Brest : "On ne peut pas mourir d'enseigner", l'hommage des étudiants à Samuel Paty

L'Université de Bretagne occidentale a salué la mémoire de Samuel Paty, ce mercredi midi, jour d'hommage national à l'enseignant assassiné. A Brest, les étudiants en Lettres et Sciences humaines se sont rassemblés. Parmi eux, des futurs professeurs d'histoire. Témoignages.

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Sur le parvis de la faculté des Lettres et Sciences humaines de Brest, les visages, derrière les masques, sont graves. L'émotion palpable sous cette grisaille d'automne. Il est midi, ce mercredi 21 octobre. L'hommage à Samuel Paty, l'enseignant assassiné à Conflans-Sainte-Honorine, rassemble étudiants et enseignants.


"Vivre en dehors des ghettos identitaires"


"Tuer un homme au nom de la religion, c'est tuer un homme" déclare le doyen de la faculté, Mohamed Saki. L'homme se tient debout, sur les marches d'un escalier, porte-voix à la main. A ses côtés, une étudiante qui, elle, affiche la Une de Charlie-Hebdo : "Tout ça pour ça". Ce numéro spécial dans lequel l'hebdomadaire avait choisi de republier les caricatures de Mahomet. Ce même numéro que Samuel Paty avait utilisé pour illustrer son cours sur la liberté d'expression. 

"Tuer un enseignant parce qu'il a soi-disant blasphémé, c'est avoir une mentalité tribale aux antipodes de notre République" affirme Mohamed Saki. En tant que citoyen, je prends cela comme une attaque à la République, cette République qui nous permet de vivre en dehors des ghettos identitaires".
 

Puis vient la minute de silence. Pour saluer la mémoire de l'enseignant en histoire-géographie :


"Le mot laïcité a perdu de son sens"


Enseigner l'histoire, c'est justement ce à quoi se destine Thibault, en troisième année de licence. Etre présent à cet hommage est "important car ce qui s'est passé m'a profondément marqué, confie le jeune homme de 20 ans. Je me reconnais dans ce prof qui a fait son métier de la plus belle manière qui soit". Un groupe se forme autour de nous. Des filles et des garçons, eux aussi en licence d'histoire. La discussion s'amorce.

Victor considère que l'Education nationale "a échoué parce que, argumente-t-il, cet article dans les textes de loi qui dit que si un élève est choqué, il peut sortir de classe, il ne devrait pas exister. C'est la porte ouverte à tout. L'école de la République laïque, c'est la même pour tous. On n'est pas là pour faire du cas par cas".
Il se souvient avoir signé la charte de la laïcité quand il était encore élève au lycée de l'Harteloire à Brest. "Oui, mais, le mot laïcité a perdu son sens, intervient Corentin, c'est devenu un outil du communautarisme plus qu'autre chose. Si on se positionne contre le port du voile à l'école ou tout autre signe religieux, on est traité de raciste. Alors que cela n'a rien à voir avec ça".
"La République laïque, c'est la liberté de pratiquer un culte ou de ne pas croire aussi, mais pas dans l'espace public. L'école, c'est un espace public et elle doit préserver cette laïcité" ajoute Thibault.
 


"Libre de ma parole"


S'ils comprennent que "les profs peuvent avoir peur" désormais, ces étudiants n'envisagent pas leur futur métier d'enseignant sous le régime de cette peur. "Faire comprendre, apprendre, ouvrir les esprits et être libre de ma parole", c'est ainsi que Thibault entend mener ses cours. 
"Ce qui doit primer, c'est la force de la raison, remarque Mohamed Saki. Nos étudiants ont un défi à relever, celui de savoir répondre à la barbarie par la pensée, savoir également comment déconstruire le fanatisme et l'ignorance qui l'alimente par le débat"
 

Je trouve exaltant d'aller déloger des idées préconçues de l'esprit des jeunes. Samuel Paty a su planter ces graines de la réflexion chez ses élèves.

Mohamed Saki, doyen de la faculté de Lettres et Sciences humaines

Sous la pluie qui n'en finit pas de tomber sur ce mercredi où l'émotion le dispute à la raison, chacun marque un temps d'arrêt. "On ne peut pas mourir d'enseigner, c'est incompréhensible, lâche Victor. On se prépare à faire le plus beau métier du monde, on ne peut pas mourir parce qu'on est prof. Non, on ne peut pas".

"Plus jamais ça" murmure une étudiante.
 
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