Tobias retourneront au Groenland en 2021.
Partenaire du projet pédagogique Cap au Nord, Unu Mondo embarquera 21 élèves de CM2 issus de différentes régions françaises dont la Bretagne, pour un périple de quinze jours autour de la biologie marine, l'océanographie et l'anthropologie.
Tobias et Sophie n'ont pas l'intention de rester à quai très longtemps. "De toute façon, disent-ils, il y a du boulot tant que l'humanité ne change pas".
Le Northabout quittera Brest le 6 octobre, direction Lorient et le festival "Les aventuriers de la mer" où le public pourra visiter le voilier.